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Litterature
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GARY ROMAIN 1914 1980
ENTRETIEN AVEC ROBERT KENNEDY.
Manuscrit autographe signé, 1968. 9 pages dont 7 in-folio
et 2 in-4 oblong.
5 000 / 7 000 €
Récit d’un entretien avec Robert Kennedy publié le lendemain de son
assassinat dans le
Figaro
du 6 juin 1968 sous le titre « Il y a quelques
jours, Bobby me disait : « Je sais qu’il y aura un attentat tôt ou tard » ».
Robert Kennedy avait accordé cet entretien à Romain Gary en mai
1968, à la suite de sa victoire à la primaire de Californie.
… « Il s’agissait pour moi essentiellement de savoir s’il était concevable
qu’un « Israël noir » composé de deux ou trois États du Sud pût un
jour apparaître comme une solution plausible du problème aux
États-Unis. Kennedy considérait cette hypothèse comme impensable
… Il m’avait déclaré : « Une telle éventualité constituerait un échec
impensable de l’idéal démocratique américain. » Kennedy venait
de sortir de l’océan, glacial en cette saison, et se tenait assis sur
la moquette, les jambes croisées, le torse nu, vêtu d’un bermuda-
short. Ma première question fut de demander au sénateur quelles
précautions il prenait contre un attentat éventuel. Il n’y a aucun moyen
de protéger un candidat pendant la campagne électorale. Il faut se
donner à la foule et à partir de là il faut compter sur la chance »
dit Kennedy. Il rit, secouant la mèche juvénile qui lui retombait
sans cesse sur le front. De toute façon, il faut avoir la chance avec
soi pour être élu président des Etats-Unis. On l’a ou on ne l’a pas.
Je sais qu’il y aura un attentat tôt ou tard. Pas seulement pour des
raisons politiques, par contagion, par émulation. Nous vivons une
époque d’extraordinaire contagion psychique. Parce qu’un type tue
Martin Luther King ici, un « contaminé » va immédiatement tenter
de tuer un leader des étudiants allemands. Il faudrait faire une étude
profonde de la traumatisation des individus par les masses médias,
avec un besoin d’évènements spectaculaires … Et il faut dire que
le vide spirituel est tel à l’Est comme à l’Ouest que l’évènement
dramatique, le happening est devenu un véritable besoin … Il y a
aussi la congestion démographique surtout dans les villes, les jeunes
se mettent à éclater littéralement. Les individus – nous voyons ça
dans nos ghettos noirs – sont à ce point comprimés ou opprimés
qu’ils ne peuvent plus se libérer que par l’explosion. J’en viens
même à me demander si l’éclatement dans la peinture avec Pollock
et l’action Painting ne finit pas par pousser à la violence, ceux des
jeunes qui n’ont pas d’autres moyens de s’exprimer … et puis il y
a eu Hemingway. J’aime beaucoup Hemingway comme écrivain,
mais il faut bien dire qu’il a été le fondateur d’un mythe ridicule et
dangereux, celui de l’arme à feu et de la beauté virile de l’acte de
tuer ... Il était absolument impossible d’obtenir du Congrès une loi
interdisant la vente libre des armes à feu » …
Romain Gary raconte ensuite comment l’entretien se poursuit sur
la situation politique en France et sur l’action du général de Gaulle
en qui Robert Kennedy dit voir la dernière grande figure historique
française : « à combien d’attentats au juste a-t-il échappé ? Cinq ou six
je crois.» Kennedy hocha la tête et se mit à rire : « je vous disais bien
la chance. On ne peut pas être président sans the good old luck … »