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Litterature
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KEROUAC JACK 1922 1969
L.A.S. À SA MÈRE. 25 avril 1953. 6 pages in-12
.
12 000 / 15 000 €
Lettre autographe au crayon (date au stylo rouge), en anglais à sa mère.
… « Chère maman ci-joint la première lettre que j’ai écrite de Frisco…
Je suis prêt à partir au travail. Je ne me ferai pas plus de 80 dollars
d’ici la fin du mois, mais les choses vont commencer à se mettre en
route en mai, et à Noël j’aurai mis de côté 2 000 dollars, ou je serai
fauché… Dans le journal, comme tu peux le voir, il y a des réclames
pour des caravanes bon marché, et aussi pour des maisons, mais elles
sont toutes dans les 1 000 dollars. La meilleure chose pour nous, à
mon avis, serait de commencer dans une caravane pour environ un
an… Peut-être que cela serait mieux à San José mais je voulais étudier
Obispo en tant que ville, elle niche dans les montagnes, le travail est
plus tranquille. Une chose est sûre, la Californie est magnifique et
idéale, et sera notre foyer… Pendant trois jours j’ai eu les yeux pleins
de larmes à cause de la migraine que me causait ce tarin gonflé
comme tu vois, je ne me lamentais pas pour rien c’est la continuité
de ce « poison ». Maman, j’ai une chouette petite chambre d’hôtel
pour 6 dollars par semaine je me prépare des steaks, des œufs, des
toasts, du café, ma vue donne sur les grandes montagnes… Il me faut
une minute à pieds pour aller travailler… Les oiseaux chantent à ma
fenêtre, le soir je me pelotonne et passe une bonne nuit de sommeil
bercé par le chant des crickets… Maman au lieu de descendre dans le
sud pour le 4 juillet vient me rendre visite je t’aurai un laissez-passer
pour la moitié du trajet une fois ici tu auras une semaine entière pour
voir la Californie avant de repartir, je prendrai un congé et te ferai
visiter. Réfléchis-y ».
« Neal part à New-York pour Noël, nous pourrions faire le chemin
avec lui, c’est ce qu’il souhaite. Il s’est cassé la jambe en tombant d’un
wagon de marchandises et s’est presque démis le pied. Il ne pourra
pas travailler jusqu’au printemps 54. Il va probablement toucher 8 ou
10 000 dollars : avec ça il peut démarrer sans problème une aaire
ou une autre… Il veut aller à New-York pour Noël dans son break.
Nous verrons à ce moment. En attendant, je vais travailler, t’envoyer
des journaux et mettre de l’argent de côté. Venir en Californie m’a
redonné la vie. Je prends maintenant conscience que je n’aurais
pas dû partir l’année dernière. Je ne suis allé à New-York que pour
te voir. Nom d’un chien comme je peux détester New-York ! Plus
jamais. Comment va mon kitty, j’espère qu’il sera encore dans les
parages à Noël comme ça nous pourront le ramener… Souviens-toi,
arrête quand tu en as assez, tout ce que nous avons à faire est de
démarrer ici dans une caravane, n’importe quelle vieille caravane.
Tu verras que j’ai raison » …
Au moment où il écrit cette lettre Kerouac est âgé de 31 ans. Il n’a
alors fait paraître qu’un seul livre « Avant la route » en 1950. Il vient
d’achever l’écriture de « Sur la route » qui ne sera publié qu’en 1957.
Engagé par la South Pacific Railroad où travaillait également son
ami Neal Cassady, il exerçait la profession de chef de train assistant
et logeait à Obispo petite bourgade située entre Los Angeles et San
Francisco. Cette brève période marquait un moment d’accalmie dans
l’existence chaotique de l’écrivain, qui songe à se fixer dans la région
et mener une vie régulière.
Le grand intérêt de cette lettre est d’orir un portrait de Kerouac
moins connu et qui infléchit quelque peu sa légende : fils attentionné,
désireux de mettre de l’argent de côté. Elle met en scène plusieurs
acteurs et lieux qui ont marqués l’existence de l’écrivain : sa mère
Gabrielle auprès de qui il passera ses dernières années, Neal Cassady,
personnage clé de la Beat Generation qui inspira le personnage
de Dean Moriarty dans « Sur la route » et la Californie opposée à
New-York. Ces velléités d’existence rangée ne dureront pas, Kerouac
reprendra la route avec Cassady.
On the road again.
Rarissime et importante lettre de Jack Kerouac.