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un turc. L’état de marasme et de maigreur disparaît à vue d’œil, et je travaille comme trois nègres pour réparer le temps perdu. Il

fait beau. Nohant est un tapis de violettes, de pervenches et de narcisses. Mon petit monde va bien. Aurore ne dit pas encore

à

Chaillot

, mais elle dit

aïe donc, aïe donc

, d’un ton prétentieux à mourir de rire. On met un décor au théâtre », et elle écrit une pièce

[

Le Chevalier de Tintignac

] : « 3 actes en 3 jours. On jouera dans une quinzaine, Lina, Maurice et Marie, avec mon neveu qui est très

cabot, et deux autres gamins fils de nos amis. Ils sont très gentils et iront bien. Nous voulons monter quelques pièces de localité,

c’est-à-dire du répertoire inédit et sans prétention de publicité, pour les jouer au pied levé à La Châtre », au bénéfice de l’actrice

Marguerite

T

huillier

, « qui récolterait 500 f. par soirée. 3 représentations de cette force-là, dans l’année lui constitueraient une

aisance réelle avec sa pension. – On compte sur toi pour l’essai que nous allons faire sur les planches de Nohant. Tu nous donneras

bien trois jours sans trop faire de tort à ton travail, et tu me laisseras te payer le voyage. […] Dis oui, et tu seras le plus beau lapin

qui ait jamais existé. On t’appelle ici pour rouvrir le temple des jeux et des ris après les deuils et les larmes. On voudrait revenir

à la vie, avec toi, au milieu de nous ».

Puis elle parle des projets de tableaux de Marchal, approuvant son idée : « J’avais peur que le public si changeant aujourd’hui

ne se lassât de l’Alsace et de ces costumes rigides qui entraînent la répétition des mêmes types. Les journalistes ont-ils dit assez

de bêtises sur la prétendue école alsacienne ! Et puis, on se serait mis à te copier bêtement, et ça dégoûte les yeux d’un sujet,

comme les orgues de barbarie dégoûtent les oreilles des plus beaux motifs en musique. Il me semble que ton talent délicat et

recherché doit être à l’aise dans la soie et le velours et comme tu as du goût, tu vas faire ce qui sera à la fois au goût de tout le

monde et au goût des vrais artistes. Va donc de l’avant. Tes deux sujets me semblent bien choisis et je ne blâme que

ta toile très

longue et très étroite

. Prends garde à la gêne toute physique, mais très réelle qu’on éprouve à voir une figure serrée dans le cadre

sans air et sans espace autour. J’ai été frappée de ça dans la réalité en voyant le pape donner la bénédiction de Pâques à St Pierre.

Cette chose si solennellement annoncée, cette figure isolée au-dessus d’une foule, dans un si bel espace ne m’a fait aucun effet, et

en cherchant pourquoi, j’ai senti que cette fenêtre, très grande pourtant, était trop petite de moitié pour contenir un homme qui

voulait représenter une idée. Tes deux types ont la même destination. Quoi que tu fasses, ils auront plus d’importance que ton

baby alsacien, on y voudra voir deux destinées bien distinctes. À la rêverie, il faut de l’espace. – Sur ce, cher gros, je t’embrasse

de tout cœur »…

Correspondance

, XX, 13046.

Reproduction page 65

176.

George SAND

. L.A.S., [Nohant] 27 juillet [1869], au compositeur Alexandre

B

azille

 ; 4 pages in-8 à son chiffre

(petite déchirure dans la marge sup. sans toucher le texte).

800/900

A

u

sujet

d

une

domestique

.

« Mon cher enfant, vous vous êtes donné bien de la peine pour nous avoir une bonne gouvernante […] Mais elle ne remplit pas

notre but et ce n’est la faute de personne, pas même la sienne, je pense, car c’est une très douce fille et sans défaut moral que je

sache. Mais elle n’est pas douée des aptitudes nécessaires à un ménage bien tenu et à un service régulier et

prévu

. Elle n’est pas

vive, elle est distraite, elle n’aime pas je crois ce genre de fonctions ou elle n’en a pas la force, ou elle n’aime pas à se donner un

peu de peine enfin elle n’y arrive pas, et pour le prix que nous lui donnons, nous aurions deux bonnes du pays qui ne feraient ni

mieux ni pire. Nous avons voulu lui donner le temps de se retourner, de s’essayer et de s’habituer, et le temps n’a amené aucun

progrès. […] Nous lui donnerons tout le temps nécessaire pour se placer bien, et si, de votre côté vous trouvez une bonne place

pour elle, agissez. Nous n’aurons que d’excellents témoignages à donner de son caractère, de sa délicatesse et de son travail de

femme de chambre proprement dite. Le rangement, le service de table, le coup de balai et le plumeau ne sont pas son affaire, c’est

une demoiselle. Si elle ne l’était pas chez vous, elle l’est devenue, et elle peut très bien trouver son emploi sur ce pied dans une

maison riche. Nous n’avons pas cet emploi chez nous, où il faut être un peu à tout »…

Puis Sand s’enquiert : « Et vous que faites-vous ? Où en sont vos travaux et vos espérances dans ce temps de barbarie musicale où

nous vivons ? »… Elle ajoute, à propos de sa belle-fille Lina et de la bonne : « Lina se couche à 11 h. et se lève à 6. Jeanne est libre

de se coucher à 9 h. et elle se lève à 8. […] Lina est très bonne, mais elle se fatigue trop, et nous ne voulons pas »….

Correspondance

, XXI, 14135.

177.

Philippe SOUPAULT

(1897-1990).

M

anuscrit

autographe,

Préface

 ; 4 pages in-4 (tapuscrit joint).

300/400

P

résentation

des

chansons

du

poète

et

compositeur

H

enri

-J

acques

D

upuy

(qui prépara le volume

Philippe Soupault

de la

collection « Poètes d’aujourd’hui » de Seghers en 1957). L’amour de la chanson est inné et indispensable : « Certes, malheur à ceux

qui ne chantent plus, malheur à ceux qui ont oublié les chansons de leur enfance, de leurs amours, les chansons de leur vie »…

Lui-même a souvent retourné la formule universelle « Chanter, c’est vivre »… Du reste les statistiques « permettraient peut-être de

mesurer la puissance de cette passion de chanter qui dépasse de cent coudées la passion sexuelle. On fait moins souvent l’amour

dans le monde qu’on ne chante l’amour »… Il déplore la vulgarité de la chanson contemporaine, mais reconnaît que chanter est une

manière de se déclarer. « Henri Jacques Dupuy aime la musique comme une sœur qu’il n’a jamais connue et je considère cependant

que les chansons qu’il a écrites,

en pensant sans cesse à la musique qui les accompagne

, sont libérées des enchantements. Elles sont

des chansons qui n’ont ni béquilles, ni chevilles, ni petites voitures. Elles sont ce que nous souhaitons, des chansons sur nos lèvres,

des chansons qui nous tourmentent, nous encouragent, nous font rêver. Elles nous parlent de la vie, de chaque jour, de l’avenir et

d’aujourd’hui. […] Tout est permis quand on chante. Tout est permis quand on vit »…

O

n

joint

le manuscrit autographe d’une émission radiophonique sur l’Alsace (5 pages et quart in-4, vers 1964).