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fait naître des pensées de calme et de douceur ? Cite-t-on un homme qui ait commis une action sanglante après avoir vidé une
coupe de lait ? La sensation du réveil si souvent triste et désolante, qui vous replace au milieu des songes favorables et souhaités
vis-à-vis de la réalité qui blesse ou qui trompe, quel remède lui apporterez-vous plus efficace que cette liqueur qui, par la qualité
suave de sa couleur et de son goût, paraît comme l’antidote naturel de l’amertume ? [...] Buvez du lait avant même votre première
pensée, et votre humeur contractant la vertu de ce breuvage philosophique se montrera conciliante et aimante toute la journée »...
Il évoque alors son récent voyage dans le sud-est de la France : l’amphithéâtre de Nîmes, et la Maison carrée, « joli petit et frêle
bijou d’architecture grecque » ; il dénigre cette campagne chantée par des « poètes menteurs », avec ses murailles de pierre grise et
les oliviers, « arbre charmant dans les pastorales mais si austère et si rude aux yeux que l’imagination ne peut vraiment placer sous
son ombrage que la scène d’une agonie ». Il a, dans son voyage, contracté le germe d’une maladie : « Le traitement de la nouvelle
maladie contrarie un peu celui de l’ancienne […] Ce pêle mêle de souffrances et de remèdes et le long malaise qui a précédé
l’apparition des accès, n’ont pas peu ajouté au poids naturel d’une vie de campagne, isolée et monotone comme la notre. Toutes mes
distractions consistent dans quelques promenades au petit pas de mon cheval. Mais dans la pensée que mes sœurs m’entourent de
mille soins et qu’on doit se rétablir vite au milieu de tant d’affection, je trouve ce qui me console et m’encourage »...
Reproduction page 51
133.
José-Maria de HEREDIA
(1842-1905). L.A.S., Villa Belle-Vue, Veules en Caux, 15 juillet 1884, à un ami ; 3 pages
in-8.
250/300
V
acances
en
N
ormandie
. Il regrette d’avoir manqué son ami à Paris, mais il a fui le choléra « dont Louise a une
peur
atroce ». Ils sont installés en Normandie « au-dessus de Meurice, dans une maison assez agréable, avec une admirable vue sur la
mer », et il invite son ami à les rejoindre. Il a été si bousculé qu’il n’a pu faire ses adieux à
L
econte de
L
isle
,
qui peut venir prendre
des vacances chez lui : « On y sent le varech à plein nez et malgré le galet, la mer y est fort belle. Le pays est gentil. […] C’est
d’un Flaubert étonnant, je demeure chez Bornibus. Pécuchet, Pécuchet lui-même a sa villa en face et si Bouvard manque à la fête,
nous avons du moins l’illustre Bouvier, auteur de la Grande Iza, qui a un fort joli cottage acquis à l’aide de sa laide littérature »…
O
n
joint
une L.A.S. de
L
econte
de
L
isle
, Paris 28 novembre 1883 (1 p. in-8), informant un ami de la maladie d’Étienne Arago
qui donne les plus vives inquiétudes.
134.
Élisabeth-Françoise-Sophie de La Live de Bellegarde, comtesse d’HOUDETOT
(1730-1813) femme de lettres,
amie de Jean-Jacques Rousseau et Saint-Lambert.
M
anuscrit
autographe,
De la fortune de Buonaparte
, [vers
1800] ; 6 pages petit in-4.
300/400
P
rophétique
vision
du
futur
E
mpereur
. « La révolution française dont le grand caractère a été la destruction n’a produit pour
l’histoire aucun personnage distingué. […] Un seul homme aujourd’hui semble annoncer une sorte de génie et se présente aidé
d’un grand bonheur et d’une grande fortune […] Buonaparte ne sera jugé par l’histoire et la postérité que par ses succès. Il lui est
imposé d’être grand et de faire de grandes choses »… Etc.
*
135.
Victor HUGO
(1802-1885. L.A.S., Hauteville House 31 mars [1869], à Louis
U
lbach
, rédacteur de
La Cloche
, à
Paris ; 1 page in-4, enveloppe (encadrée avec un portrait, légère mouillure).
2 000/2 500
B
elle
lettre
de
soutien
après
la
condamnation
du
rédacteur
de
L
a
C
loche
,
hebdomadaire
satirique
.
« Mon vaillant confrère,
cette lettre vous parviendra-t-elle ? Je suis indigné, et cependant content. Cette condamnation inouïe est pour votre noble esprit
une victoire de plus. Six mois, c’est affreux. Je vous les rachèterais volontiers avec quelques années d’exil de plus pour moi. J’ai
l’habitude de ma solitude et de mon préau »...
Reproduction page 55
136.
Victor HUGO
(1802-1885).
M
anuscrit
autographe,
Déclaration
, [5 septembre 1870] ; ¾ page in-fol. avec corrections
(pli réparé, un bord un peu rogné ; encadré).
2 000/2 500
R
etour de
V
ictor
H
ugo à
P
aris
en
1870
. Il s’agit ici d’une première version de la déclaration faite par Hugo à son retour à Paris
après 19 ans d’exil, au lendemain de la proclamation de la République, et alors que l’armée prussienne marche sur Paris [voir
Actes
et Paroles
III
,
i
, 1 « Rentrée à Paris »].
« Le peuple de Paris nous fait appel. [
Rayé :
De suprêmes évènements s’approchent.] Nous sommes prêts à tous les dévouements
comme à tous les sacrifices. Mais c’est dans le peuple qu’est la force suprême. En présence des graves événements qui s’approchent,
il faut que le peuple se fasse pour ainsi dire visible, qu’il élise d’urgence des représentants immédiats, qu’il mette en eux sa
volonté et la majesté de la République, et que, dans le péril de la patrie, en leur imposant tous les devoirs, il leur donne tous les
droits. Nous demandons au peuple de nommer, dans un délai de quarante-huit heures, au scrutin de listes, une assemblée de cent
membres, qui prendra le titre d’
assemblée des représentants de Paris
, et qui siégera à l’Hôtel de Ville. Cette assemblée nommera son
pouvoir exécutif. Elle aura un mandat : Représenter Paris. Elle aura une mission : sauver la France. Sauver la France, c’est sauver
la République. Sauver la République, c’est sauver la civilisation ».
Reproduction page 55