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40. BAuDELAIRE (Charles). Lettre autographe signée à Théophile Thoré,

Bruxelles

,

Taverne du Globe

, [vers le

20 juin 1864], 3 pages in-8 (202 x 132 mm) sur un bifeuillet, enveloppe autographe jointe, sous chemise

demi-maroquin noir moderne.

3 500 / 4 500 €

B

AuDELAIRE

,

ÉCRIVANT Au CÉLèBRE CRITIquE D

ART

, «

INVENTEuR

»

DE

V

ERMEER POuR DÉFENDRE

M

ANET

,

EXPLIquE SON

AMOuR D

’E

DGAR

P

OE

.

Baudelaire connaissait de longue date Thoré (1807-1869), critique et historien d’art signant ses articles William Bürger,

que le coup d’État de 1851 avait contraint à l’exil et qui vivait alors à Bruxelles. Il lui écrit ici pour protester contre un

article que son correspondant vient de publier dans

L’Indépendance belge

du 15 juin. Rendant compte du Salon de Paris,

Thoré avait écrit élogieusement sur Manet (qui y exposait deux toiles), mais en l’accusant d’imiter Vélazquez, Goya et

Greco. Baudelaire s’élève contre cette critique et fait un parallèle avec les correspondances entre l’œuvre d’Edgar Poe et

la sienne.

Il remercie Thoré d’avoir défendu son ami Manet,

en lui rendant un peu justice.

Mais il ajoute aussitôt :

Seulement, il y a

quelques petites choses à rectifier dans les opinions que vous avez émises

. En effet,

le mot pastiche n’est pas juste.

M. Manet n’a jamais vu de Goya, M. Manet n’a jamais vu de Gréco... Cela vous paraît incroyable, mais cela est vrai

. Il

ne s’agit donc que de

mystérieuses coïncidences.

Manet n’a pu connaître le musée espagnol de Louis-Philippe, car à cette

époque, il était

un enfant et servait à bord d’un navire

. D’ailleurs,

on lui a tant parlé de ses pastiches de Goya que maintenant

il cherche à voir des Goya

... Il ne s’agit donc que de

parallélismes géométriques

, assure Baudelaire, qui fait alors un retour

sur lui-même :

Eh bien ! on m’accuse, moi, d’imiter Edgar Poe

.

Suivent ces phrases extraordinaires et profondes, souvent citées et qui éclairent admirablement l’enthousiasme de

Baudelaire pour Poe :

Savez-vous pourquoi j’ai si patiemment traduit Poe ? Parce qu’il me ressemblait. La première fois

que j’ai ouvert un livre de lui, j’ai vu, avec épouvante et ravissement, non seulement des sujets rêvés par moi, mais des

PHRASES pensées par moi, et écrites par lui vingt ans auparavant

. Il ajoute amicalement :

Ne vous fâchez pas ; mais

conservez pour moi dans un coin de votre cerveau un bon souvenir

. Sa dernière phrase traduit bien le caractère de

Baudelaire :

Toutes les fois que vous chercherez à rendre service à Manet, je vous remercierai,

tout comme le post-scriptum :

J’aurai le courage ou plutôt le cynisme absolu de mon désir. Citez ma lettre, ou du moins quelques lignes. Je vous ai dit

la pure vérité.

Thoré déféra à ce désir, en publiant dans

L’Indépendance belge

du 25 juin 1864 un rectificatif, où il citait

l’étonnant passage de cette lettre de Baudelaire sur Poe.

Comme l’indiquait Baudelaire dans le post-scriptum, et comme le montre l’enveloppe jointe [

Aux bons soins de

Mr. Bérardi, pour transmettre à Monsieur V. Burger

[sic]

(de la part de M. Ch. Baudelaire)

], cette lettre ne fut pas confiée

à la poste, mais portée à Léon Bérardi, directeur de

L’Indépendance belge

, pour être transmise à Thoré.

L

ETTRE CAPITALE

à propos des deux grandes admirations de Baudelaire.

De la Bibliothèque Jean Davray (6-7 décembre 1961, lot 131, repr. à pleine page).

Correspondance

, éd. Cl. Pichois, Pléiade, 1973, t. II, p. 386-387.

41. BAuDELAIRE (Charles). Lettre autographe signée à Louis Marcelin, [Bruxelles], datée

9 oct

[obre]

1864

,

signée

Ch. Baudelaire

, 2 pages in-8 (212 x 139 mm), sur un bifeuillet, sous chemise demi-maroquin noir

moderne.

2 000 / 2 500 €

A

u DIRECTEuR DE

L

A

V

IE PARISIENNE

,

Au SuJET D

uN POèME quI Y A ÉTÉ PuBLIÉ ET DE SES TRADuCTIONS DE

P

OE

.

Baudelaire avait proposé à Louis Marcelin (1825-1887) de publier dans

La Vie parisienne

des traductions d’Edgar Poe qui

allaient paraître chez Michel Lévy dans les

Histoire grotesques et sérieuses

. Dans cette lettre, il évoque les épreuves des

Habitations imaginaires

, que Lévy doit lui transmettre. L’auteur suggère des coupures si le texte semble trop long, dont il

le laisse juge :

La partie pittoresque étant appuyée sur les considérations morales, il me paraît bon de supprimer le moins

possible de ces dernières. Mais c’est là, direz-vous, une opinion d’auteur

. Il ajoute ironiquement :

Je vous assure que tous

les directeurs

[…]

ont une malheureuse propension à supposer le public plus obtus qu’il n’est.

Il lui recommande de bien

lire ses traductions de Poe :

Peut-être..., saisissant plus facilement tout ce qu’il y a d’ingénieux dans la théorie, diminuerez-vous

l’étendue des coupures.

qu’il mette alors

des lignes de points, et une petite note explicative

. Marcelin jugera finalement les textes

trop longs pour être insérés dans la revue.

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