Previous Page  267 / 360 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 267 / 360 Next Page
Page Background

265

Nombre de lettres sont adressées depuis l’étranger, d’Italie, d’Angleterre, d’Algérie ou depuis le sud de la France.

Ses impressions de voyage, souvent romanesques, ne manquent pas de sel :

Je vis tout simplement comme une brute primitive. Depuis quelques jours je marche devant moi, mon fusil sur le dos,

escaladant des montagnes rousses comme des peaux de lion, pour descendre ensuite en des ravins boisés et touffus avec

des arbres emmêlés par des lianes impénétrables, comme on raconte que sont les forets vierges. De temps en temps un

chien aboie et je rencontre une hutte de branches dont sortent un homme en burnous, une femme pâle qui a des étoiles

bleues tatouées sur le front les joues et le menton, et deux ou trois enfants vetus de loques bleues ou rouges.

(

Hamman R' hira , jeudi matin

[29 novembre 1888] ; 6 pages in-12, enveloppe.)

C’est triste ici, mais reposant et je goûte un plaisir bizarre, un vrai plaisir solitaire à me trouver au milieu de gens

qui ne m’entendent pas et que je ne comprends point. Si j’avais un conseil à donner aux jeunes hommes, ce serait

celui-ci : N’apprenez jamais les langues étrangères et voyagez souvent à l’étranger. Il n’y a rien de plus agréable que

de regarder les gens causer, rire, mimer ce qu’ils disent sans avoir la fatigue inutile de suivre.

[...]

Je me sens en sureté,

au milieu de ces êtres la, tranquille comme s’ils étaient en cage, et quand ils essayent, par politesse (car ils sont très

polis) de baragouiner quelques mots de Francais je leur fais répéter vingt fois chaque phrase, en feignant de ne point

comprendre, pour leur oter tout désir de recommencer.

J’ai passé deux jours avec l’archeveque de Canterbury à qui on m’a présenté comme un Egyptologue pour ne point

alarmer sa conscience sacerdotale. Je viens de passer trois jours (suprême honneur) sous le même toit que l’ héritier du

trône (au 2

e

degré) qui me fait l’effet d’un superbe échantillon du crétinisme auquel aboutissent les races royales. J’ai

vu des lords, des gèneraux, des ambassadeurs, des ministres, toute la ménagerie humaine de ce pays. J’en ai plein les

yeux ; mais j’en aurais plein le dos si je les avais entendus. Point de jolies femmes. Elles sont assez fraiches mais sans

grâce, sans élégance, sans piment...

(

Waddesdon Aylesbury, 10 août

[1886 cachet] ; 4 pages in-12, enveloppe.)