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264
“
Je ne dis pas que je vous ai aimée. Je dis que j’ai été atteint, comme d’autres, par votre pouvoir
”
223
MAUPASSANT (Guy de).
Correspondance adressée à la comtesse Potocka.
Vers 1883-1891.
24 lettres autographes signées “Guy de Maupassant” ou “Maupassant”
,
in-12 et petit in-12, 23 billets autographes
signés, 27 enveloppes, la plupart non datés, et une pièce autographe signée, 1 page grand in-8.
Extraordinaire correspondance autographe adressée par Guy de Maupassant à son égérie
et confidente, la comtesse Potocka, totalisant plus de 120 pages.
Issue de l’aristocratie napolitaine, la princesse Emmanuela Pignatelli di Cerchiara (1852-1930) épousa en 1870
le comte polonais Félix-Nicolas Potocki, héritier d’une fortune considérable. Installée à Paris, dans un fastueux
hôtel particulier avenue de Friedland, elle devint célèbre par son esprit, son aisance, puis par son salon où se
pressait, à partir de 1882, le Tout-Paris. Réputée pour son esprit autoritaire – on la surnommait
La Patronne
–
elle abandonna le domicile conjugal le 21 décembre 1887.
Maupassant fit sa connaissance en juillet 1883, lors d'un séjour en Auvergne, et lui emprunta certains traits
pour l’héroïne de
Mont-Oriol
de même que pour la baronne de Frémines dans
Notre Cœur
. Leurs relations
devaient perdurer jusqu’à son internement à la clinique du docteur Blanche en janvier 1892. L’ensemble de ces
lettres adressées à une intime au cœur de la vie littéraire offre une mine de renseignements inédits sur la dernière
décennie de l’auteur du
Horla
.
Elle comporte d’importantes réflexions littéraires ou philosophiques, des impressions de voyages,
des aperçus sur sa vie intime, non sans documenter la lente descente aux enfers du romancier.
Ainsi cette longue réflexion sur le lien entre perception et vie intérieure, inspirée par la vue de l’Esterel dessinant
“
en noir sa silhouette dentelée sur le ciel écarlate
”.
Ce genre de visions de nature provoque, dit-il, “
parfois des sensations bizarres, inexprimables. C’est une sorte de
soulèvement de la pensée, un développement immense des besoins, des attentes, de toutes les convoitises idéales et
exaltées de l’Esprit, un appétit violent de l’impossible, de l’inconnu, du Surhumain – Et, tout au fond de la Raison
cependant, comme un poids qui retiendrait un ballon prêt à partir, la certitude lourde que ces aspirations, venues
d’une sorte d’ivresse de l’œil, sont vaines et ridicules.
Chacun de nous a des sens plus ou moins excitables. Moi, je n’ai pas d’oreille, ou, du moins, elle est fort rudimentaire,
mais je possède un œil d’une sensibilité excessive, presque maladive.
[...]
J’en souffre ou j’en jouis à l’excès. Les choses
que je vois entrent en moi, me pénètrent, m’emplissent d’émotion. C’est par l’œil, certes que je ressens le plus, que me
viennent mes plus grandes joies et mes plus grands chagrins. Et je comprends, grâce à l’excitabilité de cet organe, quelle
puissance le son doit avoir sur les gens doués d’une ouïe délicate
.”
(Cannes, 1
er
avril 1884
; 7 pages in-12, enveloppe).
Quant à ses propres œuvres, Maupassant se montre sans pitié. La lettre qu’il rédige peu après la publication
d’une nouvelle dans
le Figaro
du 16 janvier 1886,
Mlle Perle,
donne lieu à un commentaire cinglant :
“
Vous m’avez révolté – littérairement – en me faisant des compliments sur M
elle
Perle, une ordure, j’en suis certain
[...].
Comment avez vous pu juger avec bienveillance l’ histoire aussi banale qu’invraisemblable de cette famille
d’imbéciles vivant derrière l’Observatoire comme au fond de la province
. [...]
Certes l’invention de ce fabliau à
la Berquin est d’une certaine platitude, l’observation d’une parfaite inexactitude, le développement d’une naïveté
attendrissante – qui a attendri tout le monde. Car j’ai reçu beaucoup de lettres.
J’ai le droit d’être sévère étant donné le nom de l’auteur, et je dis qu’en écrivant de pareilles sucreries vertueuses sans
trouvailles d’aucune sorte, sans composition artiste et même sans adresse de plume en arrive peut être... à l’académie.
Mais c’est tout, et pas assez. Et j’ai voulu prouver que tout le monde confond la littérature avec la Vertu – alors qu’elles
n’ont rien de commun.
Eh bien, après cet essai déloyal j’opte pour la littérature. Voilà comme je suis grincheux dans ma solitude où la vie
n’est pas gaie. Je travaille, je travaille beaucoup ; j’ai mal aux yeux, mal à l’estomac, mal aux reins ; et mon cœur bat
jour et nuit.
”
(
Sans lieu ni date
[Antibes, cachet postal du 13 février 1886] ; 5 pages petit in-12, enveloppe, sur papier à en-tête
GM 10 rue de Montchanin
.)