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Je ne dis pas que je vous ai aimée. Je dis que j’ai été atteint, comme d’autres, par votre pouvoir

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MAUPASSANT (Guy de).

Correspondance adressée à la comtesse Potocka.

Vers 1883-1891.

24 lettres autographes signées “Guy de Maupassant” ou “Maupassant”

,

in-12 et petit in-12, 23 billets autographes

signés, 27 enveloppes, la plupart non datés, et une pièce autographe signée, 1 page grand in-8.

Extraordinaire correspondance autographe adressée par Guy de Maupassant à son égérie

et confidente, la comtesse Potocka, totalisant plus de 120 pages.

Issue de l’aristocratie napolitaine, la princesse Emmanuela Pignatelli di Cerchiara (1852-1930) épousa en 1870

le comte polonais Félix-Nicolas Potocki, héritier d’une fortune considérable. Installée à Paris, dans un fastueux

hôtel particulier avenue de Friedland, elle devint célèbre par son esprit, son aisance, puis par son salon où se

pressait, à partir de 1882, le Tout-Paris. Réputée pour son esprit autoritaire – on la surnommait

La Patronne

elle abandonna le domicile conjugal le 21 décembre 1887.

Maupassant fit sa connaissance en juillet 1883, lors d'un séjour en Auvergne, et lui emprunta certains traits

pour l’héroïne de

Mont-Oriol

de même que pour la baronne de Frémines dans

Notre Cœur

. Leurs relations

devaient perdurer jusqu’à son internement à la clinique du docteur Blanche en janvier 1892. L’ensemble de ces

lettres adressées à une intime au cœur de la vie littéraire offre une mine de renseignements inédits sur la dernière

décennie de l’auteur du

Horla

.

Elle comporte d’importantes réflexions littéraires ou philosophiques, des impressions de voyages,

des aperçus sur sa vie intime, non sans documenter la lente descente aux enfers du romancier.

Ainsi cette longue réflexion sur le lien entre perception et vie intérieure, inspirée par la vue de l’Esterel dessinant

en noir sa silhouette dentelée sur le ciel écarlate

”.

Ce genre de visions de nature provoque, dit-il, “

parfois des sensations bizarres, inexprimables. C’est une sorte de

soulèvement de la pensée, un développement immense des besoins, des attentes, de toutes les convoitises idéales et

exaltées de l’Esprit, un appétit violent de l’impossible, de l’inconnu, du Surhumain – Et, tout au fond de la Raison

cependant, comme un poids qui retiendrait un ballon prêt à partir, la certitude lourde que ces aspirations, venues

d’une sorte d’ivresse de l’œil, sont vaines et ridicules.

Chacun de nous a des sens plus ou moins excitables. Moi, je n’ai pas d’oreille, ou, du moins, elle est fort rudimentaire,

mais je possède un œil d’une sensibilité excessive, presque maladive.

[...]

J’en souffre ou j’en jouis à l’excès. Les choses

que je vois entrent en moi, me pénètrent, m’emplissent d’émotion. C’est par l’œil, certes que je ressens le plus, que me

viennent mes plus grandes joies et mes plus grands chagrins. Et je comprends, grâce à l’excitabilité de cet organe, quelle

puissance le son doit avoir sur les gens doués d’une ouïe délicate

.”

(Cannes, 1

er

avril 1884

 ; 7 pages in-12, enveloppe).

Quant à ses propres œuvres, Maupassant se montre sans pitié. La lettre qu’il rédige peu après la publication

d’une nouvelle dans

le Figaro

du 16 janvier 1886,

Mlle Perle,

donne lieu à un commentaire cinglant :

Vous m’avez révolté – littérairement – en me faisant des compliments sur M

elle

Perle, une ordure, j’en suis certain

[...].

Comment avez vous pu juger avec bienveillance l’ histoire aussi banale qu’invraisemblable de cette famille

d’imbéciles vivant derrière l’Observatoire comme au fond de la province

. [...]

Certes l’invention de ce fabliau à

la Berquin est d’une certaine platitude, l’observation d’une parfaite inexactitude, le développement d’une naïveté

attendrissante – qui a attendri tout le monde. Car j’ai reçu beaucoup de lettres.

J’ai le droit d’être sévère étant donné le nom de l’auteur, et je dis qu’en écrivant de pareilles sucreries vertueuses sans

trouvailles d’aucune sorte, sans composition artiste et même sans adresse de plume en arrive peut être... à l’académie.

Mais c’est tout, et pas assez. Et j’ai voulu prouver que tout le monde confond la littérature avec la Vertu – alors qu’elles

n’ont rien de commun.

Eh bien, après cet essai déloyal j’opte pour la littérature. Voilà comme je suis grincheux dans ma solitude où la vie

n’est pas gaie. Je travaille, je travaille beaucoup ; j’ai mal aux yeux, mal à l’estomac, mal aux reins ; et mon cœur bat

jour et nuit.

(

Sans lieu ni date

[Antibes, cachet postal du 13 février 1886] ; 5 pages petit in-12, enveloppe, sur papier à en-tête

GM 10 rue de Montchanin

.)