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SAUGUET (Henri).

Lettres à Castor Seibel

(1976-1984).

66 lettres ou cartes autographes signées.

Joint : 1 lettre signée de Claudio Abado à Castor Seibel.

Belle et riche correspondance du musicien.

Henri Sauguet (1901-1989) avait pris pour maître Erik Satie, à qui le présenta Darius Milhaud.

Il commença sa carrière musicale par un Ballet,

Les Roses

, en 1924. En 1927, Diaghilev

lui commande un autre ballet,

La Chatte

, créé à Monte-Carlo avec Serge Lifar. En 1939,

il remporte un grand succès avec son opéra tiré de

La Chartreuse de Parme

. En 1945, c’est

la gloire internationale avec son ballet

Les Forains

. Jusqu’à la fin de sa vie, il ne cessera de

composer pour le cinéma, le théâtre, la radio ou la télévision, collaborant régulièrement avec

son compagnon, le peintre et décorateur Jacques Dupont (1909-1978).

Il connut le tout-Paris, mais fut particulièrement proche de Max Jacob, Jean Cocteau,

Christian Bérard, Georges Auric et Marcel Jouhandeau.

Ces lettres témoignent de sa culture, de son humour, de son esprit parfois mordant, de

sa pudeur aussi, qui accompagne les confidences qu’il peut faire sur son intimité. Il y est

évidemment question de son art, mais aussi de ses amis, passés et présents, de ses lectures, de

ses rencontres, de ses voyages, de ses joies et de ses peines.

Sur Jean Denoël :

« Il n’y avait pas beaucoup d’amis à s’être dérangés le soir où on a célébré

la messe à son intention à N.-D. des Champs ! Même pas de bombe de ceux qu’il priait à un des

déjeuners de Florence Gould, au Meurice, le mercredi !

(...)

Mais c’est ainsi, et ce n’est pas la

première fois que je le constate : les Parisiens ont le cœur court, si ce n’est la mémoire ! “Il faut se

faire une raison”... oui. »

(16.11.1976)

Sur André Malraux :

« Oui ! la mort de Malraux a fait un grand fracas, à la mesure du personnage

qui fascinait par l’étrangeté de son comportement et ses propos de sybille dans les vapeurs de forts

alcools ! »

(30.11.1976)

Sur Julien Green :

« C’est, lui aussi, un être fascinant, pour bien d’autres raisons que Malraux.

(...)

Il est secret et mystérieux : cependant il se raconte longuement et minutieusement dans son

Journal !.. Il est vrai que dans la solitude du cabinet de travail, un écrivain parle plus aisément

à son papier qu’en société. Quoi qu’il en soit, j’aime son allure presque ecclésiastique (pas genre

Jouhandeau) et ses airs feutrés qui sont souvent démentis par une ardeur du regard et un sourire

en demi-teinte, qui peut aller jusqu’au sourire narquois. Il est intimidant comme le sont tous les

timides. On est tenu à distance. »

(30.11.1976)

Sur Giorgio Morandi :

« Merci pour votre lettre et pour les images de Giorgio Morandi.

(...)

Elles

recèlent un secret qui les rend proches et lointaines à la fois. Matière ? Pensée ? Un œil pas comme

les autres en tous cas. »

(25.1.1977)

Sur le goût des garçons :

« Mais, évidemment, manquent dans mon horizon des serviteurs

attentifs – superbes et landais – qui se font lever par des dames en mal de mâles... Au marché

(...)

vont et viennent quelques garçons de formes avantageuses, des “vacanciers” court-vêtus, des

agriculteurs qui affichent des airs mauvais garçons et, eux, courent les filles qui rient sous cape.

C’est une survivance des marchés d’esclaves. Je regarde plus ou moins furtivement. On me connaît.

Je traine une réputation qu’il faut sauvegarder ! Bien que... »

(15.8.1977)

Sur la vie de province :

« Je viens de rentrer de la grande foire annuelle dite “aux oignons”. C’est

une survivance des grandes foires du moyen âge. On s’y rencontre, on s’y donne des nouvelles de l’an

passé, on y discute. Cela dure toute la matinée. Bien sûr on peut trouver pendant toute l’année ce

qu’on y vient acquérir ce jour-là. Mais les coutumes, heureusement, ont la vie longue, et celle-ci

ne bouge qu’en apparence (les carrioles sont remplacées par des automobiles, les vêtements ont pris

des couleurs, les jeunes gens sont plus déshabillés et ont bien plus l’apparence de gitans, de mauvais

garçons, que de petits paysans de la Gironde. Pour le reste, on demeure encore mu par des habitudes

ancestrales qui font exécuter aux vivants les gestes que pendant des générations, ont accomplis les

morts. Je crois que c’est cela, la vie éternelle ! »

(31.8.1977)