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Sur sa conception de la musique :

« Il y a avant tout dans la musique de cette œuvre

un sentiment de compassion humaine et de sur-vie (comme il y a un sur-réalisme). C’est-à-dire

que, comme l’oiseau témoin impassible du drame qui se joue autour de l’arbre sur lequel il continue

de chanter, la musique, bien que mue et frémissante pour l’événement, témoigne de l’intemporalité,

dépasse l’anecdote et chante pour le triomphe de la vie sur la mort et crée la sur-vie. C’est du moins

ce que j’ai tout naturellement tenté de chanter dans, d’ailleurs, la presque totalité de mes œuvres

qui ont eu pour raison d’être le besoin de dépasser le temps et d’abolir les frontières qu’il cherche

à nous imposer – dans lesquelles il tente de nous enfermer – la musique a ce pouvoir. Elle est

élémentaire, un principe fondamental, un univers qui contient l’essence des sentiments de toute

nature. »

(18.4.1979)

Sur Jacques Dupont :

« J’ai pu, ce mois d’août, bien travailler et achever un 3

e

quatuor à cordes

que j’avais promis d’écrire à Jacques Dupont. Et dans cette maison et ce jardin où il demeure

à présent, j’ai composé dans son atmosphère l’œuvre qu’il me souhaitait voir écrire pour lui »

(7.9.1979)

« Jacques Dupont est mort vendredi soir d’une embolie pulmonaire. Nous l’avons enterré hier au

milieu de tous ses amis au cimetière Montmartre où j’avais acheté une concession pour nous recevoir

tous les deux et où j’irai le rejoindre à la fin de mon existence. Je suis bien triste : c’est la fin d’une

amitié de près d’un demi-siècle. Nous ne nous sommes jamais quittés et nous avons ensemble fait des

opéras, des ballets, des spectacles et tant et tant d’échanges de tous ordres. »

(27.4.1976)

Sur Pablo Picasso :

« Il paraît que tous les autres Picasso qui sont dans les musées et dans le monde

sont TOUS des faux. Seuls sont vrais ceux que Picasso avait conservés ! Et aucun n’est à vendre !

Seulement à voir. Mais leur exposition rapporte plus d’argent que leur vente. C’est ce qu’on appelle

l’art pour tous. »

(20.11.1979)

Sur

Tistou les-pouces-verts, opéra jeune public 

:

« J’émerge d’un travail qui sollicite la

majeure partie de mon temps. J’instrumente ce petit opéra pour les enfants que j’ai écrit et qui

doit être achevé à la fin de ce mois. Je n’ai que le temps d’y passer tout mon temps. Il y a eu un

beau concert le mois passé salle Gaveau pour commencer (en avance !) mon 80

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anniversaire. Un

violoniste mexicain a admirablement joué mon Concert d’Orphée »

(10.2.1981)

Sur la jeunesse :

« Dès 50 ans il faut se retirer pour faire place “aux jeunes”. Qui est jeune, qui

est vieux ? Quand j’avais une dizaine d’années je préférais la compagnie des gens plus âgés que

moi parce que je trouvais que mes petits camarades étaient tous trop vieux. Alors... en route pour

le centenaire, n’est-ce pas ? »

(22.6.1981)

Sur les temps présents :

« Ce que vous m’écrivez sur l’exposition Max Jacob à Mâcon

est l’illustration de ce mépris dans lequel est enveloppée la chose artistique dans ce pays devenu un

dortoir pour retraités, présents et futurs. Depuis qu’on a inventé la sécurité sociale, chacun se sentant

définitivement protégé – qu’il soit actif ou passif – entend n’agir qu’au minimum en attendant

le moment où, pris en charge par l’Etat (aveugle, sourd sinon muet) il deviendra un objet fossilisé.

Alors les expositions, les musées, les poètes, les musiciens... Ce sont des objets de loisir. Et le meilleur

des loisirs est dormir, n’est-ce pas ? »

(13.8.1978)

Un très bel ensemble de lettres courant sur près de dix ans, où l’amitié, la complicité,

la culture, l’honnêteté intellectuelle et la droiture morale s’expriment à chaque

page.

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