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FAUTRIER (Jean).
Lettres à Robert Droguet
(1954-1963).
28 lettres autographes signées (54 pp.), 13 lettres dactylographiées signées (19 pp.) et 1 carte postale.
En tout 74 pp. in-8 et in-4.
Poète salué par André Breton et Jean Paulhan, typographe virtuose, Robert Droguet (1929-2005)
rencontra Jean Fautrier au milieu des années cinquante et se prit de passion pour son œuvre, au point
de publier sur lui une « méditation »,
Fautrier 43
(Lyon, 1957), qu’il mit lui-même en page.
Cette correspondance tourne beaucoup autour de cet ouvrage, son élaboration, sa fabrication, sa vente,
mais elle est aussi l’occasion pour l’artiste de se livrer à de nombreuses réflexions sur sa peinture,
le marché de l’art, ses confrères, ses expositions.
« Le prix de vente de mes toiles est considéré généralement comme élevé (ce qui n’est pas mon avis). Deply
n’a qu’une seule reproduction, “La Cruche blanche”, son prix est de 400 000 frs. Mais si vous voulez des
tableaux il en passe à la salle des ventes de temps à autre et ils ne se vendent que 40 000, car je ne les surveille
pas (il est vrai que ce sont des anciens tableaux). Les “originaux multiples” n’ont pas d’originaux – il faudrait
que je vous explique le processus »
(12 nov. 1954).
« Ils ont mis 15 ans à me découvrir – c’était assez long ! – mais maintenant c’est trop. Je voudrais déjà qu’ils
m’oublient un peu. Je suis dans les expositions jusqu’au cou, c’est vous dire que je travaille un peu – même
parfois beaucoup – et en tous cas avec passion »
(23 oct. 1956).
« Dire que ces cons n’ont rien compris ! et qu’avec ce système de tableaux uniques Monsieur Dubuffet
a fabriqué 200 originaux par an ! Et Monsieur Arnal a vendu 400 tableaux en une année !! »
(s. d.).
« L’expo N. York se fait le 17 janv. et celle de Paris le 16 fév. Il y aura de la distraction. Je vais avoir
7 nouvelles jeunes personnes dévêtues. J’avais depuis longtemps les dessins, rien n’a été plus facile que de faire
les toiles »
(21 déc. 1955).
« Moi qui n’aime pas les gueules des gens, je me demande si toute la couverture en grande photo, ça ne serait
pas bien ce qu’il faut »
(s. d.).
« Ce qui m’a tellement surpris avec ces projections c’est que le « format » est chose terriblement fixe pour
chaque tableau. Lorsque vous agrandissez cela à la projection il n’y a aucune gêne à cette proposition nouvelle
– au contraire elle semble souhaitable – probablement parce que chaque infime détail est exactement agrandi
à la mesure des autres – mais alors pourquoi ne pourrait-on pas peindre en agrandissant le détail – pourquoi
est-ce absolument impossible ? C’est là une de ces mystérieuses choses qui appartiennent à la photo »
(s. d.).
Les échanges autour du livre de son correspondant sont l’occasion pour l’artiste de livrer quelques
aperçus sur les coulisses du monde de l’art : « Mon ami Dubuffet, qui est beaucoup plus au courant des
entreprises de publicité à propos de peinture que moi-même, a projeté de sortir un album avec quelques
reproductions en couleurs et il le met en vente au prix coûtant, sinon à perte, considérant la chose
uniquement intéressante sur le plan de la propagande. »
Il évoque son entrée à la galerie Drouant-David :
« Tenez-vous bien, David va s’occuper de ma peinture
à Paris en même temps que Larcade. C’est que David flaire que quelque chose de nouveau se prépare dans
la peinture. »
Au détour de certaines lettres, on en apprend un peu plus sur son caractère :
« Vous en êtes au point
où j’en étais en 1949 et je voyais d’un œil jaune les gens qui me critiquaient à ce moment-là. »
C’est avec humour qu’il conseille son jeune ami pour le succès de son ouvrage :
« Premier point : sur
la couverture je trouve le petit Fautrier très joli. Je n’ai pas spécialement envie de voir mon nom inscrit en
lettres d’or sur le ciel mais il faut tenir compte que dans le capharnaüm des libraires, comme on ne connaît
pas ma tête aussi bien que celle de Churchill votre livre risque de passer inaperçu et vous auriez intérêt
à mettre le Fautrier 43 en gros caractères. »
Belle correspondance.
Ces lettres ont été publiées à la suite de la réédition de
Fautrier 43
(L’Echoppe, 1995).
6 000 / 8 000
€