18
5
FINI (Leonor).
270 lettres autographes signées à Castor Seibel
(1970.-1983), certaines
ornées de dessins. On joint 19 lettres de Constantin Jelinski et 1 lettre de Stanislao Lepri
à Castor Seibel.
Magnifique et superbe correspondance, d’une extrême richesse, dans laquelle
Leonor Fini se livre sans réserve et sans tabou, déployant toute la palette de ses
sentiments.
Castor Seibel rencontra Leonor Fini au début des années soixante-dix, à l’occasion d’une
interview qu’il réalisa avec elle. Il utilisait à l’époque le pseudonyme de Richard Ramin,
nom auquel sont adressées les premières lettres de cette correspondance. Très vite, il entra
dans l’intimité de l’artiste et de ses compagnons, Constantin Jelinski, dit Kot, proche ami
de Witold Gombrowicz et le comte Stanislao Lepri, issu de la haute noblesse italienne, qui
se consacrait à la peinture.
Ces lettres, souvent très longues (jusqu’à 17 pages) révèlent une épistolière de premier ordre,
d’une franchise exceptionnelle, ne ménageant rien ni personne, s’exprimant à cœur ouvert sur
elle, sa peinture, ses amis, les autres artistes, ses vastes lectures, sa vie quotidienne, son amour
des chats, les livres qu’elle illustre. Aucune de ces lettres n’est indifférente. Toutes sont le reflet
de la personnalité de cette femme passionnée (voire volcanique). Elle y confie ses colères,
ses enthousiasmes, ses moments de découragement ou au contraire d’exaltation.
Castor Seibel fut, tout au long de ces années, un de ses correspondants privilégiés (ils sont,
dit-elle dans une des lettres, au nombre de trois) et, de surcroît, Castor était un acteur
du monde de l’art, critique et collectionneur. A ce titre, elle se confie à lui le plus librement
du monde sur tous les sujets, ce qui fait de cette correspondance un document unique sur
l’une des plus grandes artistes du siècle dernier, doublée d’un personnage fascinant.
Sur la religion :
« Je déteste les immondices menteuses que sont les “consolations” religieuses –
des merdes et d’insupportables mensonges. Kot me disait que je suis trop “ janséniste”. Je ne sais pas
si je suis cela, ou si je suis plutôt capable de supporter un grand désespoir sans consolation. L’idée
de Dieu m’ hérisse, me consterne et me dégoûte. »
(25.8.71)
Sur Marcel Jouhandeau :
« Sa fausse sagesse. Quelle sagesse peut inspirer quelqu’un qui est
si vaniteux. Si frétillant devant les éloges de flatteurs de n’importe quelle qualité ? Je sais maintenant
que c’est l’angoisse de la mort
(...)
Je ne peux admirer un vieillard qui répète tout le temps : “ à mon
âge je suis sain, beau, amoureux, et on est amoureux de moi, je ris, je m’amuse, je ne suis jamais
de mauvaise humeur”. C’est insupportable et je préférais de beaucoup le J. de l’Algèbre des valeurs
morales où par moment cela faisait penser à Pascal – aussi à Nietzsche – mais déjà apparaissait
un peu sa complaisance. Il écrit, j’en conviens, de très jolies lettres, mais souvent on peut se dire :
il aurait pu l’adresser à un autre aussi, et surtout à lui-même. Adolescente j’aimais aussi beaucoup
M. Godeau marié et Les Pincegrains et plusieurs contes très beaux, après il s’est gâté. Les Chroniques
maritales ce sont des répétitions, parfois gâteuses, parfois indécentes quelques remarques fines
et ce “beau style” qui finit aussi dans la complaisance et devient agaçant. Sa bassesse morale et son
profond cynisme sont devenus très apparents juste avant la guerre avec son pamphlet contre les juifs
(...)
Même son amour pour les animaux est triché
(...)
Cette obséquiosité devant la Beauté, non loin
de l’affreux Peyrefitte (autre qui se croit Grec ancien) je la trouve ridicule, superficielle, surfaite.
Et puis le plus souvent, si par hasard je rencontrais ses fameux “bergers de Théocrite”, ses Apollons,
ses gîtons, c’étaient des gigolos très ordinaires, sans la moindre Beauté. Et vous vous n’êtes jamais
aperçu comme il devient vulgaire s’il touche un thème érotique ? »
(17.9.71)
Sur la critique :
« Je vais vous choquer ; les « palabras » de Dufour ou de Mandiargues m’ennuient.
Je ne lis rien de ce genre, les théories, je n’écoute pas. Ni les discussions. Je n’aime que l’art,
la poésie, qui peut se trouver “überall” mais rarement dans les théories, et celles-là me font un effet
soporifique. »
(17.10.71)