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HUYSMANS, Joris Karl.

Préface de À rebours.

Sans lieu, juillet 1903.

Manuscrit autographe signé de 13 feuillets in-folio : demi-percaline brique à la Bradel, pièce de titre

de maroquin noir.

Précieux manuscrit autographe d'une des plus célèbres préfaces de la littérature

française du XIX

e

siècle.

Manuscrit de travail : 81 mots ou passages ont été biffés, corrigés ou ajoutés. Il a servi pour

l'impression et porte des indications typographiques aux crayons rouge, bleu et jaune.

Note autographe signée et datée en tête : “

Manuscrit de la préface d'A Rebours. JK Huÿsmans. Juillet 1903.

Écrite vingt ans après le roman, la préface a paru en tête de la deuxième édition de

À rebours

,

luxueusement publiée sous l’égide des Cent Bibliophiles en 1903. Huysmans revient sur sa rupture

avec le naturalisme, qui, selon lui, aboutissait à une impasse : une manière d’exorciser le bréviaire de

la décadence.

En conclusion, pour rendre compte du revirement, il reprend la mise en garde proférée en 1884 par

Barbey d’Aurevilly : “Après un tel livre, il ne reste plus à l’auteur qu’à choisir entre la bouche d’un

pistolet ou les pieds de la croix”, pour ajouter : “C’est fait.”

Avec ironie, Huysmans brosse un tableau de la vie littéraire de l'époque, quand triomphait le

naturalisme, décochant quelques flèches à son plus illustre représentant.

Au moment où parut À rebours, c'est-à-dire en 1884, la situation était donc celle-ci : le naturalisme

s'essoufflait à tourner la meule dans le même cercle. La somme d'observations que chacun avait emmagasinée,

en les prenant sur soi-même et sur les autres, commençait à s'épuiser. Zola, qui était un beau décorateur

de théâtre, s'en tirait en brossant des toiles plus ou moins précises ; il suggérait très bien l'illusion du

mouvement et de la vie ; ses héros étaient dénués d'âme, régis tout bonnement par des impulsions et des

instincts, ce qui simplifiait le travail de l'analyse.

(…)

Il célébrait de la sorte les halles, les magasins de

nouveautés, les chemins de fer, les mines, et les êtres humains égarés dans ces milieux n'y jouaient plus que

le rôle d'utilités et de figurants ; mais Zola était Zola, c'est-à-dire un artiste un peu massif, mais doué de

puissants poumons et de gros poings.

(…)

Nous autres, moins râblés et préoccupés d'un art plus subtil et plus vrai, nous devions nous demander

si le naturalisme n'aboutissait pas à une impasse et si nous n'allions pas bientôt nous heurter contre le mur

du fond.

Avec son intrigue quasi inexistante,

À rebours

a sapé les bases du récit romanesque et permit à

Huysmans d'esquisser une manière de programme littéraire.

Quoi qu'on inventât, le roman se pouvait résumer en ces quelques lignes : savoir pourquoi Monsieur un tel

commettait ou ne commettait pas l'adultère avec Madame une telle, si l'on voulait être distingué et se déceler,

ainsi qu'un auteur du meilleur ton, l'on plaçait l'œuvre de chair entre une marquise et un comte ; si l'on

voulait, au contraire, être un écrivain populacier, un prosateur à la coule, on la campait entre un soupirant

de barrière et une fille quelconque.

Huysmans revient sur la genèse de son livre conçu “

sans aucun plan déterminé

”.

À rebours

, dit-il, est un

ouvrage “

parfaitement inconscient, imaginé sans idées préconçues, sans intentions réservées d'avenir, sans rien du tout

(...).

Il m'était d'abord apparu tel qu'une fantaisie brève, sous la forme d'une nouvelle bizarre

.”

“À rebours

tombait

ainsi

qu'un

aérolithe

dans le

champ

de foire

littéraire

et ce fut

et une

stupeur

et une

colère”