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FLAUBERT, Gustave.
Madame Bovary
. Mœurs de province.
Paris, Michel Lévy Frères, 1857
.
Fort in-12 [188 x 126 mm] de (2) ff., 490 pp., (1) f. blanc ; maroquin rouge janséniste, dos à nerfs,
coupes filetées or,
doublures de maroquin rouge
, tranches dorées sur témoins, couverture conservée,
étui
(Huser)
.
Édition originale
Un des exemplaires tirés sur papier vélin fort, seul tirage de luxe.
Les deux tomes n’en forment qu’un, à pagination continue. Les exemplaires du tirage courant sont
divisés en deux petits volumes.
Précieux envoi autographe signé sur le faux-titre :
à M
r
de Lamartine
offert par l’auteur
son tout dévoué
Gve Flaubert
“Voilà le soir qui vient. J’ai passé mon après-midi à t’écrire. À 18 ans à mon retour du Midi j’ai écrit pendant six mois
des lettres pareilles à une femme que je n’aimais pas. – C’était pr me forcer à l’aimer, pr faire du style sérieux. Et ici c’est
tout le contraire, le parallélisme est accompli.
[…]
J’attends demain tes vers, dans qques jours tes deux volumes – Adieu
pense à moi – oui embrasse ton bras – Tous les soirs ce sont tes œuvres que je lis. J’y recherche des traces de toi-même.
J’en trouve quelquefois.
– Adieu – adieu, je mets ma tête sur tes seins et je te regarde de bas en haut comme une madone.”
Au moment de fermer sa lettre, Gustave Flaubert note dans la marge de la première page :
“11 h. du soir – Adieu – je ferme ma lettre – C’est l’heure où seul et pendant que tout dort – je tire le tiroir où sont
mes trésors – Je contemple tes pantouffles, le mouchoir, tes cheveux le portrait – je relis tes lettres. J’en respire l’odeur
musquée – Si tu savais ce que je sens maintenant !.. dans la nuit mon cœur se dilate et une rosée d’amour le pénètre.
Mille baisers mille partout – partout.”
Superbe document autographe.
La lettre a été publiée pour la première fois dans l’édition du Centenaire, l’éditeur Louis Conard
ayant acheté à la fille de Louise Colet, Mme Bissieu, la plupart des lettres de Flaubert. Elles furent
ensuite la propriété du successeur de L. Conard, Jacques Lambert.
Flaubert,
Correspondance, I
, Pléiade, 1973, pp. 274-280.
10 000 / 15 000 €
Si Lamartine fut une admiration de jeunesse, sa poésie finit par agacer l’écrivain dont la
correspondance est émaillée de railleries sur le “lyrisme poitrinaire” de l’auteur des
Méditations
,
jusqu’à ce jugement assassin confié à Louise Colet (26 avril 1853) : “Il ne restera pas de Lamartine
de quoi faire un demi-volume de pièces détachées. C’est un esprit eunuque, la couille lui manque,
et il n’a jamais pissé que de l’eau claire.”
Cependant, l’enthousiasme de Lamartine pour
Madame Bovary
devait surprendre Flaubert : “Je
n’aurais jamais cru que le chantre d’Elvire se passionnât pour Homais”, écrit-il le 25 janvier 1857
à son frère Achille. Non seulement le poète le congratula, mais il prit publiquement position en
faveur du romancier poursuivi pour outrage aux bonnes mœurs. Ses propos et la lettre qu’il adressa
servirent à maître Senard dans sa plaidoirie : “Mon client est allé chez Lamartine ; et il a trouvé chez
lui non pas seulement un homme qui l’a encouragé, mais un homme qui lui a dit :
Vous m’avez donné
la meilleure œuvre que j’aie lue depuis vingt ans
.” (L’ironie de l’histoire fut que Lamartine, dans sa défense
de la moralité de l’œuvre, interpréta à tort le suicide de l’héroïne de Flaubert comme l’expiation de
son adultère, alors que rien n’était plus éloigné des préoccupations de l’auteur.) C’est donc pour le
remercier de son soutien que Flaubert adressa à Lamartine cet exemplaire sur grand papier.
Dans la description qu’il publia de ce dernier, Pierre Berès ajoutait qu’il “est remarquable aussi
par le rapprochement de deux grands personnages du XIX
e
siècle, ayant tous deux subi l’influence
indélébile de la révolution de 1848, Lamartine par le rôle politique qu’il y joua, Flaubert par
l’empreinte qu’elle lui laissa et qu’il traduisit dans
L’Éducation sentimentale
” (cat. 92, 2003, nº 363).
Exemplaire finement relié par Georges Huser.
Quelques piqûres. Plusieurs feuillets mal découpés ont des marges inégales.
En français dans le texte
, BN, 1990, nº 277.- Lambiotte,
Les exemplaires en grand papier de Madame Bovary
, n° 7
30 000 / 40 000 €