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ACADÉMIE FRANÇAISE

embaras cest que ces lettres, qui n’ont aucun subject reel, et ou il

faut discourir sur la pointe d’une esguille ».

Quant aux réprimandes faites par le comte à Voiture à la fin de sa

lettre : « Vous me representes la messeance qu’il y a d’estre vieus et

amoureus ; vous me mettes dix lustres sur la teste, et par dessus le

marché une Olimpiade courante (car vous confondes les nombres

latins et grecs pour faire parestre la somme plus grande, et vous

ne faittes pas mesme de conscience d’adjouster quelque chose a

la rapidité du tems), vous m’allegues mes lunettes, et il est vrai que

je m’en sers depuis six mois, et que j’en ay en vous escriuant cecy,

vous me reprochés ma barbe et mes cheveus gris, et là-dessus […]

quand donc, me dittes vous, sera til tems de faire retraitte […] voules

vous loger l’amour avec les rhumes, la goutte, et la gravelle, et mettre

ensemble toutes les maladies de la vieillesse et de la jeunesse ;

quel desordre, quelle honte […] Lorsque je vous entens faire des

reprimendes si severes. quand vous auries passé vostre vie sur le

haut d’une colonne, ou dans les desers de la Thebaide renonçant au

monde, et à ses pompes, vous ne parleries pas d’une autre sorte »…

Il est temps de finir : « Mais voici une lettre bien longue, tibi ingentem

epistolam impegi. Il faut pourtant devant que de la finir, que je vous

face mille complimens de la part de Madame de Sablé, et de Madame

de Montosier », à qui il n’a montré que les passages de la lettre du

comte concernant Madame de Longueville : « Pour le reste qui que

ce soit ne le verra, quand il n’y auroit que l’endroit des dix lustres,

n’ayez peur que je la monstre. Je n’ay ici que quarante sept ans, je

vous supplie Monseigneur que je n’en aye pas davantage a Munster

[…] J’oubliois a vous dire que ces dames m’ont commandé de vous

mander que si vous parles comme vous escrives elles ne plaignent

pas Madame de Longueville et que l’on peut estre en quelque lieu

que ce soit agreablement avecque vous. Je voudrois que vous

entendissiez combien elles vous louent. Elles jurent qu’il n’y a que

vous au monde qui ayt assez d’esprit, et je leur dis qu’il y a vintcinc

ans que je le crois »...

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