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ACADÉMIE FRANÇAISE

que vous aves pris pour celuy

Περί άδολεχίας

a fait toute la meprise.

Pour ce qui regarde SOCRATE je n’ay trouvé nulle part quon ait dit de

luy en propres termes que cetoit

un fou tout plein desprit

, façon de

parler a mon avis impertinente et pourtant en usage que jay essayé

de decrediter en la faisant servir pour Socrate, comme lon s’en sert

aujourdhuy pour diffamer les personnes les plus sages, mais qui

s’elevant au dessus d’une morale basse et servile qui regne depuis

si longtemps se distinguent dans leurs ouvrages par la hardiesse et

la vivacité de leurs traits et par la beauté de leur imagination : ainsi

Socrate

icy nest pas

Socrate

, cest un nom qui en cache un autre ; il

est vray neanmoins, qu’ayant lû lendroit de Diogenes que vous cités

et l’ayant entendu de la maniere que vous dites vous meme que

vous l’aviez expliqué dabord, et ayant encor dans la vie de Socrate

du meme Diogene Laerce observé ces mots

πολλάκις δέ βιαιότερον

έν ταις ζητησεσι διαλεγομενον κονδυλίζεςται και παρατιλλεςαι τό πλέον

τε ψελάςαι καταφρονούμενον

, et ayant joint ces deux endroits avec cet

autre

Ιίν δ’ίκανός καί ταυ σκιοπζόνταν άντον ύπεροράν

, j’ay inferé de

la que Socrate passoit du moins dans lesprit de bien des gens pour

un homme assés extraordinaire, que quelques uns alloient meme

jusqu’à s’en mocquer, ainsi qu’Aristophane l’a fait publiquement

et presqu’ouvertement dans ses

Nuées

, et que je pouvois par ces

raisons faire servir le nom de Socrate à mon dessein, voila Monsieur

tout le mistere ; ou je vous prie sur tout de convenir que selon même

votre observation quoique tres belle, le

μαινόμενος

reste toujours

un peu equivoque, puisque le grec dit ou que Diogene etoit comme

Socrate qui deviendroit fou, ou comme Socrate lorsquil n’est pas en

son bon sens, et cette derniere traduction me seroit favorable. Voila

Monsieur toute la reponse que je scai faire a votre critique, dont je

vous remercie comme d’un honneur singulier que vous avés fait a

mon ouvrage des

Caracteres

. Monsieur labbé REGNIER a qui je

dois l’avantage detre connu de vous a bien voulu se charger de vous

dire la raison qui m’a empeché de vous faire plutost cette reponse.

Il vous aura dit aussi combien jay ete sensible aux termes civils et

obligeans dont vous avés accompagné vos observations comme au

plaisir de connoitre que jay sceü par mon livre me concilier l’estime

d’une personne de votre reputation, je tacheray de plus en plus de

m’en rendre digne et de la conserver cherement »...

L’Académie française au fil des lettres

, p. 80-83.

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