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ACADÉMIE FRANÇAISE
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PROUST Marcel
(1871-1922).
2 L.A.S. « Marcel Proust », [juin-
septembre 1920], à Robert de FLERS ;
7 pages et demie in-8 (1
er
feuillet fendu
au pli et réparé au papier gommé), et
1 page in-8.
4 000 / 5 000 €
Belle lettre de félicitations à Robert de Flers
qui vient d’être élu le 3 juin à l’Académie
française
.
[4 juin]
. « Tu devines ma joie, comme je devi-
nais ton élection éclatante. Maintenant que
tu es élu, je te raconterai peut’être sous le
sceau du secret, des choses qui t’amuseront
(mais ne dis même à qui que ce soit que je
t’en raconterai peut’être). Aujourd’hui je pense
à tes chers grands parents, à tes parents, à
Monsieur Sardou, à Madame de Flers »...
Puis il évoque un incident avec Jacques
POREL (le fils de Réjane) : « Je ne pense
pas qu’il m’en ait voulu particulièrement.
Mais il y a évidemment une affinité élective
entre les actions gentilles qu’on peut faire
pour quelqu’un et le désir de ce quelqu’un
de ne plus vous voir. Cela me pousserait à
être toujours gentil par amour de l’isolement.
Mais même sans cela j’aime être gentil. Si
j’aimais recevoir des visites, évidemment les
“crasses” à faire s’imposeraient à moi, mais je
crois que je ne saurais pas... Je serai candidat
à l’Académie (n’en parle pas) quand un de
tes confrères mourra. Malheureusement je
ne pourrai pas te demander ta voix car tu ne
seras sans doute pas encore reçu. Du reste
il est probable que la mort la plus prochaine
sera la mienne et non celle d’un académicien.
En attendant Reynaldo [HAHN] s’est mis en
tête de me faire décorer pour le 14 Juillet ce
qui me semble bien formidable ». Puis il dit
qu’il a rencontré chez des amis « une dame
brune en robe rose. Son nom (Grancey) ne
m’aurait pas autrement frappé si je n’avais
appris qu’elle était née de Flers ! Coïncidence
qui eût frappé les Goncourt, le lendemain les
Valentinois voulaient m’inviter à dîner avec
une dame également née Flers ! Hélas les
dîners ne me sont pas possibles, ni les levers,
ni ce qui pis est, travailler »… Il veut encore
remercier Robert de l’avoir « recommandé
pour le Prix Goncourt. Le comique a été que
nous avons, toi et moi, choisi d’un commun
accord pour me recommander à eux les
académiciens qui étaient résolus (mais je n’en
savais rien) à voter contre moi. Tandis que
ceux à qui je ne me faisais pas recommander
brûlaient pour moi de plus beau feu ». Et il
revient sur l’affaire Porel qui lui a « avoué que
sa mère n’avait pas reçu de papier timbré.
Mais il met son “exagération” (mot de M.
de La Rochefoucauld pour la mort : “On
exagère”) sur le compte de sa mère. Pour
moi je meurs de honte (malheureusement
je ne meurs pas que de cela, sans cela je
serais assuré de vivre) de t’avoir rapporté
sur Porel un mensonge que je croyais vrai.
Je garde un reste de force pour te redire
ma joie, ma participation à la joie des tiens,
et ma volonté sans espérance, d’essayer de
vivre (si ce que je mène peut se nommer
vie) jusqu’à ton discours de réception qui
sera si joli ! »…
L’Académie française au fil des lettres
,
p. 270-273.
[27 septembre]
.
Proust vient d’être nommé
chevalier de la Légion d’honneur
. Il vient
de voir « dans les
Débats
que je suis décoré.
Malheureusement je le suis au milieu de
gens sans grande valeur littéraire. Te serait-il
possible par une petite note de me mettre
un peu à part avec quelques vrais écrivains
comme Madame de Noailles ou M. Fabre (je
ne sais pas bien qui est décoré, car je souffre
d’une otite et n’ai qu’entrevu le journal qui
m’a été ôté) ». Et il remercie Robert de Flers
de son influence pour cette nomination :
« Je ne peux pas te dire combien cela me
touche et je te remercie du fond du cœur.
Ma reconnaissance égale ma tendresse ce
qui n’est pas peu dire »…
Correspondance
, t. XIX, p. 286 et 486.