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ACADÉMIE FRANÇAISE
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PROUST Marcel
(1871-1922).
2 L.A.S. « Marcel Proust » et « Marcel », [juin-juillet 1922], à
Robert de FLERS ; 1 et 4 pages in-8.
4 000 / 5 000 €
À propos de
Sodome et Gomorrhe II
, quelques mois avant sa mort
(18 novembre 1922).
[15 juin]
. Il est désolé qu’on n’ait pas publié un « écho sur la conférence
faite sur moi à Madrid » [par Ortega y Gasset]… « Tout ce mouvement
autour de mon livre qui ne le mérite pas m’est annoncé au jour le
jour surtout par les coupures. Mais
le Figaro
reste muet. Sans trouver
mon livre [
Sodome et Gomorrhe II
] “édifiant” comme dit
le Gaulois
qui est aveuglément aimable pour lui, je ne le trouve pas tel qu’on
ne puisse annoncer la conférence madrilène ou l’étude de Curtius.
Ma femme de chambre est amoureuse de toi ce qui est embêtant.
Inutile de le dire à son mari qui te porte ce petit mot »…
[16 juillet]
. « Nous parlons souvent de toi avec Reynaldo [HAHN]. Il
est émerveillé de tes procédés si parfaits et délicats en matière de
théâtre (comme en tout). Il est certain qu’au milieu de la goujaterie
universelle, tu as l’air d’un miraculeux témoin d’un autre âge, placé là
pour montrer ce que la France a été dans des temps dont il ne reste
rien. Le plus paradoxal est que tu es avec cela l’Homme de l’Avenir.
Je suis stupéfait de si peu scandaliser !
Le Gaulois
où je ne connais
personne a déjà fait cinq articles sur mon dernier livre,
l’Écho de
Paris
demande que j’aie le prix Nobel, la
Revue de Paris
, la
Revue de
France
me louent comme si j’avais l’innocence de Madame de Ségur,
Léon DAUDET qui trouve Hervieu putride et Bataille fétide, célèbre
en moi un génie hélas inexistant. L’article de [Jean] SCHLUMBERGER
[dans
Le Figaro
du 16 juillet] est admirable et je t’en remercie de tout
cœur. Il y a des choses qui m’ont déplu mais quelle différence avec
son imbécile d’oncle ». Et Proust de brosser de féroces croquis
mondains à propos de Gustave SCHLUMBERGER qu’il a vu chez
Mme de Mun « s’ébrouer dans l’antichambre, friser ses moustaches
de Vercingétorix en toc, se précipiter sur M
e
de Ganay à qui on
avait passé une muselière de rubis pour qu’elle ne pût pas ronger
les ongles du pauvre M. Gérard de Ganay qui n’aura peut’être pas
d’autre nourriture si, pour avoir donné bien innocemment son nom
au Conseil de ce que Daudet appelle la BIC [Banque industrielle de
Chine], il passe injustement quelque temps sur la paille humide des
cachots », et qui ensuite « a quitté cette avide Béhague pour se réfugier
sous l’aile de la Comtesse Murat, laquelle lui a tellement craché à
la figure pour lui expliquer que l’élection de Maurras [à l’Académie]
s’imposait, qu’il est parti ruisselant comme un hippopotame ». Proust
voudrait dire à Robert sa reconnaissance « et toute mon admirative
tendresse, mais j’ai aujourd’hui la main tellement crispée par une
terrible crise d’intoxication (je tombe à chaque pas) (et le plus horrible
est que c’est ma faute) que je pense que tu n’as pas pu lire un mot
de cette lettre »...
On joint
une l.a.s. de Robert PROUST à Robert de Flers, Vendredi [24
novembre 1922] (2 p. in-8 deuil), disant sa « gratitude infinie […] pour
toutes les marques de si tendre affection que vous avez prodiguées
à notre cher Marcel », et le remerciant de son bel article.
Correspondance
, t. XXI, p. 267 et 353.