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184

les collections aristophil

487

LOUŸS Pierre (1870-1925).

MANUSCRIT autographe, [

Roman

libre

] ; 136 pages in-8 (202 x 130 mm)

écrites au recto, montées sur onglets

et reliées en un volume in-8 demi-

maroquin rouge vif à bandes, filet

doré aux mors, dos lisse, titre doré,

tête dorée, doublures et gardes de

papier moucheté doré, étui bordé

(

Marot-Rodde

).

20 000 / 25 000 €

Important manuscrit d’un roman érotique

inédit inachevé

.

Le manuscrit est écrit à l’encre violette de

la belle calligraphie de Louÿs au recto de

feuillets de papier filigrané

Joyson Superfine

,

comprenant :

Préface

(2 pages chiffrées I-II) ;

Préface

[signée

Les éditeurs

] (1 page non

chiffrée), et 133 pages (chiffrées 1-133) pour le

roman, sans titre et resté inachevé. On relève

une centaine de ratures et corrections, ainsi

que quelques ajouts. La première page est

légèrement salie avec quelques très légères

rousseurs ; le reste est en parfait état.

Le roman, qui fait songer à

Trois filles de

leur mère

, chef-d’œuvre du genre, dont il

est très proche dans l’inspiration et l’écriture,

est précédé de deux préfaces qui ont été

publiées par Jean-Paul Goujon dans

l’Œuvre

érotique

de Pierre Louÿs (« Bouquins »,

Robert Laffont, 2012, p. 321-322) ; il donne

la date « vers 1910 ».

La première préface est celle de l’auteur :

« L’auteur de ce livre ne le publiera que si la

réflexion le lui conseille. En tant que poëte

et romancier il serait fort embarrassé de

juger lui-même quel rang il occupe entre

ses confrères vivants, ayant aussi peu de

goût pour ses propres œuvres que pour

celles de ses voisins et ne sachant aimer

que les livres des morts. Mais il n’ignore pas

que depuis trois siècles – depuis qu’il existe

en France une littérature secrète – un seul

livre de prose a été achevé par un homme

capable de choisir un mot, de former une

phrase et de composer un paragraphe :

les

Tableaux des Mœurs du Temps

, vers 1760. Et

si l’auteur des pages qui suivent ne prétend

à aucune place entre ses contemporains, il

ne se fait pourtant pas l’injure de comparer

ce livre-ci à ceux qui ont été publiés sous

le manteau depuis 1800 ».

La seconde préface, signée « les éditeurs »,

rappelle le ton de son

Manuel de civilité 

:

« Il n’est point d’institutrice qui n’ait constaté

ceci : – Une petite fille de dix à quinze ans,

à qui l’on présente une pine ou un con,

rougit par la vulve et non par la joue. Au

lieu de baisser les yeux, elle lève sa jupe ;

et, sitôt qu’elle est pubère, au lieu de verser

des pleurs elle répand du foutre. La nature

est ici contraire à la morale. Les directrices

des maisons d’éducation, qui depuis dix ans

lisent ces contes en classe après avoir dit

sévèrement : “Mesdemoiselles ! vos mains

sur la table !” se sont toujours félicitées de

ce modeste ouvrage. Il ne nous appartient

pas ici de dire pour quelles raisons. »

Le roman est divisé en cinq chapitres. Il

commence ainsi :

« L’année où j’eus vingt quatre ans, l’amiral

d’Olle me nomma professeur de morale

auprès de ses deux filles.

Il ne me connaissait pas. Certaines

recommandations et une brève

correspondance avaient décidé de mon

sort. Le jour où j’arrivai en sa terre de Fagelle,

l’institutrice des jeunes filles, M

lle

[Christine

biffé

] Esther, me reçut à la porte et me fit

entrer aussitôt dans un petit salon fermé.

“Monsieur, me demanda-t-elle, savez-vous

que l’amiral est gâteux ? […] Gâteux, c’est

trop dire. Pas encore. Mais ses facultés

intellectuelles ont beaucoup baissé. Enfin ce

n’est pas un homme comme tout le monde.

Il ne peut pas dire une phrase sans lâcher un

gros mot. […] Mais ses filles se sont amusées

de cette petite manie qui n’était qu’un tic, et

voyant que leur père baissait, qu’il perdait

même le jugement, elles ont imaginé de dire

les mêmes gros mots que leur père et non