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les collections aristophil
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LOUŸS Pierre (1870-1925).
MANUSCRIT autographe signé « Pierre Louÿs »,
Poëtique
,
« Avril-Mai 1916 » ; 6 pages in-4 sur 6 feuillets (25,5 x 20
cm) montés sur onglet en un volume in-4, relié demi-
maroquin bordeaux à coins, dos lisse, titre en long (
Canape
& Corriez
).
3 500 / 4 000 €
Credo poétique de Pierre Louÿs. Dans une prose à la fois lyrique
et lapidaire, le poète livre en dix courts chapitres la substance et
l’esthétique de son art, et proclame le caractère sacré de la poésie
.
Le manuscrit est soigneusement écrit à l’encre violette au recto de
feuillets de papier vergé filigrané
Imperial Century
, numérotés 1 à
6 ; il est signé à la fin et daté « Avril-Mai 1916 » ; il présente quelques
ratures et corrections, et porte des indications typographiques
ajoutées au crayon, notamment sur le respect de l’orthographe de
Louÿs. Deux feuillets de couverture de papier fort jaune ont été reliés
avec le manuscrit.
Le manuscrit a servi pour l’impression de la première édition dans le
Mercure de France
du 1
er
juin 1916. Pierre Louÿs va remanier aussitôt
son texte par deux tirés à part successifs de cet article, puis dans
l’édition définitive en plaquette chez G. Crès en février 1917. « C’est
sans doute l’un des textes que Louÿs travailla le plus, et pour lequel
il existe le plus d’états préparatoires » (Jean-Paul Goujon). Louÿs a
déclaré que ces pages lui ont « coûté 400 heures de travail ».
Ce texte, à la fois credo et testament légué aux jeunes poètes à
venir, est une réflexion sur l’art poétique, et une affirmation, contre la
littérature industrielle, du caractère sacré de l’acte d’écrire et du Verbe.
« I. Croire en la Muse. Lui offrir le silence et la solitude. Espérer sa
grâce. […] Découvrir que la Muse peut suggérer le son avant le mot,
le rythme avant la phrase ; et que sa dernière parole est sa première
pensée »…
Louÿs poursuit en affirmant qu’il ne faut pas de plan, ni de brouillon,
qu’il faut savoir « choisir le mot. Il n’en est qu’un », mais aussi « placer
le mot »…. « Suivre le rythme qui [marche au pas logique
biffé
] palpite
avec le cœur de l’idée. – Règle fondamentale du vers. Et [du style
biffé
]
de la prose. Et de la musique »… Il insiste sur l’importance de maîtriser
les figures de rhétorique, et évoque la tâche délicate qu’est la retouche
d’un vers… « Vers ou proses, les poëmes sont des créatures ; et qui
vivent ; qui respirent ; qui sont pleines d’organes ; qui mourraient
d’un mot coupé »…Il s’adresse enfin solennellement aux poètes de
l’avenir : « Poëtes, évangélistes d’une déesse intime, transfigurez-vous
par la nuit. Écrivez à l’écart. Signez. Rentrez dans l’ombre. Le Verbe
seul est illustre. Pas d’orgueil sur vos têtes. Chassez même la gloire
de votre maison. Silence autour de vous. Solitude. Fierté. Mais la
fierté ! Jurez qu’elle vous tienne ferme ! Jurez qu’elle est incorruptible,
qu’elle vous arme pour jamais contre la misère, l’amour et la mort !
que vous n’écrirez pas un vers sans le lui donner en garde avec le
respect de votre œuvre ! et qu’elle grandit, comme votre joie de la
lyre, lorsque le rayonnement solennel des arts fulgure des quatre
horizons – rose de la lumière humaine, où flammes, flammèches,
phosphorescences, éclairs, fumerolles et splendeurs, tout est sacré ».
Bibliographie
: Jean-Paul Goujon, « Pierre Louÿs,
Poëtique
. États
manuscrits inédits »,
Genesis
, 2000, n° 15 (p. 133-152).
Provenance
: ancienne collection Armand GODOY. Catalogue
Pierre
Louÿs
(Librairie Jean-Claude Vrain, 2009, n° 45).