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182

les collections aristophil

485

LOUŸS Pierre (1870-1925).

MANUSCRIT autographe signé « Pierre Louÿs »,

Poëtique

,

« Avril-Mai 1916 » ; 6 pages in-4 sur 6 feuillets (25,5 x 20

cm) montés sur onglet en un volume in-4, relié demi-

maroquin bordeaux à coins, dos lisse, titre en long (

Canape

& Corriez

).

3 500 / 4 000 €

Credo poétique de Pierre Louÿs. Dans une prose à la fois lyrique

et lapidaire, le poète livre en dix courts chapitres la substance et

l’esthétique de son art, et proclame le caractère sacré de la poésie

.

Le manuscrit est soigneusement écrit à l’encre violette au recto de

feuillets de papier vergé filigrané

Imperial Century

, numérotés 1 à

6 ; il est signé à la fin et daté « Avril-Mai 1916 » ; il présente quelques

ratures et corrections, et porte des indications typographiques

ajoutées au crayon, notamment sur le respect de l’orthographe de

Louÿs. Deux feuillets de couverture de papier fort jaune ont été reliés

avec le manuscrit.

Le manuscrit a servi pour l’impression de la première édition dans le

Mercure de France

du 1

er

juin 1916. Pierre Louÿs va remanier aussitôt

son texte par deux tirés à part successifs de cet article, puis dans

l’édition définitive en plaquette chez G. Crès en février 1917. « C’est

sans doute l’un des textes que Louÿs travailla le plus, et pour lequel

il existe le plus d’états préparatoires » (Jean-Paul Goujon). Louÿs a

déclaré que ces pages lui ont « coûté 400 heures de travail ».

Ce texte, à la fois credo et testament légué aux jeunes poètes à

venir, est une réflexion sur l’art poétique, et une affirmation, contre la

littérature industrielle, du caractère sacré de l’acte d’écrire et du Verbe.

« I. Croire en la Muse. Lui offrir le silence et la solitude. Espérer sa

grâce. […] Découvrir que la Muse peut suggérer le son avant le mot,

le rythme avant la phrase ; et que sa dernière parole est sa première

pensée »…

Louÿs poursuit en affirmant qu’il ne faut pas de plan, ni de brouillon,

qu’il faut savoir « choisir le mot. Il n’en est qu’un », mais aussi « placer

le mot »…. « Suivre le rythme qui [marche au pas logique

biffé

] palpite

avec le cœur de l’idée. – Règle fondamentale du vers. Et [du style

biffé

]

de la prose. Et de la musique »… Il insiste sur l’importance de maîtriser

les figures de rhétorique, et évoque la tâche délicate qu’est la retouche

d’un vers… « Vers ou proses, les poëmes sont des créatures ; et qui

vivent ; qui respirent ; qui sont pleines d’organes ; qui mourraient

d’un mot coupé »…Il s’adresse enfin solennellement aux poètes de

l’avenir : « Poëtes, évangélistes d’une déesse intime, transfigurez-vous

par la nuit. Écrivez à l’écart. Signez. Rentrez dans l’ombre. Le Verbe

seul est illustre. Pas d’orgueil sur vos têtes. Chassez même la gloire

de votre maison. Silence autour de vous. Solitude. Fierté. Mais la

fierté ! Jurez qu’elle vous tienne ferme ! Jurez qu’elle est incorruptible,

qu’elle vous arme pour jamais contre la misère, l’amour et la mort !

que vous n’écrirez pas un vers sans le lui donner en garde avec le

respect de votre œuvre ! et qu’elle grandit, comme votre joie de la

lyre, lorsque le rayonnement solennel des arts fulgure des quatre

horizons – rose de la lumière humaine, où flammes, flammèches,

phosphorescences, éclairs, fumerolles et splendeurs, tout est sacré ».

Bibliographie

 : Jean-Paul Goujon, « Pierre Louÿs,

Poëtique

. États

manuscrits inédits »,

Genesis

, 2000, n° 15 (p. 133-152).

Provenance

 : ancienne collection Armand GODOY. Catalogue

Pierre

Louÿs

(Librairie Jean-Claude Vrain, 2009, n° 45).