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Littérature

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LOUŸS Pierre (1870-1925).

L.A.S. « Pierre Louÿs », Samedi saint

[21 avril 1905], à

COLETTE

 ; 4 pages

petit in-8 à l’encre violette.

800 / 1 000 €

Jolie lettre à Colette qui vient de faire

paraître

Sept Dialogues de Bêtes

.

« Aujourd’hui jour de jeûne, dites-moi ce

que je vous ai fait. Cela ne vous suffit pas

de me “priver de dédicace” et de ne pas

m’expliquer pourquoi. Je dépéris parce

que je n’ai pas votre livre. Je ne dépéris

pas assez, à votre goût. Vous mettez du

raffinement dans vos supplices et […] vous me

mettez de force sous les yeux de ce matin

un article… mais un article. Eh bien je n’en

ai lu que vingt lignes de votre article et je

me suis arrêté. Je suis morose depuis deux

mois. Je ne voulais pas tomber de là dans la

mélancolie, de la mélancolie dans la tristesse,

de la tristesse dans le chagrin, du chagrin

dans la neurasthénie, de la neurasthénie dans

l’hypocondrie et de l’hypocondrie dans les

résolutions désespérées. Elles sont trop bien

les vingt premières lignes de votre article.

C’est décourageant. Est-ce que vous n’avez

rien de moins bien dans votre livre ? Si. Et

l’auteur sait cela mieux que les critiques.

Dites-le moi vous-même, par miséricorde,

pendant la semaine sainte »…

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LOUŸS Pierre (1870-1925).

L.A.S. « P. », Vendredi 16 [septembre

1910, à son frère Georges LOUIS] ;

4 pages in-8 à l’encre violette, vignette

et en-tête

Grand Hôtel

de Tamaris.

400 / 500 €

Superbe lettre sur la littérature et la critique

littéraire, disant son admiration pour

Chateaubriand

.

« Suis pas de l’avis de FAGUET. On écrit

beaucoup mieux le français en 1910 qu’en

1610. Il y a plus de mauvais écrivains ? Oui ;

comme il y a plus de mauvais soldats […]

jadis on était 300 ; on est 100.000. Mais les

bons écrivains ont augmenté en nombre. Non

seulement je ne vois pas la décadence, mais

je ne vois pas même la crise. C’est un fait

bien singulier : les critiques ne comprennent

jamais rien à leur époque. Vois le plus honoré

d’eux tous :

SAINTE-BEUVE

. –Sainte-Beuve

était convaincu qu’il y avait eu en France

de grands classiques ; puis d’intéressants

romantiques ; puis la fin de tout vers 1845.

L’époque où il écrivait (1855-1870), c’était pour

lui la pleine décadence. Et pour nous, c’est

peut-être la plus brillante de notre histoire

littéraire.

Hugo (Légende, Contemplations, Misérables)

Michelet

Renan – Vie de Jésus

Flaubert – Bovary, Salammbô

Leconte de Lisle.

Tous les Parnassiens.

Les Goncourt.

Fromentin.

A. de Vigny (ses plus beaux poëmes)

Tout ça, pour Sainte-Beuve, ce n’était rien.

“Ah ! en 1672, la littérature était heureuse !”

Et d’ailleurs les époques ! Qu’est-ce que

cela fait ? L’an VIII, 1800, est-ce une époque

littéraire ? Il n’y a personne et

Atala

paraît.

Atala

que je viens de relire, en trouvant…

que la

Princesse de Clèves

était bien peu

de choses auprès de cela. J’ai aussi relu les

Martyrs

et je suis tombé sur deux phrases

prodigieuses. […] Cela, c’est une merveille,

et c’est un art littéraire que personne ne

soupçonnait au XVII

e

siècle. […] C’est mieux

que du Faguet ».

Mille lettres inédites de Pierre Louÿs à

Georges Louis

, p. 824 (n° 614).

Catalogue

Pierre Louÿs

(Librairie Jean-Claude

Vrain, 2009, n° 337).

[Les quatre premier

Dialogues de bêtes

avaient paru l’année précédente au

Mercure

de France

, et Colette, encouragée par

Francis Jammes, venait de les compléter

par trois autres récits, pour composer ces

Sept Dialogues de bêtes.

Quant à l’article

qui « décourage » Pierre Louÿs, il s’agit

de la

Lettre de Claudine

signée « Colette

Willy » parue dans la revue

Le Damier

dont

le second numéro contenait un article en

l’honneur de Colette. ]

Catalogue

Pierre Louÿs

(Librairie Jean-Claude

Vrain, 2009, n° 464).