9
« À
mon ami
,
l
'
abbé
A
nger
,
ces diaboliques
... »
9. BARBEY D'AUREVILLY
(Jules). Brouillon autographe signé d'un envoi à l'abbé Anger. [1883]. 1. p. 1/2 in-12,
traces de peinture dorée, en état médiocre avec une marge rognée et 2 manques de papier à la pliure.
50 / 100
«
À mon ami, l'abbé Anger
, ces Diaboliques,
Abbé, exorcisez-les !... On rachète tout avec de la littérature...
»
Joint, la lettre de remerciements de l'abbé Anger
: «
... Je reçois ce matin et
Gil Blas
&
Les Diaboliques
sous
pli recommandé ! Toujours magnifique ! Et les
Memoranda
, je brûle de les dévorer. Je ne puis guère attendre un long
mois, tant j'ai faim & soif de cette friandise de haut goût !... Mille fois merci d'une si bonne lettre & d'
une
si originale
dédicace des
Diaboliques
! Est-il possible d'exorciser ces possédées-là ?
V
ous
êtes
le
premier
physiologiste du monde
&
vous
savez
,
comme
oncques
ne
le
fit
,
styler
votre
épouvantable
science
des
passions
...
» (lettre autographe signée,
Saint-Sauveur-le-Vicomte,
2
octobre
1883
,
1
p. in-
8
).
Rencontré lors de l'enterrement de son frère Léon Barbey d'Aurevilly (
1876
), l'abbé Achille Anger-Billards fut un des
rares amis de l'écrivain dans ses dernières années. Chapelain de Notre-Dame-de-la-Délivrance à Rauville-la-Place, près
de Saint-Sauveur-le-Vicomte, l'abbé était un personnage pittoresque, aussi entier et excessif que lui.
« N
ous avons un
tel
vent qu
'
avant une heure nous
serons
en
pleine mer
... »
10. BAUDELAIRE
(Charles). Lettre autographe signée «
Charles
» à sa mère. [En mer au large de l'estuaire de la
Gironde, sur le
Paquebot-des-Mers-du-Sud
], 9 juin 1841 [mal chiffré «
mercredi 8 juin
»]. 2 pp. 3/4 in-4, adresse
au dos, petite déchirure marginale due à l'ouverture sans atteinte au texte.
2 000 / 3 000
Dernière lettre connue de Baudelaire avant de mettre à la voile pour l'Océan Indien.
«
Ma chère et bien aiméemaman,pardonne-moi le décousu dema lettre – je suis pris au dépourvu,nous avons un tel vent qu'avant
une heure nous serons en pleine mer et que le pilote va nous quitter. Tous tes envois m'ont fait rire. On a dépensé moins qu'on ne
demandait pour mon départ – mais je m'en serais mieux tiré tout seul pour l'achat de ces vêtements
[deux lignes et demie biffées].
L
e
capitaine
est admirable
. B
onté
,
originalité
,
instruction
.
Envoie ceci à Maublanc
[l'avocat Gilbert Maublanc, qui agissait peut-
être pour le compte de créanciers de Baudelaire].
F
ais cadeauà
L
ouis demon
RobinsonCrusoé
.Je le désire.
[LouisDucessois
était le beau-frère d'Alphonse Baudelaire, demi-frère de Charles].
J
e
ne
veux
pas
que
tu
m
'
écrives
de
lettre
comme
la
dernière
. I
l
faut
qu
'
elles
soient
gaies
–
je veux que tu manges bien, et que tu sois
contente en pensant que
[je]
s
[u]
is content. Car c'est vrai. Ou à peu
près. Par la prochaine occasion, j'écrirai au général
[Jacques Aupick,
avec qui sa mère s'était remariée]
. Je te l'ai dit, je suis pris au dépourvu,
nous avons déjà un tangage assez fort.
I
l
y
a
peut
-
être
bien des
choses que
j
'
oublie de
te dire
,
mais on
s
'
en dit
beaucoup dans
un
grand
embrassement
,
et
je
te
le donne de
tout mon
cœur
.
Dans la lettre pour Maublanc, il y en a d'autres, aies soin que
cela lui soit remis.
Le capitaine Saliz te fait mille politesses, et te promet un bon voyage.
Nous, nous allons fort bien tous deux et le beau temps le rend gai...
À
bourbon
,
je
t
'
en
écrirai
long
, un cahier.
»
Échappée orientale de Baudelaire.
Mécontent de la vie dissipée
que le poète menait alors, son beau-père le général Aupick décida de
l'éloigner de Paris et de l'envoyer en Inde. Baudelaire sembla accepter
ce projet et s'embarqua à Bordeaux vers la fin mai ou le début juin
1841
, sur le
Paquebot-des-mers-du-Sud
commandé par le capitaine
Pierre-Louis Saliz. Le navire ayant essuyé une terrible tempête au large du cap de Bonne-Espérance, il dut subir des
réparations à Port-Louis (île Maurice) et à Saint-Denis (La Réunion, anciennement appelée île Bourbon). Baudelaire
refusa d'aller plus loin et obtint de rentrer en France où il arriva en février
1842
« avec la sagesse en poche », comme il
l'écrivit à son beau-père.
Ce voyage vécu sans passion marqua néanmoins profondément l'œuvre littéraire de Charles Baudelaire
,
qui y puisa une gamme particulière d'harmonies et de sensations – alors même qu'il professait hautement le dégoût de
la nature.
Charles Baudelaire,
Correspondance
, Paris, Gallimard (Nrf, Pléiade), t. I,
1973
, pp.
88
-
89
.