texte
Ce manuscrit contient le volume I de la version
en prose du Roman de Tristan et Yseult. On
peut supposer que le second volume a existé,
mais celui-ci n’est pas localisé. Signalons que
l’inventaire Lalaing de 1541 n’annonce qu’un
volume déjà au XVI
e
siècle.
La première édition incunable du
Tristan
en prose
parue sous le titre « Les faiz du
tresvaillant et renommé chevalier Tristan »,
Rouen, Jean le Bourgeois pour lui-même et
pour Antoine Vérard, 1489v (HC 15612 ; Pell.
11178 = 11179 ; Goff T-430).
Renée L. Curtis (1963/1965) et Philippe
Ménard (2007) ont édité la version longue :
R. Curtis a travaillé à partir du manus-
crit
Carpentras 404
et suit Tristan depuis
ses origines familiales jusqu’à l’épisode de sa
folie ; P. Ménard a dirigé plusieurs équipes de
spécialistes travaillant sur le manuscrit
Vienne
2542
.
On connait cinq versions en vers du Roman
de Tristan. C’est au XIII
e
siècle que se fixe une
version en prose. Le Tristan en prose est une
longue relation en prose française (conte-
nant néanmoins des passages lyriques) de
l’histoire de Tristan et Iseult, et le premier
roman de Tristan qui le relie au cycle arthurien.
Selon le prologue, la première partie (avant
la quête du Graal), dont la date de rédaction
est estimée entre 1230 et 1235, est attribuée
à Luce de Gat, inconnu en dehors de cette
mention (il en est fait mention dans la rubrique
du présent manuscrit qui précède la table).
Cette partie semble avoir été remaniée et
développée après 1240. Un second auteur
se présente dans l’épilogue comme Hélie de
Boron, neveu de Robert de Boron ; il déclare
avoir pris la suite de Luce de Gat, et avoir
travaillé comme lui d’après un original en
latin. L’identité des auteurs/traducteurs Luce
de Gat et Hélie de Boron a été mise en doute.
ff. I-III, Table du premier volume, avec
rubrique : « Cy commence la table sur le pre-
mier volume de tristran » ; explicit, « Cy fine
la table sur le premier volume de Tristran » ;
f. IIIv, Longue rubrique : « Cy commence
la grant histoire de Tristram qu’on appelle
le Bret laquelle histoire messire Luces le
grant et messire Hellys de Borron transla-
tererent de latin en francois et appellerent
entre eulz deulz cestui livre communement
le livre du Bret pour ce que bret est autretant
a dire comme maistre et dirent que ce livre
est maistre sur tous les aultres livres qui
ont esté extraitz du roy Artus et de tous les
compaignons de la table reonde dont ce
livre traitte ordonnierement de l’ung apres
l’autre et premierement messire Luces tant
comme il vesqui si briefment come vous orez
et commença en telle manière » ;
ff. 1-267, incipit, « Apres la passion de Jhesu
Crist Joseph d’Arimathie vint en la grande
bretaigne par le commandement de nostre
seigneur et crestienna moult grant partie des
habitans Joseph avoit ung serourge nommé
Bron lequel avoit un filz... ».
illustration
Ce manuscrit est illustré d’un grand fron-
tispice enluminé (f. 1), qui figure plusieurs
scènes dans un seul tableau. On reconnait
Tristan qui monte à cheval. A gauche, Tristan
accueille Iseult qui arrive en bateau chargé
d’hommes en armes. Enfin dans une forêt
lointaine, Iseult, assise au sol, assiste au
combat de Tristan contre un sanglier sauvage.
La miniature est attribuable à Loyset Liédet,
artiste actif et documenté en « Hesdin »
dès 1454. Il apparait en 1469 parmi les nou-
veaux membres de la gilde des gens du
livre de la ville de Bruges en 1469 où il est
présent dès 1468 (il peint un
Regnault de
Montauban
(Paris, BnF, Arsenal, ms 5072)).
Georges Dogaer a bien identifié son style:
« His tall figures are easily recongnizable: they
are very slim and tend to sag a little at the
knees, nearly all of them have the same facial
expression, and their attitudes are wooden
and stiff. Although Liédet’s compositions
remain rather cold and arid, his colours,
as a rule, strongly varied and fresh, lend
life to his pictures” (Dogaer, 1987, p. 107).
Loyset Liédet fut, pour l’essentiel, au ser-
vice des ducs de Bourgogne (notamment le
duc Charles le Téméraire pour qui il réalisa
plus de 400 miniatures) et des membres de
leurs cours. Liédet illustre pour eux plusieurs
manuscrits, avec une prédilection pour les
romans et les chroniques : il est à la tête
d’un atelier florissant à Bruges dont serait
issue la présente miniature si l’on retient une
production d’atelier.
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origine(s)




