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les collections aristophil
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COCTEAU JEAN (1889-1963)
Trois lettres autographes signées
à Jean BOURGOINT
S.l.n.d., 3 pages in-4 à l’encre, 1 enveloppe.
1 500 / 2 000 €
Jean Bourgoint fut l’inspirateur de Cégeste dans
L’Ange Heurtebise
et de Paul dans
Les Enfants terribles
. Avant d’entrer dans les ordres
et de partir en Afrique, il mena une vie décousue et fut un temps
l’amant de Cocteau, rencontré vers janvier 1925. Avec sa sœur Jeanne
Bourgoint, mannequin chez Madeleine Vionnet qui se suicida dans
la nuit de Noël 1929, il formait un couple agité.
1/
[Probablement Paris, fin décembre 1925], 1 page in-4, (déchirure
restaurée)
. « Mon cher petitours, je viens d’avoir une grande tristesse
et il me reste une grande fatigue. Je vais aller à Villefranche pour
mettre une halte dans cette vie terrible où je suis l’épave soutenant
notre équipe de naufragés. Je ne t’écrivais pas, à cause de ce désordre
de la maison et des nerfs. Je te sens heureux à cheval dans cette
Grèce de France et savoir que je suis un peu cause de ton calme
et de ta santé me donne des forces. Mon petit ange en costume
bleu, je pense à toi, le seul, le meilleur. Sans toi tout pèserait trop
lourd- même la vocation de Maurice [l’écrivain Maurice Sachs, qui
se convertit un temps au catholicisme] - mais ton œil, ton sourire,
tes lettres accrochent du liège - ouvrent des parachutes magiques.
Jeanne pas encore passée prendre sa lettre. Je voudrais t’écrire
chaque jour mais cette vie est atroce : une tache d’huile. Les sur-
réalistes me poursuivent avec une nouvelle forme de haine : ils me
plaignent, comme un « pauvre type ». Continuer, écrire, me semble
au-dessus des forces humaines. Villefranche est utile. J’y serai le 2
ou le 3 janvier. Ton Jean ».
2/
Hôtel Welcome à Villefranche-sur-Mer, [vers le 2 janvier 1926], 1
page in-4 et quelques mots au verso, enveloppe.
« Cher petitours,
me voilà dans notre refuge - après ce Paris de cauchemar. Ici le
bonheur est dans le vide - on ne demande que la fenêtre ouverte
sur le cuirassé américain. Les matelots circulent cousus dans leurs
jupes. Hier soir Glenway m’a « parlé ». Je souffre. Je ne savais pas
son amour si vrai - que dire ? Que faire ? Conseille-moi [il s’agit de
l’écrivain américain Glenway Wescott, tombé amoureux de Jean
Bourgoint]. Je suis arrivé dans un soleil de printemps. Aujourd’hui il
pleut - mais la pluie de Villefranche est douce et calme les blessures.
C’est une perle grise. Écris vite 4 lignes. Mon silence après l’escalier
de Tony venait d’une fatigue incroyable en face de la bande et de
ses racontars [le diplomate Antonio de Gandarillas, opiomane et
homosexuel]. Dans les N. L. Drieu La R. m’a donné le coup de pied
de l’âne. Je me réfugie toujours en toi, sur ton épaule bleue. Jean
[signature précédée du dessin d’un coeur] » Au verso : « Bar transformé
en dancing avec Kiki comme étoile » [Alice Prin, dite Kiki, personnage
central du Montparnasse des artistes, s’était installée en avril 1925 à
l’hôtel Welcome sur les conseils de Cocteau].
3/
[Hôtel Welcome à Villefranche-sur-Mer, 1926], 1 page in-4, enve-
loppe
. « Jeannot mon cher petit ange, tes petites cartes tombent du
ciel. Va pour l’autre semaine. Heurtebise était tout neuf dans le port
ce matin, en costume de baptême. Pauvre G. [probablement l’écrivain
américain Glenway Wescott, tombé amoureux de Jean Bourgoint]
comprend mal. Il y a l’océan entre toi et lui, lui et nous. Il fait un œil
hagard et une espèce de bouche à larmes qui me chagrinent. Notre
ciel embête les gens comme un endroit où il se passe des choses
merveilleuses et où ils n’entrent pas. Ils n’ont qu’à venir. Chacun peut
avoir une carte. Je t’aime. Jean ».
provenance
Beaussant Lefèvre, 13/06/2014