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les collections aristophil

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SAND GEORGE (1804-1876)

Lettre autographe adressée

à son

fils Maurice

[La Châtre : 17 mai 1836], 4 pages

grand in-4 à l’encre. (Déchirure

centrale et léger manque de papier et

de texte)

1 500 / 2 000 €

Belle lettre de mise en garde de George

Sand à son fils Maurice, curieusement en

contradiction avec les aventures roman-

tiques et passionnées de l’auteur.

Note autographe indiquant : « George Sand

à son fils Maurice. Brouillon autographe ».

George Sand à cette époque avait déjà

connu plusieurs amants avec qui elle vivait

à chaque fois une passion sensuelle et idéa-

liste. Cependant elle se devait de dicter une

conduite modèle à son fils pensionnaire. Elle

répond à son courrier adressé le 15 mai 1836

et dans lequel il se plaint des railleries de

ses camarades envers sa mère « parce que

tu es une femme qui écrit … ils te nomment,

je ne pourrai pas te dire le mot parce qu’il

est trop vilain, P… je te le dis malgré moi ».

« Mon cher enfant, le collège est une prison,

et les pions des tyrans. Mais tu vois que

l’humanité est si corrompue, si grossière qu’il

faut la mener avec le fouet et les chaînes.

Je vois que tes camarades ont déjà perdu

l’innocence de leur âge, et que sans un joug

sévère, ils se livreraient à des vices honteux …

il ne faut pas t’en étonner, mais t’en affliger ».

« La vie est une guerre. Souviens-toi que je

t’ai élevé dans des idées de chasteté … sou-

viens-toi de la confiance sans bornes que

j’ai toujours eue en toi … je t’ai confié ta sœur

dès le jour de sa naissance. Je te l’ai donnée

pour filleule, afin de te faire comprendre

que tu dois exercer sur elle, une espèce

de paternité, tu dois être son soutien, son

conseil, son défenseur ». Elle mentionne son

ex-mari, le baron Dudevant : « ton père veut

que tu sois élevé au collège … il a raison. Tout

ce que tu souffres est nécessaire pour que

tu sois un homme, pour que tu apprennes

à discerner le bien d’avec le mal, la vraie

joie d’avec la peine. Il faut que tu t’habitues

à voir combien les hommes sont égarés, et

que tu comprennes les véritables devoirs. »

« Quant à ce qu’on peut te dire sur moi, ne

t’en occupe pas. Je sais que mes écrits font

beaucoup parler, et qu’on parle de même

par curiosité et par oisiveté, de tous les gens

qui écrivent beaucoup. »

Enfin, elle encourage son fils à garder sa

« fierté comme un trésor » et conclut ten-

drement « je te presse dans mes bras avec

amour ».

Superbe document.

Lettre publiée dans la

Correspondance.

Paris,

classiques Garnier, 1991, t. XXV (suppléments)

provenance

Christie’s 26/11/2003 ; ancienne collection

Sacha Guitry, vente Drouot, 21 novembre

1974, lot 86

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SAND GEORGE (1804-1876)

Lettre autographe adressée à

la cantatrice et compositrice

Pauline VIARDOT

S.l., marque postale du 1

er

octobre

1843, 3 pages et demie in-8 sur un

double feuillet. Encre noire sur papier

au chiffre à froid « G.S. ». Adresse

autographe au verso du second

feuillet « Madame Pauline Viardot rue

Favart 12 Paris », marque postale.

2 500 / 3 000 €

Une escapade à Crozant avec Chopin.

« Pauline chérie, nous venons de faire un

petit voyage dans la Creuse pour revoir

les ruines de Crozant, un site sauvage et

horrible, où nous voulions vous conduire et

où nous [vous] conduirons l’année prochaine,

maintenant que nous connaissons des routes

possibles et des gites où, de mémoire

d’homme, aucune voiture ne s’était hasardée,

surtout la nuit, ce dont nous sommes pourtant

sortis miraculeusement sans accident, et

même sans émotion. Nous étions neuf et

nous étions braves. Nous avons couché sur

la paille, voire Chopin qui a affronté tout cela

sans être malade ni fatigué. Monsieur, qui

n’était pas très bien pourtant, s’est brisé de

fatigue […] J’avais reçu votre lettre avant de

partir. Je suis heureuse de voir que tout s’est

arrangé à votre satisfaction et que vous allez

moissonner les roubles et les lauriers. Il dit

que plus il fait froid, plus il fait beau en Russie.

Courage, écrivez-moi, et revenez-nous triom-

phante et vivante de toute votre vie […]. La

maison est restée si grande et si triste sans

vous, et sans notre chère Louisette, que nous

ne pouvons plus y tenir. J’espère qu’elle

ne souffrira pas de votre absence et que

vous la retrouverez encore plus charmante

qu’elle ne l’est maintenant si c’est possible.

N’oubliez pas que c’est à Nohant qu’il faut

la retrouver. Ne vous occupez pas de cette

misère que vous prétendez me devoir. J’ai

été fâchée que vous eussiez remis les 100

fr. intégralement à monsieur. D’après mes

calculs, ils ne devraient pas un cheval de

surplus pour Bouli [Maurice]. Ledit Bouli

m’est revenu d’Orléans sain et sauf quoiqu’un

peu las. Il essaie de se remettre au travail,

mais ce n’est pas sans peine après tant de

joies, de nous et des festins […] Chopin ne

vous embrasse pas, mais il ne vous en aime

pas moins […] »

Lettre publiée dans

Lettres inédites de George

Sand et de Pauline Viardot 1839-1849. Notes

et introduction de Thérèse Marix-Spire

(Paris,

Nouvelles éditions latines, 1959), p. 189 et

suivantes.

provenance

Christie’s France, 29/10/2012

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