77
184.
Paul-Claude MOULTOU
(1731-1797) pasteur protestant, bourgeois de Genève, ami et admirateur de Rousseau qui
lui confia ses manuscrits inédits. L.A., 8 juin 1762, à Élie-Salomon-François
R
everdil
, professeur royal au château de
Charlotenbourg à Copenhague
; 3 pages in-4, adresse, restes de cachet cire rouge (petite déchir. par bris de cachet).
800/1 000
T
rès
intéressante
lettre
sur
J
ean
-J
acques
R
ousseau
.
Moultou cite « mot à mot » la réponse de Rousseau à la proposition de M. de
R
eventlow
: « “Je suis très sensible au témoignage
d’estime que je reçois [...] mais outre que je n’ai jamais aimé la poësie françoise, et que n’aiant fait de vers depuis très longtemps j’ai
absolument oublié cette petite mécanique ; je vous dirai de plus que je doute qu’une pareille entreprise eut aucun succès, et [...] je ne
sçais mettre en chanson rien de ce qu’il faut dire aux Princes, ainsi je ne puis me charger du soin dont veut bien m’honnorer M. de
Reventlow. Cependant pour lui prouver que ce refus ne vient point de mauvaise volonté, je ne refuserai point d’écrire un mémoire pour
l’instruction du jeune Prince, si M. de Reventlow veut m’en prier. Quant à la récompense je sçais d’où la tirer sans qu’il s’en donne le
soin. Aussi bien quelque médiocre que puisse être mon travail en luy même, si je fesais tant que d’y mettre un prix, il serait tel que ni
M. de Reventlow ni le Roy de Danemarc ne pourroient le payer.” Voila bien le ton de J.J. & malheur à celuy qui verrait de l’orgueil dans
cette réponse où il n’y a que de la noblesse »... Moultou évoque ensuite
Du Contrat social, ou Principes du droit politique
: « Rousseau
s’est elevé au-dessus de luy même, dans son droit politique. C’est un ouvrage digne que Montesquieux n’aurait pas desavoué ; il est
profond, lumineux, plein de verités utiles, la méthode en est admirable [...] Et il n’y a pas un seul paradoxe si vous exceptés un chapitre
sur la Religion Civile, que je n’approuverais pas, quand même je croirois le christianisme une Religion humaine, ce que je suis bien loin
de penser. Ce livre est defendu en France, jugés comme il sera reçu dans les païs où la liberté vit encor »...
Émile
, livre sur l’éducation,
serait aussi bien dans son genre que le
Droit politique
dans le sien. « Quel domage si Rousseau etoit mort cet hyver, comme il y avait
tout lieu de le croire ; il fut si mal qu’il fit son testament, & me chargea (cecy sous le sceau du secret) de touts les ouvrages dont je
devais etre l’éditeur. Cette comission était aussi honorable que dificile je l’avais pourtant acceptée. Nous sommes avec Rousseau dans
les plus etroites liaisons, nous nous écrivons touts les quinze jours »... Il termine par quelques observations désabusées sur le prêche, et
la préparation de ses
Considérations sur les causes humaines et divines de l’établissement du Christianisme
. « Les X
ens
les plus sages ne le
seront peut être pas assez pour le voir sans quelque peur »...
Reproduction page 79
185.
Alfred de MUSSET
(1810-1857) poète. L.A.S. « Alf
d
Mt », Lundi, [à Mme
J
aubert
] ; ¾ page in-8 (fente réparée).
600/800
« Je ne voudrais pas que vous pensiez que c’est par négligence que je ne vais pas vous voir. J’ai des sujets d’ennui et je grogne. Si
vous êtes bonne, il faut que vous me permettiez de vous faire visite comme je vous écrivais à Augerville, c’est-à-dire, quand je me sens
capable de sortir de ma peau d’une manière présentable. Il n’y a pas d’ouvrier si pauvre qui n’ait son dimanche »...
Reproduction page 79
186.
Suzanne Curchod, Madame NECKER
(1739-1794) femme de lettres suisse, épouse de Necker et mère de Mme de Staël.
L.A., [janvier 1775], à Élie-Salomon-François
R
everdil
; 3 pages in-4, adresse.
400/500
I
ntéressante
lettre
littéraire
parlant du jésuite
C
aveirac
, pourfendeur de l’Édit de Nantes, des candidatures à l’Académie française
du chevalier de
C
hastellux
et de
M
alesherbes
,
et de l’avocat et économiste Théodore
R
illiet
de
S
aussure
.
Elle assure Reverdil de son amitié… « Les crimes de l’Abbé de Caveirac ne m’étoient point inconnus ; j’aime à vous entendre parler avec
cette ferveur que le grand monde diminuë quelquefois ; quand à moi je me sens toûjours prête à souffrir le martire pour une Religion
qui ne l’inffligera jamais, et qui seule a concilié les droits de la divinité avec ceux de l’humanité ; nous espérons bien un peu plus de
tolérance à present. Il semble que les grandes idées et les grands principes sont comme les grandes masses qui avancent lentement, mais
qui détruisent à la fin tout ce qui occuppoit leur place. Ce siècle n’est certainement pas plus doux que le précédent. Nous avons vu
renouveller il y a quelques jours les horreurs du parricide ; et je crains que le systême du chevalier de Chatelu ne soit un peu ebranlé,
à propos du chevalier tous ses amis lui destinoient la place vacante à l’academie françoise son discours de reception étoit commencé
lorsque la réputation de Mr de Malsherbe prenant un nouvel eclat par la fermeté et la noblesse de ses harangues, le chevalier s’est jetté à
ses pieds en quelque manière pour l’engager à prendre cette place qui lui étoit destinée. Mr de Malsherbe a cedé et le chevalier s’est fait
beaucoup d’honneur par cette conduite »... Rilliet de Saussure est chez les Necker : ils lui trouvent « de l’esprit et des connoissances. Ses
manières extravagantes ajoutent encor à limpression qu’il nous fait, elles se ressemblent assez à ces accents étrangers qui font valoir les
moindres pensées. On est étonné qu’un fou ait de l’esprit comme les parisiens sont surpris qu’un autre qu’un françois sache combiner
des idées »...
187.
Marie NOËL
(1883-1967). L.A.S., 17 juillet 1959, à la poétesse G
eorge
-
D
ay
; 1 page et demie in-8.
120/150
Elle la félicite pour son dernier recueil [
Variations
, suivi de
Les noces de sainte Cécile
], dont elle veut lui parler « de poète à poète » :
« C’est une belle récolte de fruits mûrs, – pensées pénétrantes, images saisissantes [...], sentimeønts fiers que vous avez cueillis et serrés
d’une main ferme et sûre d’elle-même. J’ai admiré que la femme d’action que vous êtes, toute dévouée aux intérêts des écrivains de
France, ait pu trouver en elle ces autres richesse – recueillement et ferveur – sans lesquelles il n’est pas d’œuvre poétique qui compte »...