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145.
Joris-Karl HUYSMANS
. 11 L.A.S., Paris 1894-1895, à Jules
B
ois
; 30 pages in-12, qqs lettres à en-tête du
Ministère de
l’Intérieur
, la plupart avec enveloppe ou adresse au dos.
2 000/2 500
I
mportante
et
belle
correspondance
littéraire
, où il est question de
Là-Bas,
d’
En route
(février 1895) et du
Satanisme et la Magie
de
Jules Bois (avec préface de Huysmans, juin 1895), aussi bien que du goût d’Huysmans pour les cathédrales, les retraites monastiques,
le symbolisme catholique et l’occultisme.
29 août 1864
. Lucien
D
escaves
a passé, près de Boulogne, « une villégiature toute de boue et de pluie […] Buvez de l’air et fouettez de
l’eau, approvisionnez vous de santé avant que de revenir dans la bagarre ». Lui-même mène une existence imbécile, qui le laisse hébété,
mais il se guérira par une cure de silence chez les moines. Il l’entretient de ses relations occultistes, à Lyon : «
W
irth
est allé voir M.
Misme et a fait des avances. [...]
G
uaita
l’aurait envoyé comme ambassadeur et s’apprêterait lui-même à venir, après avoir ainsi tâté le
terrain. M.
M
isme
dit ne pas lui avoir mâché ses vérités et il m’écrit que si Guaita venait, il se montrerait “dans toute sa splendeur”.
Tout cela, c’est très bien, mais je me demande ce qu’ils mijotent ! – Qu’est-ce que Wirth et l’autre veulent ? Ils ont évidemment un
but ; et comme ils sont autrement malins que notre pauvre ami, nous pouvons nous attendre à quelque coup nouveau de leur part »... Il
parle aussi de l’affaire « ridicule » de « cet Huitric qui a assassiné une parfumeuse. Le Procureur lui reproche d’avoir été acheter
Là-Bas
et
d’avoir lu ce livre ! Pour un peu, je serais cause du crime. Non, ce que la bêtise humaine est insondable ! – J’ai répondu à ces niaiseries
dans
Le Jour
qui est venu m’interviewer sur ce magistrat bizarre qui joue les psychologues »...
1895
.
Vendredi matin [4 janvier]
. Obligé de filer de bonne heure, avant d’aller à Sainte-Anne, il l’invite à dîner dimanche : « Je mettrai
au net mes épreuves sur le succubat et pourrai vous les remettre. [...] Ah ! mon pauvre Bois, vous saignez sur votre livre. Je suis dans un
semblable état. J’ai beau chambarder tous les placards et retarder ainsi je ne sais plus jusqu’à quand l’apparition de ce malheureux livre
[
En route
], il n’en est ni plus succulent, ni meilleur »... Il fait allusion aux complications d’une « affaire d’Amérique » et de « l’affaire
du
Figaro
» : « je me sens souillé »...
15 janvier
. Il s’indigne contre l’éditeur du
Satanisme
, Léon
C
hailley
, puis du sien [Pierre-Victor
S
tock
], qui commence à le fâcher pour de bon : « Oui, vous le dites, faire de la littérature c’est au-dessous de tout. Tous les déboires,
toutes les iniquités, tous les tracas sont réunis là. C’est une vocation de bagne intellectuel, que celle-là ! »...
Lundi de Pâques [15 avril]
.
Nouvelles de « la maman Thybaut », à Lyon ; lui-même souffre d’une névralgie...
Mercredi [17 avril ?]
. Il se plaint vivement des tracas
provoqués par la Semaine Sainte ; le bureau est pour lui un purgatoire. « Mais laissons ces tribulations expiatrices. Il vient de se passer
quelque chose d’assez étrange. Les Lucifériens veulent entrer en scène. La Diana
V
aughan
, vient de faire paraître le 1
er
numéro d’une
revue de propagande
Le Palladium
. [...] la niaiserie des arguments qu’elle sort contre Adonaï n’est surpassé que par la qualité vraiment
fétide des outrages à la Vierge et des blasphèmes »... Cependant ce sera excellent pour leur préface, « car c’est un document probant
sur le Satanisme »... Il parle d’un incident au Sénat, le Vendredi Saint, et de ses occupations pendant la semaine. La presse continue
sur
En route
: Le Pelletier « expectore naturellement les plus bas des sacrilèges ; au reste, pour le moment, les libres penseurs ahuris
par la première bordée de toute la presse, se remettent et vomissent. – C’est bon, cela »...
Dimanche [26 mai]
. « Je repense qu’il serait
tout de même plus sage que Chailley m’envoyât les épreuves en placards – et en double, car je suis toujours plein de mots répétés
qu’il faudra émonder. N’infligeons pas de frais à ce noble homme ! »...
31 mai
. Prière de presser Chailley pour les épreuves, à cause de
l’attention prêtée au livre par la presse catholique belge...
18 juin
. À sa place, il aurait haussé les épaules à la lecture de l’article, « et
laissé à l’inévitable Justice le soin de châtier la si parfaite mauvaise foi de cet homme. [...] Ai-je besoin de vous dire que si l’on regrette
amèrement de n’être pas un saint, pour être au moins presque sûr d’obtenir Là-Haut ce qu’on demande, c’est dans ces moments-là »...
7 septembre
. Il se plaint de la « cendre de l’abêtissement » qui lui couvre le cerveau depuis un mois dans son « bagne » : « Ah ! je suis
loin pour l’instant de mes cathédrales et de la symbolique religieuse ! »... Il lui garde un article de l’abbé
M
oeller
sur le Satanisme. « Je
connais aujourd’hui, la personne qui a monté le clergé contre moi, à propos d’
En route
, qui a chapitré le Méritant de S
t
Sulpice et inspire
le P. Nourrit des Jésuites. C’est de
B
roglie
(!!!) ce catholique libérâtre, haïsseur de mystique est ulcéré par ce bouquin »...
25 septembre
.
Il sort du Purgatoire dans un état mental inquiétant : « l’impossibilité de récoler deux idées, de souder des bribes de souvenirs, et,
dominant cet état d’âme de bureaucrate, une indifférence absolue de littérature, une fatigue incroyable d’art. C’est le vrai tædium vitae
de l’état monastique, avec cette différence qu’au cloître, on vit quand même en des idées divines, dans une caresse de mélodies, dans
une très douce incantation de psaumes, tandis qu’ici, cette torpeur confine à l’idiotie, trempe dans de rares idées aussi absurdes que
basses »... En partant le 28 pour le monastère de Glanfeuil, dans une île sur la Loire, il espère se réintéresser à la symbolique et aux
cathédrales. « Malheureusement, ce sont des Bénédictins qui habitent cet antique cloître et il y a longtemps que mes illusions sont
évanouies, à propos de cet ordre. Le Prieur [...] est à coup sûr, un précieux imbécile »... Il se rendra aussi à Solesmes, voir l’abbé de la
Congrégation de France, et à Tours, Poitiers et Bourges... Il fait la leçon à son ami sur l’inévitable impuissance qui suit un long livre, et
les remèdes. « Quand on n’est pas outillé pour déféquer de la prose, à foire continue, il faut se ménager pour de futurs livres ou alors
devenir des Maizeroy et des Prévost – mais alors la vidange sent moins fort que son fond d’âme »... Et de se réjouir de l’« inénarrable
tatouille » infligée à
M
ontesquiou
dans le
Gil Blas
...
[5 octobre]
. Une attaque d’influenza a retardé son départ et ruiné ses projets : « Je suis
si tranquille, chez moi, loin de l’odieux bureau, allant au Louvre, bouquinant sur les quais, me reposant dans les églises, qu’il me faut
la nécessité de visiter d’indispensables cathédrales pour m’inciter à boucler ma valise […] Je suis toujours plongé dans d’inextricables
travaux de notes. Plus ça va, plus je m’aperçois qu’il n’y a rien sur le symbolisme catholique du Moyen Âge. Tous les livres qui en
traitent sont nuls [...]. Ça va être un fichu travail que d’essayer de rétablir cette science-là ! – Et ce que je ne vois pas encore, c’est la façon
d’enrober tout ce mastic dans une couverte d’art »...