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262.
Louis-Antoine de
B
ourbon
-C
ondé
, duc d’ENGHIEN
(1772-1804) le dernier des Condé, il combattit dans l’émigration
et fut enlevé et fusillé par Bonaparte.
M
anuscrit
autographe,
Journal de mon voyage
depuis le 17 juillet 1789 jusques à la
fin de l’hyver de 1793
; un volume petit in-4 de [1]-91 pages paginé 1-95 (manquent les pages 91-94 des notes), cartonnage
de l’époque papier glacé vert (usagé), sous étui-chemise moderne dos maroquin rouge orné.
20 000/25 000
I
mportant
et
précieux
manuscrit
historique
,
récit
des
premières
années
d
’
émigration
du
jeune
prince
avec
son
père
et
son
grand
-
père
,
de
ses
voyages
,
et
de
ses
premiers
combats
.
Le manuscrit est soigneusement mis au net à l’encre brune, et d’une petite écriture qui remplit les pages à l’exception d’une petite
marge, probablement d’après des notes prises au jour le jour, sur des cahiers qui ont été ensuite cousus pour une modeste reliure en toile
recouverte de papier ; on relève de rares ratures et corrections. Le duc d’Enghien a rédigé après coup des
Notes du journal
, au nombre
de 20, ajoutées en fin de volume et appelées dans le texte par des mentions marginales (manquent les 2 feuillets contenant la fin de la
note 10 et les notes 11 à 19).
Ce manuscrit avait été remis en 1823 par le prince de Condé, père du duc d’Enghien, au comte de
C
houlot
, qui a publié ce
Journal
dans les
Mémoires et voyages du duc d’Enghien
(Moulins, P.-A. Desrosiers, 1841, p. 125-315), en apportant au texte de nombreuses
modifications et corrections de style en rectifiant les noms de lieux et de personnes, et en intégrant les notes dans la narration (il y a
également inséré les relations d’un « Voyage de Gênes » et d’un « Séjour à Turin », tirées d’un autre manuscrit, « un petit ouvrage à part »,
comme l’indique Enghien p. 51 du manuscrit). Nous ne pouvons donner qu’un rapide résumé de ce journal, avec citations de quelques
brefs passages à titre d’exemples.
« Les affaires prenants tous les jours une tournure plus critique, et le roi qui le jour de la seance royale avoit montré une heureuse
et noble fermeté, ayant cédé ; soit à l’instigation de M
r
Neker, soit qu’il se fut laissé aller à sa bonté ordinaire. Le peuple toujours
hardis et entreprenant lorsqu’il voit qu’on ne lui oppose aucune force resolut de l’amener à Paris, seul sans gardes, sans déffensse,
dans l’état enfin d’un prisonier qui comparoit devant devant ses juges. Cette demarche humiliante et le refus du roi qui ne voulut
point permettre à mon grand-père de l’accompagner à Paris, l’engagea à sortir du royaume, et à chercher dans les cours étrangères des
remèdes et des secours pour la France. M
r
le comte d’Artois prit la même nuit la même résolution. Malgré tous les dangers qu’il avoit
à craindre, il partit à cheval et presque seul de Versailles et par des chemins détournés arriva heureusement jusques à Chantilly, où je
lui prêtai une voiture et des chevaux de mon père qui le conduisirent jusques à la première poste – de là il prit sa route pour aller à
Bruxelles. Mon grand père de retour à Chantilly ne prit le temps que de manger un morceau et partit à trois heures de l’après midi le
vendredi 17 juillet 1789, époque mémorable à jamais, car ce départ inattendu trompa les scelerats qui comptoient avant peu ensevelir la
monarchie et eccraser sous ses ruines les têtes des princes du sang royal et le roi même. Sans princes et sans rois la France étoit perdue
sans ressources ». Enghien partit après le déjeuner, avec son père et son grand-père, MM. du Cayla, d’Autichamp et de Mintier ; dans
deux autres voitures, MM. de Virieu et d’Auteuil, le chirurgien Brilonet, « ma tante » (Louise-Adélaïde de Bourbon-Condé), Mmes
de Monaco et d’Autichamp, la comtesse Amélie, MM. de Choiseul et d’Espinchal ; puis les femmes et valets de chambre. Après un
incident à Péronne, où une populace menaçante entoure les voitures, les fuyards retrouvent le comte d’Artois à Valenciennes, passent
facilement la frontière, gagnent Mons puis Bruxelles où ils arrivent le 19 juillet, et y séjournent une quinzaine de jours (excursion à
Laeken, nouvelles des désordres en France).
Ils repartent, moins nombreux, le 3 août : Liège, Aix-la-Chapelle, Cologne (visite de la cathédrale, pont volant sur le Rhin). Le 8 août,
départ pour Coblence, Wiesbaden, puis Mayence (visite de la ville, promenade le long du Rhin), Worms, et Mannheim : « Le soir de
notre arrivée la musique militaire des trouppes palatines vint jouer sous les arbres de la promenade et devant nos fenetres en grande
partie pour mon grand père » ; visite de la résidence de l’Électeur, de l’observatoire, de l’église des jésuites, de la synagogue « sale
et puante ». Après une étape à Bruchsal, ils arrivent à Stuttgart, où ils sont bien reçus par le duc de Wurtemberg dans sa maison de
campagne d’Hohenheim, dont le luxe émerveille le duc d’Enghien, qui le décrit longuement : « Le duc nous montra des écuries qu’il
vient de faire batir ; elles sont peintes en couleur de rose blanc et or, jamais on ne pourra y mettre des chevaux ; c’est une vraie folie.
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