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les collections aristophil

1190

MILHAUD DARIUS (1892-1974).

MANUSCRIT MUSICAL autographe signé,

Médée

, opéra

en un acte

(1938) ; 209 pages in-fol.

25 000 / 30 000 €

Partition d’orchestre de l’opéra

Médée

, remarquable opéra en

un acte.

En 1938, Darius Milhaud reçut une commande d’État, et choisit d’écrire

un opéra. « J’avais depuis longtemps, écrira Milhaud dans

Ma vie

heureuse

, le désir de traiter un caractère de femme jalouse, dont

la jalousie irait jusqu’au crime, prolongement de son amour total,

sans limites. Médée me semblait le sujet parfait ». C’est sa femme,

Madeleine Milhaud, qui en composa le livret, en s’inspirant des

tragédies d’Euripide et Sénèque : « grâce à son sens du théâtre et

à sa connaissance des proportions et des éléments que j’aime, elle

m’écrivit un livret ; elle rétablit le personnage de Créuse qui existe dans

la

Médée

de Corneille, parce qu’il était indispensable d’avoir dans cet

opéra un personnage dont la fraîcheur et la douceur contrasteraient

avec la violence de Médée. Je composai

Médée

pendant l’été 1938 ».

L’œuvre fut créée aux pires moments, alors que la guerre s’abat sur

l’Europe, et sa carrière fut brisée net.

Médée

fut d’abord montée,

en flamand, par l’Opéra flamand d’Anvers, le 7 octobre 1939, sous

la direction d’Henri Diels, avec Mme Van Hoecke dans le rôle-titre ;

une représentation en fut radiodiffusée : « groupés autour du poste,

nous écoutâmes mon opéra ; après chaque air, on nous commu-

niquait les nouvelles ». La création en français eut lieu à l’Opéra de

Paris le 8 mai 1940, sous la direction de Philippe GAUBERT, dans une

mise en scène de Charles DULLIN, des décors et costumes d’André

MASSON, et une chorégraphie de Serge LIFAR, avec Marisa Ferrer

(Médée), Jeannine Micheau (qui faisait ses débuts dans le rôle de

Créuse), Ketty Lapeyrette (la Nourrice), José de Trevi (Jason) et Arthur

Endrèze (Créon). « L’Opéra avait fait un effort remarquable : Gaubert

avait mis la partition au point avec un soin extrême et Marisa Ferrer

incarna avec grandeur et puissance dramatique le rôle de

Médée.

J’avais obtenu de M. Rouché que Dullin fît la mise en scène. Celui-ci,

qui était intéressé par les problèmes de la mise en scène lyrique,

fut vite déçu par les difficultés insurmontables. Les choristes surtout

le désespérèrent. Il finit par trouver une excellente solution. Il les

installa sur le côté de la scène comme une muraille et des danseurs

exprimèrent les sentiments des personnages. Les décors de Masson

et la mise en scène de Dullin sans aucun élément conventionnel

formèrent un spectacle très impressionnant. J’ai souvent pensé à cet

ultime cadeau que me fit l’Opéra de Paris, juste avant le désastre...

La première fut aussi élégante qu’une soirée de gala d’avant-guerre,

mais on entendait le bruit assourdi de la D.C.A. Le lendemain, nous

apprîmes la nouvelle de l’invasion de la Hollande ».

Médée

n’eut que

trois représentations, et sa carrière fut brusquement interrompue par

l’avancée des Allemands.

« Médée est répudiée par Jason qui s’apprête à épouser Créuse, fille

de Créon. Médée se vengera d’une façon terrifiante : elle imprègne

d’un puissant venin une robe qu’elle destine à Créuse. Dès que

celle-ci la revêtira, elle mourra. Son père, Créon, qui vient à son

secours, meurt également. Mais le châtiment que Médée réserve à

Jason n’est pas encore assez cruel : elle tue les deux enfants qu’elle

a eus de Jason. La partition de

Médée

est très belle. Les caractères,

dessinés avec netteté, sont bien différenciés. La mélodie est traitée en

longues périodes, auxquelles s’incorporent parfois des vocalises. Une

éloquence concentrée rend les chœurs particulièrement actifs. Enfin,

les proportions des diverses parties, les rapports entre les caractères

musicaux, l’ordonnance de l’ensemble donnent l’impression d’un

équilibre qu’on n’eût pu souhaiter meilleur » (Paul Collaer). L’opéra

dure 80 minutes environ ; c’est l’opus 191 du compositeur ; il a été

publié après la guerre par Heugel.

L’orchestre se compose de 3 flûtes (et une petite flûte), 2 hautbois,

cor anglais, 2 clarinettes, clarinette basse, saxophone alto, 2 bassons,

contrebasson, 2 cors, 3 trompettes, 3 trombones et tuba, timbales,

harpe, batterie, et les cordes.

Le manuscrit, en partition d’orchestre, est noté à l’encre noire sur

papier Néocopie Musicale de 28 lignes ; il a servi de conducteur.

Il est daté en bas du premier feuillet : « Marseille 21 Sept. 1938 », et

signé et daté en fin : « L’Enclos 13 Sept. 1938 ».

Bibliographie

: Paul Collaer,

Darius Milhaud

(Slatkine, 1982), p. 223-225.

Discographie

: air « Chers Corinthiens », Nathalie Dessay, Orchestre

philharmonique de Monte-Carlo, dir. Patrick Fournillier (Airs d’opéras

français, EMI 1996).