Le manuscrit est ainsi composé (nous cite-
rons quelques extraits du long commentaire
qu’a fait Messiaen de cette œuvre) :
I.
Le désert
(16 p.). [« Le désert est le symbole
de ce vide de l’âme qui lui permet d’entendre
la conversation intérieure de l’Esprit. Un
thème de cor évoque la paix du désert. L’Éo-
liphone rappelle le vent qui y souffle parfois.
Une voix d’oiseau est d’autant plus précieuse
qu’elle est entourée de silence : c’est dans ce
silence qu’on entend le “Sirli du désert”, qui
est une Alouette du Sahara : les crotales, la
petite flûte, les sons harmoniques de violon,
imitent cette voix pure et suraiguë ».]
II.
Les Orioles
(23 p.). [« Troupiales ou Loriots
américains (anglais : Orioles) de l’Ouest des
États-Unis. La plupart sont des oiseaux à
livrée orange et noire, tous sont d’excellents
chanteurs »...]
III.
Ce qui est écrit sur les étoiles
. « Voici ce
qui est écrit : Mené, Teqél, Parsîn. Mené :
mesuré – Teqél : pesé – Parsîn : divisé »
(Livre du prophète Daniel, ch. 5, v. 25 à 28)
(33 p.). [« Les mots fatidiques sont dits tout
d’abord au moyen d’un alphabet de sons et
de durées pourvus d’harmonies fixes. Puis
un choral des cuivres s’oppose à quelques
chants d’oiseaux »…]
IV.
Le Cossyphe d’Heuglin
(8 p.). [« Pièce
pour piano seul. Le Cossyphe d’Heuglin
est un oiseau de l’Afrique Sud-Est. C’est un
merveilleux chanteur. On trouvera ici tous les
aspects de son style musical […] Tout cela m’a
permis d’écrire pour un “piano-oiseau” qui
est en même temps un “piano-orchestre” »...]
V.
Cedar Breaks et le Don de Crainte
. « Le
remplacement de la peur par la crainte ouvre
une fenêtre sur l’adoration » (Ernest Hello,
Paroles de Dieu
) (en 3 dossiers, chacun
avec titre-chemise, pag. 1-34, 35-41 en grand
format, 42-45). [« Cedar Breaks est une des
merveilles de l’Utah. Moins important et
moins vivement coloré que Bryce Canyon,
il est cependant très impressionnant par
sa beauté sauvage. C’est un vaste amphi-
théâtre s’abaissant vers un gouffre profond,
dont les rochers orange, jaune, brun, rouge,
s’étagent en murailles, colonnes, tours, tou-
relles, donjons. Les bouleaux, les sapins, un
reste de neige, le vent qui souffle violemment,
augmentent encore la grandeur du site. Cet
ensemble m’a inspiré un sentiment analogue
à celui de la “Crainte” »...]
VI.
Appel interstellaire
. « C’est Lui qui guérit
les cœurs brisés et soigne leurs blessures ;
c’est Lui qui sait le nombre des étoiles, appe-
lant chacune par son nom » (Psaume 146, v.
3 et 4). « Ô terre, ne couvre pas mon sang, et
que mon cri ne trouve pas où se cacher !... »
(Livre de Job, ch. 16, v. 18) (4 p.). [« C’est un
solo de cor »...]
VII.
Bryce Canyon et les rochers rouge-
orange
. « Les choses temporelles ne seront
pas effacées, mais assumées dans l’éternité »
(Romano Guardini,
La Messe
, ch. 26 : l’heure
et l’éternité). « ... vous comprendrez la hau-
teur et la profondeur... » (Saint Paul, Épître
aux Éphésiens, ch. 3, v. 18). « Les assises
du rempart sont rehaussées de pierreries :
la sixième assise est de cornaline (rouge),
la neuvième de topaze (jaune orange), la
douzième d’améthyste (violette) » (Apoca-
lypse de Saint Jean, ch. 21, v. 19-20) (99 p.).
[« Bryce Canyon est la plus grande mer-
veille de l’Utah. C’est un cirque gigantesque
de roches rouges, oranges, violettes, aux
formes fantastiques : châteaux, tours carrées,
tours ventrues, fenêtres naturelles, ponts,
statues, colonnes, des villes entières avec,
de temps à autre, un trou noir et profond.
On peut admirer d’en haut cette forêt de
pierre et de sable pétrifié (altitude : 2.500
mètres environ), ou descendre au fond des
gouffres et marcher sous ces architectures
féeriques. Voici un oiseau superbe : “le Geai
de Steller” : son ventre, ses ailes et sa longue
queue sont bleus, la tête et la huppe sont
noires. Lorsqu’il vole au-dessus du Canyon,
le bleu de son vol et le rouge des rochers
sont la splendeur des vitraux gothiques. La
musique de la pièce essaye de reproduire
toutes ces couleurs »...]
VIII.
Les ressuscités et le chant de l’
étoile
Aldébaran
. « Une étoile diffère en éclat d’une
autre étoile : ainsi en sera-t-il de la résurrec-
tion des morts » (Saint Paul, 1
ère
épître aux
Corinthiens, ch. 15, v. 41-42). « Le cœur de
Jésus sera l’espace qui renfermera toutes
choses... Tout sera transparence, lumière...
L’amour comme état permanent de la créa-
tion, l’identité de l’intérieur et de l’extérieur :
voilà ce que sera le ciel ! » (Romano Guardini,
le Seigneur
, dernier chapitre) (42 p.). [« Les
étoiles chantent. […] Aldébaran est l’étoile la
plus brillante de la constellation du Taureau.
[…] Toute la pièce est une longue phrase des
cordes. […] En contrepoint, au-dessus des
cordes, plusieurs oiseaux »...]
IX.
Moqueur polyglotte, avec Oiseau lyre et
Siffleur doré
(18 p.). [« C’est la seconde pièce
pour Piano seul. Elle est faite entièrement
avec des chants de “Moqueur polyglotte”
(anglais : Mockingbird) [...] le plus célèbre
oiseau chanteur des États-Unis. Son chant
est très varié. […] Quelques oiseaux australiens
viennent ajouter leurs couleurs mélodiques
et harmoniques »…]
X.
La Grive des bois
. « Je lui donnerai une
pierre blanche : sur la pierre est gravé un nom
nouveau, que nul ne connaît sauf celui qui
le reçoit » (Apocalypse de Saint Jean, ch. 2,
v. 17). « Quand nous rentrons en grâce, nous
recevons du Saint-Esprit un nom nouveau :
et ce sera là un nom éternel » (Ruysbroeck
l’Admirable,
La Pierre brillante
) (27 p.). [« La
“Grive des bois” est rousse, avec la poitrine
blanche tachetée de noir. Son chant est
un arpège majeur en
porrectus flexus
, au
timbre clair, joyeux, ensoleillé. […] Pour moi,
le chant de la “Grive des bois” symbolise cet
archétype que Dieu a voulu pour nous dans
la prédestination, que nous déformons plus
ou moins au cours de la vie terrestre, et qui
ne se réalise pleinement que dans notre vie
céleste, après la résurrection. D’autres Grives
chantent à côté de leur sœur […] C’est un
secret d’amour entre l’âme et Dieu : le nom
nouveau est gravé sur la pierre, le modèle
éternel est retrouvé ».]
XI.
Omao, Leiothrix, Elepaio, Shama
(94 p.).
[« Les îles Hawaï contiennent deux sortes
d’oiseaux : ceux qui y habitent depuis tou-
jours, et des oiseaux d’autres pays qui y ont
été importés. La pièce contient les chants
des uns et des autres (auxquels j’ai ajouté
encore quelques oiseaux étrangers). Elle est
construite sur deux éléments : un Refrain
(joué par les cors), et les chants d’oiseaux
qui remplissent les Couplets »…].
XII.
Zion Park et la Cité céleste
(73 p., dont
les pages 18-19, 28-31, 46-48, 66-68, 71-73 en
grand format). [« Ceux qui découvrirent les
murailles roses, blanches, mauves, rouges,
noires, les arbres verts, et la rivière limpide
de Zion Park. y virent un symbole du Paradis.
Me souvenant que la montagne de Sion est
un synonyme de la Jérusalem céleste, j’ai fait
comme eux. […] Souvent le choral des cuivres,
lumineux et majestueux, a interrompu ces
chants d’oiseaux. Sur un accord de La majeur
aux cordes (immuable comme l’éternité), les
cloches du carillon apportent leur résonance
avec la joie finale ».]
Bibliographie
: Peter Hill et Nigel Simeone,
Olivier Messiaen
(Fayard, 2008), p. 376-384.
Discographie
: Yvonne Loriod, Ensemble Ars
Nova, Marius Constant (Erato 1988).