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Histoire

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marat Jean-Paul

(1743-1793) médecin et physicien,

conventionnel (Paris), journaliste et pamphlétaire, assassiné

par Charlotte Corday.

MANUSCRIT autographe,

Les Avantures du Jeune Conte

Potowski

; un volume in-4 (23 x 19 cm) de 222 feuillets soit

442 pages ; reliure du XIX

e

siècle plein maroquin bleu-

noir, triple filet à froid en encadrement des plats, dos à

nerfs, caissons à froid, titre doré, bordure intérieure dorée,

doublures et gardes au peigne, non rogné, tête dorée

[

Niédrée

] ; sous emboîtage moderne demi-maroquin bleu

nuit, titre doré.

150 000 / 200 000 €

Important et exceptionnel manuscrit du seul roman écrit par Marat,

longtemps resté inconnu, où il revendique, trente ans avant ses

pamphlets révolutionnaires, la liberté du peuple et le renverse-

ment des tyrans

.

Rédigé vers 1770-1771 en Angleterre, où Marat a trouvé une place de

médecin-vétérinaire à Newcastle, et en même temps qu’il achevait

son ouvrage philosophique

Essai sur l’âme humaine

, le roman ne

fut publié qu’en 1847.

Ce roman épistolaire et sentimental, selon le modèle de

La Nouvelle

Héloïse

de Rousseau, retrace les amours contrariées de deux jeunes

aristocrates polonais dans la Pologne en crise des années 1770 :

Gustave Potowski, qui a « une bouche dessinée par l’amour, des

cheveux d’un noir d’ébène, une jambe faite au tour et une main

douce, blanche et potelée », aime passionnément la ravissante Lucile

Sobieska qui possède « un teint de lis et de roses », fille d’un ami de

son père, et l’on s’apprête à célébrer leur mariage lorsque la guerre

civile éclate et divise la nation en deux partis, celui des Russes et

celui des patriotes. Les amants sont alors séparés, les deux familles

deviennent ennemies mortelles, et les péripéties causées par la

douleur des amants, les vicissitudes de la guerre, la perfidie d’une

comtesse secrètement amoureuse du jeune homme s’enchaînent,

avant la réconciliation finale et l’union de Lucile et Gustave. L’action

se déroule, de 1769 à 1771, dans une Pologne secouée par la guerre

civile ; ainsi, l’intrigue sentimentale laisse place aux préoccupations

politiques, Marat prenant manifestement parti pour les patriotes

qui luttent pour « la paix, l’union, la liberté », contre la despotique

CATHERINE II, se livrant, vingt ans avant ses pamphlets révolutionnaires,

à un violent réquisitoire contre l’autorité monarchique et les tyrans,

qui dévorent « notre repos, notre liberté, notre sang ». Il appelle déjà

les patriotes à la révolte…

Le cœur politique du roman se trouve dans la longue lettre LII,

véritable dialogue politique entre Gustave Potowski et un Fran-

çais (dont les aventures en Turquie forment un petit roman dans le

roman), manifestement le porte-parole de Marat. Voici comment

il présente Catherine II : « par une suitte de la vanité et de l’instinct

imitatif naturel à son sexe, elle a fait quelques petites entreprises ;

mais qui ne sont d’aucune conséquence pour la félicité publique.

Par exemple, elle a établi des écoles de littérature française pour une

centaine de jeunes gens qui tiennent à la Cour : mais a t’elle établi

des écoles publiques, où l’on enseigne la crainte des Dieux, les droits

de l’humanité, l’amour de la patrie ? Elle a encouragé quelques arts

de luxe, et un peu animé le commerce : mais a t’elle aboli les impots

onereux, et laissé aux laboureurs les moyens de mieux cultiver leurs

terres ? Loin d’avoir cherché à enrichir ses états, elle n’a travaillé

qu’à les ruiner, en dépeuplant la campagne de cultivateurs par des

enrollements forcés […] Elle a fait fondre un nouveau code : mais a

t’elle songé à faire triompher les loix ? N’est t’elle pas toujours toute

puissante contre elles ? Et ce nouveau code, est-il même fondé sur

l’équité ? La peine y est-elle proportionnée à l’offense ? Des supplices

affreux n’y sont-ils pas toujours la punition des moindres fautes ? A

t’elle fait des règlements pour épurer les mœurs, prévenir les crimes,

protéger le foible contre le fort ? A t’elle établi des tribunaux pour

faire observer les loix, et deffendre les particuliers contre les atteintes

du gouvernement ? Elle a affranchi ses sujets du joug des Nobles :

mais ce n’est que pour augmenter son propre empire. Ne sont-ils

pas toujours ses esclaves ? ne les pousse t’elle pas toujours par la

terreur ? »… Etc.

Un peu plus loin, le Français dresse un sévère tableau de la situation

en Pologne, et critique durement ces lois monstrueuses « qui, pour

l’avantage d’une poignée de particuliers, privent tant de millions

.../...