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les collections aristophil
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LOUIS XVIII
(1755-1824) Roi de
France, alors comte de PROVENCE.
L.A., [fin 1789 ou début 1790, à
MIRABEAU] ; 2 pages et demie in-8
remplies d’une petite écriture serrée.
3 000 / 4 000 €
Extraordinaire et curieuse lettre du comte
de Provence au début de la Révolution, sur
ses manœuvres politiques avec l’aide de
Mirabeau, sur sa propre personnalité, sur
Louis XVI et Marie-Antoinette
.
[Il semble faire allusion, à mots couverts, à
la conspiration du marquis de FAVRAS, qui
sera arrêté le 25 décembre 1789 et pendu le
19 février 1790, en prenant sur lui les soup-
çons qui pesaient sur le comte de Provence.]
« Il ne tiendroit qu’à moi, my dear son, de
prendre pour une maniere de reproche
direct, la premiere phrase de votre lettre,
cependant je pourrois vous répondre que
c’est presque toujours vous qui commencez
à parler de paye » ; le second grief est plus
grave. « J’ai vû tout ces gens là, j’en conviens,
ils m’ont persuadé, j’en conviens encore,
mais quelque raison qu’ils ayent eu (et il
faut qu’ils en ayent eu une furieuse dose,
car c’est bien contre le vœu de mon cœur
que je me suis rendu et si ma raison n’y
veilloit sans cesse, il feroit certainement une
insurrection) quelque raison que j’aye moi-
même en parlant d’après eux, il n’est pas
aisé de persuader des gens dont le cœur
est au moins aussi fort que la raison et de
plus quatre fois plus ulcéré que le mien. Ce
n’est pas que je veuille disconvenir de ma
timidité, il y a 34 ans que j’ai ce malheur, ou
plutôt ce défaut là, mais la mienne est d’une
espece particuliere ; en public je le suis fort
peu, diminuez le cercle, elle augmente et
elle est à son comble dans le tête à tête. Il
n’y a que lorsque je suis assez animé par
l’objet pour pouvoir assommer mon adver-
saire d’un seul coup, que j’en puis venir à
bout et il est rare que je soye dans ce cas
là. Vous me faites bien de l’honneur de me
comparer à un eléphant, mais le fussé-je, le
rôle qu’il m’a fallu jouer toute ma vie, rôle si
opposé à celui que je serois dans le cas de
jouer en ce moment, m’a ôté beaucoup de
la force qui me seroit nécessaire ; retenez le
meilleur coureur au lit pendant six mois, s’il
n’en sort pas paralytique, au moins courra
t’il bien mal, jugez quand c’est 18 ans au
lieu de 6 mois. D’ailleurs encore une fois
vous me jugez trop favorablement, je ne
vous dirai pas que je suis un sot, car je n’en
crois rien, mais mon genre d’esprit consiste
plutôt dans une certaine aptitude à saisir
les idées, à me les identifier, à les présenter
quelquefois sous un jour plus favorable que
leur auteur même, qu’à en enfanter tout
seul. Delà vient, que lorsque j’ai un second,
pourvû que ce ne soit pas absolument un
apoco, je me défends et même j’attaque
bien, mais lorsque je suis seul et qu’on me
fait une objection imprévue, je reste souvent
court et quand on y a été une fois pris, l’air
de noblesse et de dignité n’en impose plus,
le cornac qui a dompté l’éléphant, cesse de
le craindre. Voilà ce qui m’est arrivé plusieurs
fois avec la Reine et c’est ce qui fait que je ne
puis pas espérer de lui en imposer ; quant
au Roi, il est si versatile parce qu’il est si
engourdi, qu’on n’en peut rien tirer, il jette
sa confiance, comme un pêcheur de baleine
jette son harpon et puis au lieu de tirer le
poisson, c’est le poisson qui le tire. Je le
sais bien, puisque j’ai été premier ministre
pendant trois jours, c’est moi qui l’ai engagé
à aller à l’Assemblée Nationale, à rappeller
ses Ministres et à aller à Paris, ce sont trois
petites choses assez importantes, on auroit
cru que j’allois gouverner l’État, point du
tout, M. de Montmorin est revenu, je me
suis retrouvé Gros-Jean comme devant. La
Reine a encore une manière qui est diabo-
lique, c’est qu’elle vous dit, moi je ne me
mêle pas de cela et quand une fois elle s’est
cramponnée à cette phrase, pas pour un
diable vous ne l’en feriez démarrer. Il y auroit
peutêtre un moyen, qui seroit de me montrer
tout à fait sans m’embarrasser d’eux, de me
mettre assez en avant pour me rendre même
à craindre si je pouvois avoir de mauvaises
intentions et ensuite de leur tendre une main
qu’il seroient bien obligés de prendre, mais
jamais je ne jouerai un pareil rôle, j’aimerois
mieux périr ici avec eux ou comme d’autres
aller en pays étranger
manger le pain de la
pitié
, que de manquer à ce point, quoiqu’à
bonne intention, aux principes que j’ai succés
avec le lait ».
Après avoir répondu aux reproches, il veut
dire le doux sentiment de se sentir aimé
par son « fils » : « c’est de me dire, mon fils
m’aime donc comme je l’aime, comme je
désire d’être aimé ! […] je ne parle pas de
l’adoption que j’ai faite de vous, les premiers
soins que j’ai pris de vous ne vous avoient
pas pour objet, je les rendois à un homme
que j’aimais, que je respectois, […] encore
une fois entre un bon pere et un fils tendre,
il n’y a point de distance. J’attends votre
Discours qui doit être intéressant à en juger
par l’exorde et je pars pour la fabrique, mais
ce ne sera pas sans vous en esprit comme
je le voudrois en chair et en os, serré contre
mon cœur ».