114
les collections aristophil
874
NAPOLÉON I
er
(1769-1821) Empereur.
MANUSCRIT autographe,
Clisson et
,
[1795] ; 1 page petit in-fol. (28,5 x 9,3
cm).
10 000 / 12 000 €
Rare et précieux début du roman de jeu-
nesse de Bonaparte,
Clisson et Eugénie
.
C’est en 1795, âgé de vingt-six ans, que
Bonaparte rédige ce court roman de 27
pages,
Clisson et Eugénie
, inspiré par sa
liaison contrariée avec
Désirée
-Eugénie
Clary, dont la sœur aînée Julie avait épousé
Joseph Bonaparte, et qui épousera elle-
même Bernadotte. Le roman conte l’histoire
du jeune guerrier Clisson, sous les traits
duquel on reconnaît aisément Napoléon;
épris d’Amélie, son cœur se tourne soudai-
nement vers Eugénie ; leur amour sera gâché
par la traîtrise, mais ennobli par la guerre.
Le manuscrit de
Clisson et Eugénie
a été
dispersé. Après une première publication
partielle par Albéric Cahuet, « Napoléon
romancier : pages inédites d’une œuvre
de jeunesse » (
L’Illustration
, 17 janvier 1920),
Simon Askenazy en a donné en 1929 une édi-
tion d’après le manuscrit lacunaire conservé
en Pologne (
Manuscrits de Napoléon 1793-
1795 en Pologne
, Varsovie, 1929, p. 93-102) ;
après la découverte du fragment manquant
lors de la vente de la collection André de
Coppet en 1955, le texte intégral fut publié
dans
Nouveau Fémina
en septembre 1955,
et repris par Jean Tulard dans son édition
des Œuvres littéraires et écrits militaires de
Napoléon (Tchou, 2001, t. II, p. 331-342). En
2007, Émilie Barthet et Peter Hicks en ont
donné une édition savante, avec tous les
fragments retrouvés.
Ces fragments sont au nombre de six, le
plus important (13 pages) se trouvant à la
Biblioteka Kornicka à Kornik en Pologne, et
deux autres (2 et 4 pages) au Musée histo-
rique d’État de Moscou (ancienne collection
Orloff) ; les 4 pages du Karpeles Manuscript
Museum de Santa Barbara ont été vendues
par Bonhams à New York le 21 septembre
2016 (n° 1151). Notre manuscrit est donc un
des trois fragments en mains privées de
Clisson et Eugénie
, désigné par Peter Hicks
comme le Ms 5 : « « Il s’agit, selon nous, de la
version la plus aboutie du début du roman ».
Écrit à l’encre brune sur un petit feuillet de
papier vergé bleuté étroit, correspondant
probablement à une colonne d’un feuillet plié
en deux comme le restant du manuscrit, il
donne le texte le plus élaboré du début, dont
existent trois autres ébauches ; il présente
cependant quelques ratures et corrections.
Nous en donnons ci-dessous la transcription
exacte, la version déchiffrée par P. Hicks étant
hélas déparée par des fautes de lecture.
« Clisson naquit avec un penchant décidé
pour la guerre. Il lisoit le récit d’une bataille
avec la même avidité que ceux de son âge
écoutent une fable. Arrivé dans l’age de
porter les armes il marqua chaque campagne
par une action d’éclat. Les vœux de la nature
et le bonheur l’appelèrent quoique adoles-
cent au premier grade de la milice militaire.
Il surpassa même bientôt les esperances
qu’il avait fait consevoir. La victoire lui fut
constamment fidèle.
Mais l’envie et toutes les passions basses
qui s’attachent aux reputations naissantes
qui font perir tant d’hommes util ou effrayent
tant de genie appellerent sur lui la calomnie.
Alors le sangfroi et la [fermeté] modera-
tion ne firent quaccroitre le nombre de ses
ennemis. L’on appella orgueil la grandeur
d’ame insolence la fermeté. Ses triomphes
même furent desormais pretextes pour
[accroitre le nombre de ses ennemis] le
perdre. Il se dégouta de servir des ingrats.
Il sentit le besoin de rentrer en lui-même.
Pour la premiere fois il jetta »
Provenance
André de COPPET [repr. par Jacques Arnna,
Pages de l’
épopée impériale recueillies par
André de Coppet (Tours, impr. Arrault, 1952),
pl. XXII, faussement légendé « Notes auto-
graphes sur le connétable Clisson »)].
Bibliographie
Napoléon Bonaparte,
Clisson et Eugénie
(éd.
Émilie Barthet et Peter Hicks, Fayard, 2007).