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les collections aristophil
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NAPOLÉON I
er
(1769-1821) Empereur.
L.A.S. « Bonaparte », Millesimo 29 germinal [18 avril 1796], à
SA FEMME JOSÉPHINE, « A la citoyenne Bonaparte Rue
Chantrene N° 6 Paris » ; 2 pages in-8 sur double feuillet de
papier bleuté, adresse autographe avec petit cachet de cire
rouge.
100 000 / 120 000 €
Superbe lettre d’amour du général Bonaparte pendant la campagne
d’Italie, se plaignant de ne pas recevoir de lettres de Joséphine,
son épouse depuis quelques semaines, mais évoquant les nuits
voluptueuses passées ensemble
.
[La lettre est écrite de Millesimo où le général Augereau a remporté
une importante victoire le 13 avril, avant celle de Dego par Massena le
14 avril. En mars 1796, Bonaparte a pris le commandement de l’Armée
d’Italie et en quelques semaines, il va révéler tout son génie militaire,
organisant de grandes offensives contre les forces coalisées autour
de l’Autriche. Décidé à poursuivre et détruire l’armée piémontaise, il
s’apprête à prendre le camp de Ceva, pris le lendemain de cette lettre.
Après la bataille de Mondovi (21 avril), c’est toute l’armée autrichienne
qui va battre en retraite et la Cour de Turin proposer un armistice,
signé le 28 avril à Cherasco. En dix-huit jours, Bonaparte aura battu
deux armées et remporté six victoires !
Mais le jeune général en chef, qui n’a pas encore 27 ans, fait place
ici à l’amant fougueux. Le récent mariage de Napoléon Bonaparte et
de Joséphine de Beauharnais a eu lieu à Paris le 9 mars 1796, deux
jours avant le départ pour Nice puis pour l’Italie. Joséphine, restée
à son domicile de la rue Chantereine, ne rejoignit son époux que
le 13 juillet. Elle était accompagnée dans ce voyage par le même
colonel Junot, aide de camp de Bonaparte et chargé ici de ramener
les drapeaux ennemis à Paris.]
« Pas de lettres de toi, mon adorable amie ; tu as donc des occupa-
tions bien douces puisque tu en oublies ton mari qui au millieu des
affaires et des fatigues les plus eccessives ne pense, ne desire que
toi. Tu auras vu les relations que j’ai envoyé des batailles que l’armée
que je commande a remporté. Je serai aujourd’hui dans la ville de
Ceva dont j’ai déjà attaqué le camp retranché.
Demain je fais partir pour Paris JUNOT avec 10 drapeaux pris à
l’ennemi. Sais-tu qui j’attends au retour !!! une petite personne qui
oublie un absent, dont j’ai toujours le portrait sur le cœur que j’aime
à la fureur ce qui peut être… Je n’ose pas achever je sens que je
lui ferais tord et à moi. Ma douce Joséphine vois tous les actes de
l’amour franchis les distances et renouvelles les nuits les immorteles
et ennivrantes nuits où la volupté, l’épanchement de l’âme, l’union
du cœur, la comunauté d’esprit se réunissoient pour nous contenter.
Je suis triste de ne pas avoir de tes lettres. J’espère et je me dépêche
de bien vite battre les ennemis. Je voudrois qu’il n’y en eut plus,
enfin d’être sans autre pensée d’avenir d’autre but que de faire et
jouir de ton bonheur.
Je suis isolé. Tu m’as oublié… Voyla huit jours que je suis toujours
à cheval. Plus de nuit, plus de repos, plus de sommeil, cela est
suportable. Mais malheur à l’instant où tu dirois… plus d’amour… Je
n’ai point reçu de lettre de tes enfants je les aime je te le jure comme
toi-même »...
Correspondance générale
, t. XV, n° 126.S, p. 1189.