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JEAN COCTEAU
raconte ensuite les derniers jours… Mais il est repris par ses activités
:
«
L’Allemagne veut monter ma pièce tout de suite – ou 2 actes et la
Voix Humaine. […] Coco [CHANEL] nous demande de rentrer dare-
dare et de lui organiser la séance de présentation des bijoux
»
; il
ajoute, un peu désabusé
: « Je t’adore. C’est une force invincible. Si
tu m’aimes – autre force invincible – c’est inutile et ridicule de prévoir.
Nos étoiles se chargent de tout et ne veulent pas qu’on se mêle de
leur travail. J’ai CONFIANCE. Ma pièce est belle – copiée, mise au
net. Là aussi, je ne prémédite rien. Je fais la planche. Je laisse les
étoiles tranquilles
»…
À l’automne, la rupture semble consommée et la correspondance
s’espace, mais reste tendre et amicale.
Février 1933
: il a fait la lecture de la pièce de Jean Desbordes [
La
Mue
], et a travaillé toute la nuit à la corriger
; il s’inquiète de la santé
de Natalie et l’embrasse «
comme en songe
».
Août 1934
: il est en
Suisse avec Marie-Laure de Noailles et les Markévitch. Il laisse paraître
ses regrets « chaque jour je pleure en cachette notre chance ruinée.
Je devrais dire “ma chance”. Laisse-moi croire que ce rêve n’était
pas un rêve que je faisais seul et qu’il t’arrive d’embrasser la photo
de ton poète comme j’embrasse la tienne qui ne me quitte jamais
dans mes chambres d’exil
»...
[Paris fin 1946]
, au sujet de
L’Aigle à deux têtes
, et de l’adaptation
anglaise par Ronald Duncan qu’il juge «
très inexacte. L’essence
reste, mais évaporée. Feuillère et Jeannot y remportent de véritables
triomphes
»...
9 juillet 1947
: il la remercie de sa visite à Milly qui «
a
laissé ton éclairage dans la maison et je l’aime de t’avoir plu. […] Je
tourne
Ruy Blas
. A chaque prise je me demande si elle te plairait.
Mes ondes circulent entre Paris et New-York et t’enveloppent
»…
15
janvier [1949]
: son meilleur souvenir de New-York est leur « déjeuner
ensemble et nos rues bras dessus bras dessous. […] Dans l’avion du
retour j’ai écrit une énorme “Lettre aux américains”. Je me demande
s’ils la liront et l’admettront
»…
Milly 2 janvier 1951
: il espérait la voir
à New York, mais il a été obligé d’annuler son voyage à cause d’une
otite. Il demande des nouvelles de son mari [Natalie avait épousé
Jack Wilson en 1937] et leur souhaite «
un peu d’équilibre dans le
déséquilibre universel
»…
Ces lettres sont aussi le reflet vivant de cette société 1930, très
mondaine, avide de sensations nouvelles, d’audaces et d’extravagance
;
Natalie et Cocteau s’adonnent ensemble aux vapeurs de l’opium et
fréquentent les premières. Ils y côtoient le groupe des Ballets Russes,
Diaghilev, Serge Lifar, Christian Bérard, Boris Kochno, Jean-Michel
Frank, les mécènes Charles et Marie-Laure de Noailles, Édouard
Bourdet, Igor Markevitch et bien d’autres, que Cocteau retrouve
dans le Midi…
Provenance
: vente 4 décembre 1991
; puis collection Paul-Louis
WEILLER (8 avril 2011, n°
609).