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JEAN COCTEAU

parle de toi et je rêve d’une vie que ta sagesse et ta bonté retarde

afin de la rendre plus solide et plus profonde. Pardonne moi mes

impatiences grossières et nos “scènes”. Je ne peux imaginer ta petite

figure grave et ton silence et nos marches de long en large sans avoir

honte

»… Les lettres sont parfois désespérées

: «

j’ai trop mal pour me

taire. Je suis une pauvre brute imbécile qui te parle à genoux

»

; il en

vient à souhaiter «

de gâcher l’ordre éternel, de déranger la langue

des astres, de tuer le miracle, de blasphémer le nom de Dieu et le

mystère de l’amour – de compter pour rien celui dont la race et la

ligne droite se perpétuent à travers une femme choisie entre

toutes

.

Je n’ose pas continuer

»....

26 juillet

: «

J’ai eu 2 jours de tunnel

noir et terrible, un malaise vague, un désespoir sans bornes […] Tes

lettres je dors en les mettant sur moi, sur mon cœur, sur mes genoux

pointus et là où l’ombre souffre de t’attendre. Triste, triste, triste

»… Il

raconte les «

scènes abominables

» entre Bébé (Christian BÉRARD)

et Boris KOCHNO…

Tamaris

. « Je t’aime avec une dureté terrible, avec cette “dureté” qui

fait dire à Goethe – “

Je t’aime, est-ce que cela te regarde

?

” […] Je

travaille. Je termine un poème commencé avec ma typhoïde. Je

projette d’écrire l’histoire de mon film

»… – « Mon ange, ma petit fille

adorée […] Tu as raison – tu as toujours raison. Il faut attendre et ta

promesse de ne pas me faire attendre plus de deux mois me donne un

courage énorme

»… Il cite un amusant poème sur Petit-Crû (« Je suis

un petit rat phoque

»…), donne des nouvelles du « drame Bébé-Boris

»,

Emilio Terry, Jean-Michel Frank… Il

dessine

son autoportrait, montrant

la forme des chemises qu’il demande à Natalie de lui acheter, avec

explications…

Saint-Mandrier

: il cherche là une maison «

entre ces

maisons admirables qui bordent le port

», que Charles de NOAILLES

est prêt à lui donner, maison qui «

sera un symbole. Le symbole de

mon attente de toi

», et qui abritera leur amour

; mais il ne voudrait

pas qu’elle gronde Jeanjean [Desbordes]... – Sur une carte avec son

portrait photographique

: « Mon amour, mon bel ange, ma petite

bouche carrée, ma tête qui vole – ta lettre ôte le vilain charme qui

s’amassait entre nous. Je te retrouve, je te serre de toutes mes forces

et je te lèche comme Petit Cru […] Ne parlons plus que d’amour. Je

frotte la photo de ma merveille contre ma poitrine […] Charles et

Marilor sont émerveillés par notre port

»… – Il parle de Marie-Laure

de Noailles et de Giorgio. Les Noailles «

possèdent le génie sous

sa forme la plus rare, la plus haute, la plus subversive

: le génie du

cœur

»… – Il gronde sa « bouche carrée

», et l’attend avec confiance

; il

évoque POUCHKINE « pestant et trépignant contre les

iladikiladikiladi

(joli mot russe) Je suis un imbécile. Aimer c’est croire et te croire

même si c’est incroyable

»

; il lui demande pardon et embrasse ses

« chers genoux pointus (sic) [

dessin

des genoux] et j’attends que ton

sourire me sauve ou me coupe la tête

»... – Amusante lettre écrite

dans les marges et au dos d’une couverture de roman-photo,

Dans

les bars de Toulon

: « Je comprends ce que la bêtise contagieuse de

notre milieu empêche de comprendre […] Notre chance de bonheur,

notre calme, notre force, ma confiance viennent de ces difficultés

sans nombre de ces détours, de ces embûches et méandres sans

lesquels un bonheur, une œuvre n’offrent qu’un charme officiel. GIDE

a sa gloire trop vite. VALÉRY n’a pas su/

pu

attendre. […] Si ton malaise

augmente, si tu perds le titi jusqu’au crime, pense à la pauvre figure

de ton Jean

»…