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les collections aristophil

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HISTOIRE POSTALE

58

427

SAINT-EXUPÉRY (Antoine de)

Dactylographie originale corrigée de

Vol sur Arras

[Pilote de guerre].

S. d. [fin 1941].

[2] p., 200 p. in-4 (27,4 x 21,6 cm) de papier pelure

américain « Esleeck Fidelity Onion Skin », encre noire et

crayon noir, chagrin rouge à la bradel, mention dorée

sur le premier plat « Vol Sur Arras / par Antoine de Saint

Exupéry / manuscrit original /avec dédicace autographe ».

8 000 / 10 000  €

Précieusedactylographieoriginalede

Pilotede guerre

, intitulée « Vol sur

Arras ». Publié en anglais à New-York le 20 février 1942, sous le titre

Flight to

Arras

, puis en français à Paris, sous le titre

Pilote de guerre

, le 27 novembre

1942, ce livre destiné à célébrer l’héroïsme français eut un retentissement

considérable aux États-Unis, alors même qu’il avait été interdit en France

par les autorités d’occupation et n’était diffusé que clandestinement par

les mouvements de résistance. Le dactylogramme présente des ratures

et corrections au crayon ; un paragraphe entier a été remanié (p. 177-178).

Au f. 21 apparaît la version non-expurgée de la fameuse phrase sur Hitler

censurée à la demande de la Propagandastaffel par Gallimard : « Hitler qui

a déclanché [sic] cette guerre démente ».

La dactylographie est assortie d’un bel envoi à Nada de Bragance

(« Plume d’Ange ») sur 2 ff. de papier « Ramapo Bond », signé de Saint-

Exupéry au crayon noir :

« Mon petit Plume d’Ange, j’ai bien besoin de

te revoir. Je suis las. J’ai pris une charge bien lourde sur mes épaules.

Et il n’est ni question de pouvoir vivre en paix en m’en débarrassant,

ni de pouvoir respirer en l’assumant. […] Et puis voilà que mon petit

livre va sortir. Et se préparent comme d’usage toutes les calomnies et

jalousie. Tu vois ça d’ici, la pègre des faux Français de New York qui

déjà remue. Je sens à mille signes fermenter le marais… Ah ! Plume

d’Ange que je suis triste, écœuré et las ! Voilà mon ours. Je n’en pense

aucun bien - crois-le. Je l’ai écrit dans le désordre intérieur. Je n’ai

pas réussi à dire ce que je voulais. Je te supplie de me câbler quand tu

l’auras reçu et lu. Je t’appellerai immédiatement. Mais dis m’en déjà

un mot par câble ! Si tu trouves ça affreux dis-le - je ne me connais

aucune vanité. Je t’embrasse bien fort Plume d’Ange. Oui. Aussi… »

.

On en joint une version dactylographiée ancienne, sur un feuillet volant

un peu défraîchi. Nada de Bragance (1910-1946), femme d’un prince

brésilien, fréquentait Saint-Exupéry durant son séjour new-yorkais. Le

surnom de « Plume d’Ange » viendrait de ses cheveux ébouriffés. Le

bel envoi a été publié à deux reprises dans les

Œuvres complètes

de

Saint-Exupéry sans mention de localisation (dans les notes relatives

à

Pilote de guerre

et en tant que lettre à Nada de Bragance (Pléiade,

t. II, 2009, p. 1317-1318 et 921-922). La BnF conserve par ailleurs une

dactylographie de

Pilote de guerre

offerte par Saint Exupéry à la

musicienne Nadia Boulanger indiquant dans la dédicace qu’il lui offre

« un des quatre manuscrits » (

Œuvres complètes

, II, Bibliothèque de la

Pléiade, 2009, p. 1317). Notre dactylographie s’apparente à celle de la

BnF par le format, la composition d’ensemble et les corrections qui

apportent des variantes par rapport au texte publié même si les deux

versions restent très proches.

Provenance :

- Nada de Bragance (envoi).

- Vente Paris, Drouot, 4 décembre 1991, lot hors catalogue.

- Vente Paris, 20 novembre 2007, lot 96.

Coins et dos frottés.

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SAINT-EXUPÉRY (Antoine de)

Lettre autographe signée.

[Vers 1941].

5 p. in-4 (27,9 x 21,6 cm) de papier vélin américain

« Gilbert Dispatch Bond », encre bleu foncé et crayon noir,

foliotation autographe (1- 5) et foliotation postérieure au

crayon rouge (0666-0670).

3 000 / 4 000 €

Important brouillon d’une lettre de Saint Exupéry à son ami

l’ingénieur Roger Beaucaire

, qui assurait au début des années 1930

les relations publiques de l’Aéropostale.

Passionné par les problèmes de physique, Saint-Exupéry échangea

avec son ami une correspondance scientifique nourrie dont la

lettre du 15 novembre 1941 élucidant le problème d’un tonneau

« immergé dans un fluide » est un bel exemple (

Œuvres complètes

,

II, Bibliothèque de la Pléiade, 2009, p. 1025-1027).

« Mais vous

m’avez une fois encore bien mis en colère avec votre habitude de

prêter à votre adversaire des démarches d’esprit d’enfant de cinq

ans et sans avoir daigné saisir son exposé, de lui jeter d’un ton

très doctoral assez blessant (bien plus que mes propres mots) :

“Je ne comprends pas cher ami que vous fassiez des erreurs de

logique aussi naïves…” […] La structure de mon raisonnement (c’est

le schéma que vous avez raillé) est une structure classique de

raisonnement d’implication. Voici d’abord le schéma du mien, je

le développerai ensuite […]. Vous êtes un type que j’aime infiniment,

mais vous m’exaspérez quand vous considérez que l’adversaire est

nécessairement ignare et qu’il est inutile de faire l’effort de suivre

avec attention ce dont il parle. […]. »

Et Saint-Exupéry de détailler

ensuite chacun de ces points (I à IV), avec une conviction peu

commune. L’aviateur est blessé par l’attitude de son correspondant :

Vous vous émerveillez gentiment quand j’use de “il faut, il suffit…”

mais c’est trop gentil. J’ai été je crois le meilleur élève de tous,

à St Louis, pendant mes deux années de spéciales, et depuis j’ai

tout de même pas mal lu sur les mathématiques. J’accepte encore

après 23 ans un match concret avec vous, sans [?], sur la solution

de quelques équations différentielles. En tous cas si je vous affirme

que je suis certain de la validité d’un raisonnement, mon affirmation

mérite au moins d’être considérée sans trop d’ironie. Tout ça n’a

rien à voir avec mon amitié mais vous m’avez exaspéré. Je vous

aime bien quand même. »

Provenance :

Vente Artcurial, 16 mai 2012, n° 371.

Bibliographie :

Œuvres complètes

, Pléiade, II, 1025-1027.

Quelques traces de rouille laissées par des trombones.