161
SCIENCES
coutume de s’entendre ; mais c’est juste-
ment parce qu’il y a ce que j’ai appelé les
vérifications qui jugent en dernier ressort et
devant lesquelles tout le monde s’incline.
Mais là où ces vérifications font défaut, les
mathématiciens ne sont pas plus avancés
que de simples philosophes. Quand il s’agit
de savoir si un théorème peut avoir un sens
sans être vérifiable, qui pourra juger puisque
par définition on s’interdit de vérifier. On
n’avait plus de ressource que d’acculer son
adversaire à une contradiction. Mais l’expé-
rience a été faite et elle n’a pas réussi. On
en a signalé beaucoup, des antinomies, et
le désaccord a subsisté, personne n’a été
convaincu ; d’une contradiction on peut
toujours se tirer par un coup de pouce ; je
veux dire par un distingo ».
L’espace et le temps
. « Une des raisons qui
m’ont déterminé à revenir sur une des ques-
tions que j’ai le plus souvent traitées, c’est
la révolution qui s’est récemment accomplie
dans nos idées sur la Mécanique. Le principe
de relativité, tel que le conçoit LORENTZ
ne va-t-il pas nous imposer une concep-
tion entièrement nouvelle de l’espace et du
temps et par là nous forcer à abandonner des
conclusions qui pouvaient sembler acquises.
N’avons-nous pas dit que la géométrie a
été construite par l’esprit à l’occasion de
l’expérience, sans doute, mais sans nous
être imposée par l’expérience, de telle façon
que, une fois constituée, elle est à l’abri de
toute révision, elle est hors d’atteinte de nou-
veaux assauts de l’expérience ; et cependant
les expériences sur lesquelles est fondée la
mécanique nouvelle ne semblent-ils pas
l’avoir ébranlée ? »... Et il conclut : « Quelle
va être notre position en face de ces nou-
velles conceptions ? Allons-nous être forcés
de modifier nos conclusions ? Non certes,
nous avions adopté une convention parce
qu’elle nous semblait commode, et nous
disions que rien ne pourrait nous contraindre
à l’abandonner. Aujourd’hui certains physi-
ciens veulent adopter une convention nou-
velle. Ce n’est pas qu’ils y soient contraints ;
ils jugent cette convention nouvelle plus
commode voilà tout ; et ceux qui ne sont pas
de cet avis, peuvent légitimement conserver
l’ancienne pour ne pas troubler leurs vieilles
habitudes. Je crois entre nous que c’est ce
qu’ils feront encore longtemps ».