144
les collections aristophil
634
PASTEUR Louis
(1822-1895).
MANUSCRIT autographe (brouillon),
Lille
[vers 1855-1857] ;
7 pages et demie in-8, sur papier à en-tête
Instruction
publique. Académie de Douai. Faculté des Sciences de
Lille
.
2 000 / 3 000 €
Brouillon d’une importante adresse au Conseil académique du
Nord comme premier Doyen de la nouvelle Faculté des Sciences
de Lille, au sujet de la réforme de l’enseignement secondaire
.
Cette réforme a été imposée par le ministère Fortoul pour assurer
l’égalité des filières scientifiques et littéraires. Ce brouillon présente
de nombreuses ratures et corrections
« Dans la tendance à peu près unanime du Conseil à blâmer le
nouveau plan d’études ou tout au moins à désirer des modifications
importantes, je demande à présenter quelques observations et à
soumettre quelques réserves. […] J’ai peine à croire que ses législa-
teurs, agissant au début d’un règne nouveau, dans les circonstances
que tout le monde sait, au milieu d’un siècle que les découvertes
scientifiques ont transformé et marqueront dans la suite des âges
d’un signe ineffaçable, j’ai peine à croire dis-je que les législateurs du
nouveau plan d’études sous l’inspiration d’un grand politique, n’aient
en vue que la science plus ou moins avancée de l’élève qui quitte les
bancs du collège et sa force relative dans un examen. Ils songeaient
sans doute plus à l’homme qu’à l’enfant, à la société qu’au collège, au
siècle et à ses tendances qu’à l’examen »… Et cependant on a placé
la méthode au-dessus l’homme, et la valeur du personnel enseignant
a faibli depuis l’application du plan d’études…
Pasteur énumère les causes de cette faiblesse : « 1° La création des
académies départementales a enlevé subitement un nombre consi-
dérable de professeurs distingués. 2° La création de beaucoup de
facultés nouvelles a conduit au même résultat. 3° Les modifications
qui obligeaient les élèves de l’École normale à un stage de deux
années avant de subir les épreuves de l’agrégation […] ont porté un
grave préjudice à un bon recrutement de cette École. 4° Le nombre
des professeurs a été tout à coup beaucoup augmenté dans l’ordre
des sciences. On a dû prendre des professeurs très inexpérimentés »…
Ainsi les meilleurs maîtres sont sortis des lycées et des collèges,
alors même qu’on introduisait l’étude de la mécanique, la cosmo-
graphie, la botanique, la zoologie, et que pour les besoins du service,
les professeurs d’histoire étaient contraints d’enseigner la logique
ou la grammaire, le professeur de philosophique, la rhétorique, et
professeur de mathématiques, la physique ou l’histoire naturelle…
Des conférences imposées aux maîtres « absorbaient leurs loisirs,
et fatiguaient leur zèle »…
Enfin, « ce qui exigeait impérieusement le talent et l’expérience des
maîtres, c’était le plan d’études lui-même. Un des caractères de ce
système est l’enchaînement des études successives, la solidarité
des enseignements des divers professeurs. De là ces programmes
arrêtés imposés, jusques dans les plus minimes détails. Mais à quoi
sert l’indication des sujets sans la connaissance approfondie de la
science dont ils traitent. Comment choisir quand on n’a pas le goût
formé. Qui ne sait que les résumés que les programmes nouveaux
supposent veulent des maîtres plus habiles et nécessite l’exposition
complète et nécessaire des faits et des théories. Il suffit de jeter les
yeux sur la célèbre instruction de novembre 1854 pour se convaincre
[…] que les véritables réformes à faire doivent aujourd’hui s’appliquer
au personnel enseignant, et que ce qui devrait attirer avant tout l’at-
tention de l’autorité c’est l’École normale supérieure et en général le
recrutement du personnel enseignant »...