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Lettres & Manuscrits autographes
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26 mai 2020
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MALLARMÉ Stéphane (1842-1898)
L.A.S. « Stéphane Mallarmé », « Paris, 87 rue de Rome » 31 octobre 1878,
à Léon HENNIQUE ; 6 pages in-8.
Bel éloge du premier roman de Léon Hennique,
La Dévouée : héros
modernes
(Charpentier, 1878).
Il a lu deux fois son beau roman. « Non que je doutasse de tout le talent
qui de vos pages saute aux yeux ! Je vous savais homme capable de
beaucoup. La sûreté seule de votre manière m’a quelque peu étonné.
Conception à part, c’est là le roman d’un écrivain qui en a fait douze ; et
ce qu’il y a de maîtrise dans ce début me confond. Depuis la promenade
aux Moulineaux, où l’air, le vrai, le respirable circule de façon si palpable,
jusqu’à tous les autres morceaux du volume, il y a une aisance et une
recherche, de l’intensité avec de la légèreté de touche, bref tout ce qui fait
l’artiste hors ligne »… Il marque quelque réserve à l’égard du personnage
de Geoffrin, mais « Michelle, en qui je ne vois pas un
Héros moderne
, car
elle agit par inconscience et toute passive (puis l’héroïsme est, je crois,
plutôt de souffletter le mal et d’envoyer un père scélérat à l’échafaud
vengeur !) est, nonobstant, adorable. Tous les autres personnages sortent
du livre, une fois fermé, marchent et rentrent dans l’existence, tant ils sont
quelconques et vrais. Excepté la jambe de bois tricolore, qui n’est pas
assez absolument caractéristique du poëte contemporain, votre lettre
du père Hugo encore, qui me navre, pas un trait à effacer. Votre œuvre
se tient avec sa perfection de vision extérieure et sa vie indéniable »...
Il aurait encore mille choses à lui dire, mais il est au moment de partir
pour la campagne. Cependant « tout ce que vous avez tracé là est si net
et demeure si bien présent à l’esprit, que je ne crains pas de rien avoir
oublié, cet hiver, quand nous nous reverrons chez ZOLA »…
1 500 - 2 000 €
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MALLARMÉ Stéphane (1842-1898)
L.A.S. « SM », [Valvins 22 septembre 1895], à Élémir BOURGES ;
2 pages oblong in-12.
« La brise est molle, mais ce n’est pas cela, je m’en servirais : voici que
Poniatowski m’invite, par un télégramme, à déjeuner à Fontainebleau et
je ne serais pas revenu à deux heures. Je ne désespère pas de vous
voir, dans la journée, chez Signoret, et exprime à Madame Bourges
mon profond désappointement de ne pas l’embarquer aujourd’hui »…
400 - 500 €
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MARTIN DU GARD Roger (1881-1958)
2 L.A.S. « RMG »,
Bellême Orne
20-21 août 1926, à un ami architecte ;
6 pages in-8.
À propos de la nouvelle installation hydraulique à son château
du Tertre
.
20 août
. « Pour le bélier, voici ce qui s’est passé. Une semaine de
travail, démontages et remontages du bélier, accusations successives
et reconnues ensuite inexactes de baisse d’eau dans l’étang, de fuite
dans la canalisation, etc… menaces d’avoir à rééventrer le parc d’un
bout à l’autre. En définitive, défaut de montage dans la soupape de
retenue. Mais le bélier ne donne que 1500 litres […]. De plus, l’eau
délicieuse de mes sources est devenue
imbuvable
à cause de cette
longue canalisation et ces réservoirs au soleil »… Etc.
21 août
. Il a donné
un acompte à Despagnet, et avise son ami de la somme dont il peut
disposer en acomptes, en ce moment difficile où les valeurs baissent.
Le bélier continue à lui causer des ennuis. « Le débit est tombé à 800
litres environ. […] Il y a aussi une question de canalisation que j’estime
grave et sur laquelle je vous prie d’attirer l’attention de l’Entreprise. Les
tuyaux ont été établis
sans syphons
», avec des conséquences fétides,
« malfaçon évidente »…
200 - 300 €
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MAUPASSANT Guy de (1850-1893)
L.A.S. « Guy de Maupassant Président », [février 1880],
à une « Charmante Princesse » ; 4 pages in8, en-tête
Ministère
de l’Instruction publique et des Beaux-Arts
.
Secrétariat
.
Étonnante lettre, d’un cynisme mordant
,
sur la mort de son collègue
de bureau surnommé « Moule à Bitte »
.
[Ce collègue de bureau de Maupassant, qui rappelle le personnage du
Père Savon dans sa nouvelle
L’Héritage
, se nommait en fait Édouard
BRAUD, commis principal à la Marine, mort au ministère de la Marine
le 9 février 1880 ; il avait été admis dans le paillard « Cercle des Amis
des Femmes », présidé par Maupassant, le 31 août 1879 ; selon Léon
Hennique (rapporté par E. de Goncourt), « on branla le récipiendaire à
tour de bras avec des gants d’escrime, on lui enfonça une règle dans
le rectum ».]
Il a reçu l’invitation du Prince et partira à 2 heures du matin pour
déjeuner chez eux dimanche : « Je n’ose plus traverser les ponts
depuis la débâcle, ni prendre le train depuis la marmelade d’Asnières
[accident de train le 3 février], de sorte que je suis obligé d’aller à
pied en suivant les détours de la Seine »… Il annonce une « Grrrande
nouvelle !!!! Moule à bitte est mort !!!! Mort, au champ d’honneur c’est-
à-dire sur son rond de cuir bureaucratique […]. Son chef le demandait :
le garçon entre et trouve le pauvre petit corps immobile, le nez dans
son encrier »… On a envoyé à Maupassant un commissaire aux délé-
gations judiciaires de la Marine : « on a prétendu que
notre persécu-
tion
avait abrégé ses jours. Je montrerai à ce Commissaire la gueule
d’un Président digne de la Société et je lui répondrai tout simplement
“des flûtes”. J’ai mis un crêpe – pas à mon chapeau – pardon – à la
patte du Cocrodille. – La société a perdu un membre rare, qu’elle
ne retrouvera pas – tenez je suis ému, les larmes m’échappent »…
(ligne de taches brunes sur le papier imitant des larmes). Il reprend : « J’ai
envie d’intenter un procès à la famille pour ne pas nous avoir prévenus
qu’il était de si mauvaise qualité. Il y a fraude, dommage évident », et il
compte demander des dommages et intérêts, « plus le corps du défunt
qui ne ferait pas mal entre le serpent et Coco. Mort, mort, mort – que
ce mot si court est insondable et terrible – mort – c. à d. – nous ne le
verrons plus – mort – sans blague, il est mort – mort. Notre moule à bitte
n’est plus Couik Kouik Couique Couiq. A-t-il fait couiq, au moins – si
j’en étais sûr cela me consolerait un peu »... Il baisera dimanche les
belles menottes de la belle Princesse, « c’est la seule consolation que
j’aie, la seule clarté qui me reste dans le désespoir où je suis tombé »…
1 500 - 2 000 €
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MILOSZ Oscar Vladislas de Lubicz (1877-1939)
POÈME autographe signé « O.W. de Serbiny-Milosz »,
Angélico
;
4 pages petit in-4 (trous d’épingle en haut des feuillets).
Poème de jeunesse composé de 12 sizains
.
« Le rire aviné des joueurs aux faces bleuies
De jour souffla sur les lumignons couleur de sang,
– Fleurs de pavots dans les cheveux de la nuit vieillie –
Et, très pâle, à cause sans doute du jour naissant
Le page Angelico – (c’était la fin des musiques)
Sur le velours vert retourna la Dame de Pique »…
700 - 800 €
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