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GAZETTE
DE THÉOPHRASTE RENAUDOT
(n
os
14 et 15)
«E
N UNE
SEULE
CHOSE NE
CEDERAY
-
JE
À
PERSONNE
,
EN
LA
RECHERCHE DE
LA
VÉRITÉ
... » (T
HÉOPHRASTE
R
ENAUDOT
)
L
A
G
AZETTE
,
PREMIÈRE
FEUILLE
HEBDOMADAIRE
JAMAIS
IMPRIMÉE
EN
F
RANCE
,
ET
LA
PLUS
PÉRENNE
:
fondée en 1631
par le médecin Théophraste Renaudot (1586-1653), elle ne cessa de paraître qu’en 1915. Dans sa remarquable
et longue préface ouvrant l’année 1631, Renaudot délivre une formidable leçon de journalisme, soulignant
« la nouveauté de ce dessein, son utilité, sa dif culté » et énonçant les grands principes qu’il se propose
de suivre.
«L
A
NOUVEAUTÉ
DE
CE
DESSEIN
»
:
si des canards paraissaient épisodiquement depuis longtemps, si des
gazettes manuscrites régulières circulaient en France depuis le début du XVII
e
siècle, et si des gazettes
régulières s’imprimaient déjà en Allemagne et en Italie, il revient à Renaudot d’avoir fondé le premier vrai
périodique imprimé en France. La
Gazette
dut affronter dès le départ la concurrence à Paris des
Nouvelles
ordinaires de divers endroits
du calviniste Jean Epstein (principalement consacrée aux nouvelles d’Allemagne
et des Pays-Bas), dont l’impression semble avoir débuté quelques semaines après : Renaudot en débaucha le
principal rédacteur à partir de l’automne 1631, et cette publication rivale disparut à la n de l’année.
F
AIRE
LE
BIEN
ET
DIVERTIR
.
Renaudot, qui menait par ailleurs des activités philanthropiques, af rme vouloir
répandre des nouvelles à la véracité établie pour servir les intérêts des honnêtes gens tout en leur procurant
«plaisir & divertissement ».
«E
SSAYER
DE
CONTENTER
LES
UNS
&
LES
AUTRES
».
Avec humour, il explique la dif culté de sa tâche, qui tient
à la diversité des attentes chez les lecteurs, à « la brieveté du temps » que lui donne leur impatience, et aux
nécessaires critiques à recevoir : « si la crainte de desplaire à leur siècle a empesché plusieurs bons autheurs
de toucher à l’histoire de leur âge, quelle doit estre la dif culté d’escrire celle de la semaine, voir du jour
mesme auquel elle est publiée ? »
«L
A
RECHERCHE
DE
LA
VÉRITÉ
».
Dans cette quête qui constitue son but essentiel, Renaudot s’assigne
une obligation de moyen mais non de résultat, rappelant qu’il dépend de ses sources, notamment de
correspondants à l’étranger : «En une seule chose ne cederay-je à personne, en la recherche de la vérité :
de laquelle neantmoins je ne me fay pas garand. »
«L
IBERTÉ
DE
REPRENDRE
»
POUR
LE
LECTEUR
,
LIBERTÉ
DE
S
’
AMENDER
POUR
LE
JOURNALISTE
.
Renaudot af rme ne
pouvoir ni ne devoir « tenir la bride » à la censure du lecteur, « cette liberté de reprendre n’estant pas le
moindre plaisir de ce genre de lecture [...]. Jouissez donc à votre aize de cette liberté françoise [...]. » Il offre
ainsi au lecteur un droit de réponse et de participer à la manifestation de la vérité, s’accordant à lui-même
le droit de se corriger : « ceux qui se scandalizeront possible de deux ou trois faux-bruits qu’on nous aura
donné pour veritez, seront par là incitez à debiter au public par ma plume (que je leur offre à ceste n) les
nouvelles qu’ils auront plus vrayes ».
L
ES ANNÉES DE
LA
G
AZETTE
SOUS
LA DIRECTION DE
R
ENAUDOT
FURENT
PARTICULIÈREMENT RICHES
.
Personnalité hors
du commun, Théophraste Renaudot «parvient à dominer ces contraintes tout en montrant un tempérament
et un talent journalistiques exceptionnels : les nombreuses préfaces de ses
Extraordinaires
, les ré exions
personnelles dont il émaille souvent ses textes donnent des leçons de journalisme d’une remarquable
modernité » (Gilles Feyel, article n° 492 sur la
Gazette
dans
Dictionnaire des journaux
publié sous la direction
de Jean Sgard). Il t preuve, notamment entre février 1632 et décembre 1633, d’une liberté de ton qui déplut
en haut lieu, exerçant «pleinement son métier de journaliste, reprenant les nouvelles les plus importantes
du mois écoulé, jugeant des hommes et des événements » (Feyel,
ibid.
). En tous les cas, il sut se garder une
marge de liberté tout en satisfaisant un lectorat noble (épée et robe) attaché à ses valeurs d’excellence,
d’abnégation et de courage.