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162.
Roger PEYREFITTE
(1907-2000). 2 L.A.S. (paraphe), novembre-décembre 1940, [à Henry de
M
ontherlant
] ;
4 pages et 1 page et demie in-4 à l’encre verte.
800/1 000
C
orrespondance
amicale
et
codée
, se rapportant principalement à leurs « chasses » et à leurs aventures pédophiles, en cette
période trouble, et évoquant les deux jeunes frères N., Doudou (Edmond) et Roro (Roland) avec lesquels les deux écrivains
entretenaient une liaison. Mme N., la mère des deux garçons, avait suivi Montherlant à Nice, où, en servant ses intérêts, il veillait
sur la petite famille. Il a donné à Peyrefitte des nouvelles de leurs protégés, qu’il a inscrits au lycée de Nice, et lui a raconté ses
nouvelles « conquêtes »... [
Correspondance
,
lxix
et
lxxi
.]
24.XI.40
. « Je viens de tresser pour Doudou une petite couronne, celle-là de lauriers. Le travail de ces enfants fait plaisir,
vraiment, et je partage votre satisfaction paternelle »... La scolarité de son protégé Beaum. n’est pas si prometteuse... Il a écrit aussi
à Doudou pour tenter de dissuader la famille N. de rentrer à Paris... « Nous avons connu, “au hasard des chemins”, de ces folles
jeunesses en fuite, qui faisaient pitié. Tant pis si ma statue fond à vos yeux comme neige au soleil ! C’est qu’elle n’était ni de sel
compact, comme celle de la Sodomite, ni d’or et d’argile comme celle de Nabuchodonosor »… Suit une longue discussion sur la
version latine, où Peyrefitte vante les mérites de la culture classique, et se remémore la j oie qu’il a toujours éprouvée à traduire
du grec et du latin : « c’était celle d’aller à la recherche d’une pensée consignée dans ces mots depuis des dizaines de siècles, celle
de faire jaillir une vive lumière d’expressions pétrifiées, celle de découvrir un trésor caché, un monde disparu »... Puis Peyrefitte
évoque, avec des allusions à double sens, leurs amitiés communes et les « membres de l’O. » (l’Ordre pédérastique), et rassure
Montherlant sur la discrétion de Jean Vigneau et du Chevalier [Henry Houssaye] qui dit l’avoir rencontré avec une fille ravissante,
et savoir qu’il a une maîtresse à Nice. Compte tenu de leurs expériences à tous deux, il a mis en garde le Chevalier sur les dangers
de Marseille… Il remercie Montherlant de sa recommandation auprès de Jean Vigneau (« bien dire que j’ai tout sacrifié à la Carrière,
mon père ayant vendu la plus grande partie des biens que j’aurais pu administrer »…), et au journal
Marianne
: « Je ne me trouve
guère encore en veine de copie. Mon esprit se tend sur mon manuscrit [
Les Amitiés particulières
], et j’aurais peine à l’intéresser à
autre chose. Surtout, en ce moment, écrire sur quoi ? Il n’y a que vous qui ayez le privilège d’écrire pour vous f… du tiers et du
quart »...
14.XII.40
. Il lui annonce sa prochaine arrivée à Nice pour le 20 décembre, voyage qui le réjouit mais qui vient malheureusement
« interrompre “quelque chose qui commençait” [...] Une longue suite d’efforts, enfin couronnés de succès, en date d’hier [...]
Quelque chose vraiment d’exquis »... Il est touché des compliments du « connétable » [Jean
V
igneau
]... Il évoque ses soirées
« limouxines », car Gaby
M
orlay
et
M
istinguett
sont venues à Limoux : « Ma passion pour Mistinguett n’a d’égale [...] que celle
que vous inspirait la dernière déclaration sur la récitation obligatoire – et non laïque – par tous les Pingouins du “Pater Noster” »...
Il s’amuse enfin d’avoir découvert sur la carte, à côté de Peira-Cava (où a vécu Montherlant), « une localité fort latine, nommée
Duranus »...
Reproduction page précédente
163.
Roger PEYREFITTE
. L.A.S. (paraphe), 26-29 avril 1941, [à Henry de
M
ontherlant
] ; 13 pages in-8.
700/800
T
rès
longue
lettre
,
en
partie
inédite
(
Correspondance
,
cxvii
).
Peyrefitte annonce le décès de son père : « Oui, le grand événement que je vous avais annoncé ce matin par télégramme est arrivé
comme la foudre. Frappé mercredi soir d’une congestion cérébrale, que ses 86 ans rendaient d’avance sans espoir, mon pauvre
père s’est éteint, sans douleur, tout doucement, hier au soir, 48 heures exactement après son attaque ». Il raconte la veillée, la
tristesse, les sentiments qui l’assaillent, etc. Il veut toujours s’installer à Toulouse, et se consacrer à son travail : « Chasse finie,
ou quasiment. Je ne chercherai plus, en terre française, que des sûres, c’est-à-dire qu’un sûr. Le décès de mon père me libère de
ces appréhensions que je vous avais exprimées, mais je veux une année, au moins encore, être sans difficultés, pour mon roman
[
Les Amitiés particulières
], qui […]
peut
être très bien ». C’est aussi cela qui l’éloigne de l’Afrique : « l’atmosphère de mon livre
est essentiellement française et provinciale. Je me considèrerais comme un fou et un sot pour compromettre l’achèvement d’une
œuvre qui me tient de plus en plus aux entrailles ». Le « pauvre Chev. » [Henry Houssaye], qui est en prison pour un scandale
pédophile à Cusset, lui fait de la peine, et il tente de l’aider comme il peut, lui envoie des livres ; il va lui rendre bientôt visite
à Cusset « pour lui lire mes papiers » [
Les Amitiés particulières
]... Ayant appris que les enfants de moins de quinze ans peuvent
voyager librement entre les deux zones, il veut changer son programme et demande à Montherlant son avis : bien qu’il soit certain
d’avoir un garçon sûr à Toulouse, il souhaite revenir à Paris : « je suis en délire à l’idée d’avoir, avec moi, à demeure, au lycée,
une de mes deux sûres de Paris ». Il ne faut pas s’inquiéter des mères, qu’il appelle « la déesse » et « la comtesse » : « Il suffit de
savoir présenter la pilule. Par le temps qui court, c’est quelque chose que de savoir en sûreté pour un an, et dans l’abondance
qui est permise, sa petite fille ». Il pèse le pour et le contre, entre les trois garçons et les deux mères : que choisir ?... Il a un ami
à l’Ambassade d’Allemagne : « Indication importante : si l’Ordre Nouveau s’établit [...] j’ai un homme à moi [...] à l’Ambassade
d’Allemagne :
A
schenbach
, qui était le secrétaire de
W
elzeck
et l’est, actuellement, d’
A
betz
[...] c’est le grand homme de la rue
de Lille [Ambassade d’Allemagne] [...]. Bref, s’il fallait avoir recours à ces messieurs, en ma faveur [...] vous pourriez vous adresser
là, sûr d’être favorablement accueilli à double titre »... Il lui demande de lui obtenir par cette voie un
ausweiss
, car on ne peut rien
refuser à Montherlant : « vous êtes, là-bas, l’homme à qui l’on fait un pont d’or »... Il craint que la famille N. ne se sente jouée par
eux, et que la Gestapo, malgré la protection d’Aschenbach, n’exerce un chantage : « Puisque ces messieurs de la gestapo savent tout
[...] ils ne doivent pas ignorer que ces filles sont vos filles naturelles – et voilà le chantage qui commence »... Etc.