78
1898
.
Février 1898
. Il est plongé dans de nombreuses lectures, avant
La Cathédrale
de Huysmans : « ainsi le
Kapital
( !), un
essai de Metageometry, la correspondance de
B
alzac
se me disputent. Je mène à la fois ces lectures et mes propres chimères. La
psychologie sévit ferme dans ma citrouille ». Il travaille simultanément à des notes intitulées
Étude pour Agathe
et songe à son
projet, « mon ouvrage littéraire capital
Le dîner à Londres
». Sur
Le Capital
: « Maintenant on me flanquera la paix avec
M
arx
. C’est
un homme très remarquable mais il est comme les camarades : il n’a rien démontré. J’en étais sûr d’avance – mais maintenant
je puis l’estimer : ce n’est pas un god. J’ai trouvé drôle que pour résoudre les questions économiques il ait eu recours au même
truc que j’avais utilisé pour les questions psychologiques au début de mon inquiry »...
Paris [26 août]
. Il cuit et va retourner au
Ministère : « Ce temps me porte aux abominations et liquéfie mon habituelle moralité. Que faire ? Arrivé d’hier, j’ai rencontré, seul
humain, à face humaine, the young
L
éautaud
. Nous avons circulé, cherchant la fraîcheur […] Tout se conjure. Tel Verlaine, L’espoir
luit comme un brin de paille – dans un verre. […] je rêve de cigarettes à la glace [...] On allumerait sa pipe à un sorbet » etc. –
S
ur
l
’A
ffaire
D
reyfus
: « Tout me détourne d’imprimer whatever thing au sujet du cyclone vivant d’absurdités actuel », dont la « lettre
de
D
uclaux
» est à ses yeux un des meilleurs exemples, « un monument ! ». Il souligne l’inconséquence qu’il y a à mélanger la
justice et la science : « On ne peut donc conclure, d’une méthode à l’autre, et les vérités, ces conventions commodes, ne sont pas les
mêmes des 2 côtés. [....] Pour le cas
Z
ola
. Je pense très fermement que l’intelligence, la puissance intellectuelle est contradictoire
avec l’existence d’une société. Elle doit être bouclée et canalisée. Une bouffée d’esprit, la moindre, met sans cesse en question les
choses qui doivent être immuables. D’ailleurs toute concession est inutile. Je ne conclus également pas. Enfin, méfions-nous des
mouvements collectifs de vertu et de générosité. Si l’on en juge par les résultats, c’est le commencement des horreurs »...
[Printemps 1900]
. Il le remercie pour son petit volume bleu et annonce ses fiançailles avec Jeanne
G
obillard
(février 1900),
qu’il espère épouser en mai, et qui est une cousine de Julie
M
anet
, qui va se marier elle-même avec son ami Ernest
R
ouart
:
«
M
allarmé
, ami de cette maison, avait, en somme, tracé la voie de cette union. Enfin, au moment décisif, l’intervention singulière
et autoritaire du peintre
D
egas
a décidé l’événement lui-même »...
[20 août 1912]
. Carte postale illustrée du
Bain
de Degas (Musée du Luxembourg), avec cet amusant quatrain :
« Toute une vache rose aux ombres de homard
Ivre d’eau fade sort molle du coquemard,
Cependant que l’accueille avec peignoir la bonne
Située au sud de la bizarre bonbonne »
1918
.
Lundi [9 janvier]
. Il s’excuse de ne pas lui avoir renvoyé son très intéressant manuscrit sur Edgar
P
oe
[
La Vie d’Edgar A. Poe
par A. Fontainas, 1919], qu’il a dévoré, mais il est tombé malade et en dépression à la fin de l’année 17. Il lui propose de soumettre
à Pierre
B
ertin
l’idée d’une lecture « de votre ouvrage par vous-même », et promet de lui rapporter le manuscrit dès qu’il pourra
sortir...
Jeudi [1
er
mars]
. Il a écrit à Bertin à propos de cette « conférence », mais hésite encore à envoyer sa lettre à cause de la
question financière, ne se souvenant que vaguement de quelques propos brumeux de
C
opeau
à ce sujet. Mais sa conviction intime
est : « rien à gratter »...
Samedi [7 avril]
. « J’avoue qu’entre les bombardements, les caves, et l’offensive, me sentant la responsabilité
de six enfants (3+3) et d’un nombre égal de femmes, je me suis fait des cheveux. Bref, j’ai expédié tout ce monde vers la Sarthe où
un ami les héberge momentanément ». Il demande où en est « votre Poe », car lui ne peut rien faire pour l’instant, n’arrivant même
pas à travailler pour lui : « je regarde un certain tas de papier, – cahiers, feuillets, grimoires – et je me dis – Si cet amas flambait,
vingt ans de divagations s’en iraient en fumée. Le plus comique dans ce monologue, c’est que je n’ose jamais rouvrir ces cahiers,
tant j’ai peur d’y lire des sottises et de consumer les dits vingt ans dans un propre incendie de honte et de fureur »...
183.
Paul VALÉRY
. D
essin
original, [vers 1925 ?] ; plume et lavis avec rehaut d’aquarelle, sur papier fort orange
28 x 21,2 cm.
500/700
L
a
soirée
avec
M
onsieur
T
este
: deux personnages discutent autour d’une table dans un appartement, l’un assis, ressemblant à
Valéry, l’autre debout, de dos, se réflétant dans la glace d’une armoire.
184.
Paul VERLAINE
(1844-1896).
P
ortrait
gravé avec
dédicace
autographe signée, [1889] ; 20 x 14 cm à vue (légère
trace de pli ; encadré).
1 500/2 000
B
eau
portrait gravé du
poète à
l
’
hôpital
par Frédéric-Auguste
C
azals
(1865-1941), le représentant en habit et redingote, debout
et s’appuyant sur sa canne, main droite tenant sa pipe, coiffé d’un bonnet de nuit. Cazals fit plusieurs portraits de son ami en juillet
1889, alors qu’il était soigné à l’hôpital Broussais.
P
récieuse
épreuve
, gravée sur bois par Maurice
B
aud
(1866-1915) d’après Cazals (signatures AF.C 89 et MB) ; tirage en grand
format sur papier Japon du bois placé en frontispice de l’édition originale de
Dédicaces
, publiée à la Bibliothèque arttistique et
littéraire en décembre 1890.
D
ouble
dédicace
à George
B
onnamour
(1866-1954), littérateur, collaborateur de
La Plume
; Verlaine lui a consacré un sonnet,
paru dans
La Plume
du 15 octobre 1889, et recueilli dans l’édition originale de
Dédicaces
(pièce V, numérotée XX dans la
2
e
édition) : « J’étais malade de regrets, de quels regrets ! / […] Puis il fallut manger et boire. Comment faire ? / Mais vous vous
trouviez là qui me tendiez mon verre »…
Cazals a inscrit sa dédicace à droite du portrait : « à M. George Bonnamour F.A. Cazals ». Sous le portrait, Verlaine a inscrit :
« à George Bonnanour / très cordialement / P. Verlaine ».