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155.
George SAND
(1804-1876). L.A.S. « Pylade », [Nohant fin novembre 1837], à son ami Alexis
D
uteil
à La Châtre ;
1 page in-8, adresse.
400/500
« Tu diras au vieux [
M
ichel
de
B
ourges
] que j’ai failli partir avec toi. Si j’avais été sûre de lui faire plaisir, j’aurais surmonté la
maladie. Mais qu’en sais-je au bout du compte ? Je lui ai écrit deux fois depuis son passage à Nohant et il ne m’a pas répondu.
Sache s’il a reçu mes lettres. Sache ses projets pour cet hiver. Enfin parle-lui beaucoup et raconte-moi tout. Je t’embrasse bon vieux,
et je t’aime comme Oreste aimait Pylade. »
Correspondance
, IV, 1637.
156.
George SAND
. L.A.S. « George Sand », Paris 15 août 1838, [à Louis
D
esnoyers
, rédacteur du
Siècle
] ; 1 page in-4.
700/800
L
ettre
ouverte
protestant
contre
une
publication
.
« Un libraire que je ne connais pas vient de mettre en vente un livre intitulé :
Serments d’amour, par George Sand et Alexandre
Dumas
. Je n’en ai pas écrit une seule ligne et n’ai jamais eu l’honneur d’être collaborateur de Monsieur Alexandre
D
umas
.
Une nouvelle signée
Sand
qui termine le premier volume de cet ouvrage m’est complètement inconnue. Veuillez, Monsieur le
rédacteur, en attendant que je poursuive devant les tribunaux l’abus inqualifiable qu’on a fait de mon nom, insérer cette lettre dans
votre plus prochain numéro »...
Correspondance
, IV, 1778.
157.
George SAND
. L.A.S. « George », [Paris 28 mars 1841], à Félix
B
onnaire
(directeur de la
Revue des Deux Mondes
) ;
3 pages petit in-8 à son chiffre gothique, adresse.
1 000/1 200
S
ur
sa
pièce
C
osima
, qui avait échoué l’année précédente à la Comédie-Française,
et
la
préparation
de
l
’
édition
d
’
U
n
hiver
à
M
ajorque
(Souverain, 1842).
« Mon cher Bonnaire, qu’est-ce que veut me dire M
r
Magen en me proposant une nouvelle édition de
Cosima
? puisque l’ancienne
n’est pas vendue, je ne vois pas lieu à une nouvelle. Apparemment il veut m’acheter ce qui en reste, c’est de quoi je ne me soucie
pas, vu la grossièreté de son style épistolaire. Auriez-vous la bonté d’envoyer chez moi ce qui vous reste d’exemplaires de la
malencontreuse
Cosima
, enfant mort-né dont le parrain [François
B
uloz
, commissaire royal à la Comédie-Française] m’a laissé
faire les frais de baptême, même de payer des claqueurs dont je ne voulais pas, dont il s’est chargé, à mon corps défendant, et qui
m’ont sifflée, des premiers ».
Elle demande également d’anciens numéros de la
Revue des Deux Mondes
« où se trouvent
le
drame fantastique
[
Les Sept Cordes
de la Lyre
], et le voyage à Mayorque. Je fais réimprimer ces deux morceaux, et ne voudrais pas gâcher pour les corrections, ma
collection de la revue ; ne pourrait-on m’envoyer cela en pages ? en reste-t-il des épreuves après la publication ? »...
Correspondance
, V, 2200.
Reproduction page 69
158.
George SAND
. L.A.S. « George », [Paris fin novembre 1842 ?], à son amie Rozanne
B
ourgoing
; 6 pages petit in-4 à
son petit chiffre gothique (légèrement fendue au pli).
1 800/2 000
T
rès
longue
et
belle
lettre
sur
l
’
art
du
roman
,
sur
les
revues
et
les
éditeurs
,
et
sur
son
roman
C
onsuelo
.
Elle a lu le « roman » de Rozanne [
Héléna
, nouvelle publiée à Vienne en 1844] « Il y a de très jolies choses, des caractères, de la
poësie, des vérités philosophiques, et beaucoup de cœur. Il n’y a pas assez d’incidens, trop de simplicité dans le sujet et dans les
événemens. C’est trop une histoire réelle et véritable, et pas assez un roman. Ce n’est point un tort de ton esprit et de ton caractère,
au contraire c’est un mérite. Mais le roman demande plus d’animation et de variété, des scènes plus inattendues, des personnages
moins faits d’une pièce, une intrigue plus compliquée, plus
d’art
enfin.
L’art n’est pas fait pour toi, tu n’en as pas besoin.
Mais le
roman ne peut guère s’en passer, et à ta place je recommencerais celui-là, ou j’en ferais un autre. Ne prends mon avis cependant,
que pour ce qu’il te semblera valoir. Il est possible qu’à force de faire des romans moi-même, j’aie le goût gâté, comme on l’a sur
le bon vin quand on a trop
humé le piot de Boutarin
. J’ai fort peu de confiance en mon jugement et te supplie de ne pas l’accepter
sans examen ».
Elle peut l’aider à publier
Héléna
, « mais les difficultés sont grandes. D’abord la
Revue indépendante
n’a que trop de romans,
outre les miens ; on lui en présente tous les jours, et elle demande au lieu de cela des articles de politique, de bibliographie et
de science, dont le monde actuel est fort pauvre, ou fort avare. La
Revue de Paris
m’est fermée comme le Paradis l’est au diable.
Buloz et Bonnaire en tiennent les clefs d’une main et celles de la
Revue des 2 Mondes
de l’autre. Ma recommandation serait donc
très fâcheuse, brouillés avec nous, furieux, désespérés qu’ils sont dans ce moment-ci ». Il faudrait trouver un éditeur, mais « ces
messieurs ne veulent point se risquer sur un nom inconnu […] Il n’y a plus d’éditeurs confians en la parole d’autrui, encore moins
d’éditeurs aventureux pouvant et voulant risquer une petite somme. Ils sont tous ruinés, le public est blâsé. Le commerce va à
la diable : voilà ce qu’ils disent tous, et quand j’aurai essayé tout ce qui est possible, pour la centième fois de ma vie en pareille
rencontre, j’aurai un refus ». Elle essaiera, mais elle prévient : « On t’imprimera à condition que tu payeras les frais d’impression
et
les annonces
si tu en veux (ce qui est indispensable au succès du livre et coûte fort cher). Ensuite le libraire consentira à vendre
en partageant avec toi les profits. Mais il prélèvera sa part, et quand il l’aura prélevée, il ne s’occupera plus de la vente, ton livre
sera épuisé, oublié, il n’en vendra pas vingt exemplaires à ton compte. Je le suppose seulement indolent et peu délicat comme ils
… / …