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56

135. [

Guy de MAUPASSANT

(1850-1893)].

Léon FONTAINE

(1816-1892) dit «

P

etit

B

leu

 ». 2

manuscrits

autographes

(le 1

er

signé « Petit Bleu »), sur Guy de

M

aupassant

 ; 38 pages in-4 et 22 pages petit in-4.

1 500/2 000

T

rès

intéressants

témoignages

sur

M

aupassant

,

rédigés

par

son

ami

intime

L

éon

F

ontaine

,

dit

« P

etit

B

leu

 »

 ; précieux

témoignage sur leur jeunesse, sur la vie de « Joseph Prunier » (surnom de

M

aupassant

)

, puis sur son déclin et sa fin tragique, mais

aussi sur ses œuvres.

Le premier manuscrit (38 pages, incomplet du début, paginé 5-39), signé en fin « Petit Bleu », probablement rédigé en vue d’une

causerie avec Pierre Borel, a dû servir à la rédaction du livre

Le Destin tragique de Guy de Maupassant

, publié sous les noms de

Pierre Borel et « Petit Bleu » (Les Éditions de France, 1927). Il présente des ratures et corrections, des annotations marginales, et

des variantes avec le texte publié.

Le manuscrit commence lors de l’évocation du Casino d’Étretat : « Prunier et ses camarades y avaient leur “ardoise” et Joseph

n’était pas exigeant pour le règlement des parties de billard et des bols de punch »... Fontaine raconte ensuite les excursions que

le chef incontesté de la bande, Prunier (Maupassant), qui connaissait « dans les moindres replis la Côte où il avait été élevé », leur

faisait faire dans tout le pays, les falaises, les grottes, etc. : ils partaient à pied, marchaient grand train jusqu’à Saint-Jouin « où

l’on festoyait et s’attardait à l’auberge de “

La Belle Ernestine

”, une bonne et saine Normande ». Il rappelle que Maupassant avait

aussi connu le poète anglais

S

winburne

à Étretat en 1868, et que ce dernier lui avait donné « une affreuse main d’écorché » dont

il s’inspira pour écrire sa première nouvelle publiée sous le pseudonyme de Joseph Prunier (

La Main d’écorché

, Almanach Lorrain

1875). Puis c’est la vie à Paris : « Donc Joseph Prunier et Petit Bleu, vers leur vingtième année, étaient si bons camarades qu’ils

passaient presque toutes leurs soirée ensemble à Paris »... Fontaine décrit la « modeste chambre » de Maupassant, 2 rue Moncey,

et raconte les nuits magiques que les deux amis y passaient : « après s’être gavés de prose toute la journée, ils se saoulaient de

poésie toute la soirée ». Mais dès le printemps, ils louaient une chambre dans une guinguette d’Argenteuil, qui « se transformait

souvent en dortoir les soirs où “la bande” était réunie » : il évoque alors « les folles journées de canotage » sur leur yole

La Feuille

de rose 

: « ils fumaient force pipes, buvaient sec, et faisaient des charges abracadabrantes, auxquelles se complaisait Prunier [...]

Ils étaient jeunes, ils étaient gais, ils avaient besoin de se dépenser »... En automne, Prunier et Petit Bleu vont chasser l’alouette

dans la plaine de Bezons... Fontaine brosse un beau portrait de Maupassant : « Ah ! quel beau et solide gars était alors Maupassant,

le cou, le torse et les biceps d’un athlète », hardi, intrépide et toujours gai, mises à part les terribles migraines qui parfois le

terrassaient... Le premier volume de poésie de Maupassant lui valut une certaine estime ; il raconte les visites chez

F

laubert

, la

joie de ce dernier à les recevoir, et leurs discussions passionnées de littérature... Il raconte la représentation de la pièce de théâtre

scandaleuse,

À la Feuille de rose, maison turque

, dans laquelle il jouait une odalisque, et à laquelle assistèrent Zola, Flaubert,

Daudet, Tourgueniev, etc. ; la première de l’

Histoire du vieux temps

, la véritable première pièce de Maupassant ; puis le succès de

Boule de Suif

dans

Les Soirées de Médan

, qui valut aussitôt à Maupassant « une grande notoriété et les journaux se disputèrent sa

collaboration ». Ils déménagent alors dans un petit appartement au bord de l’eau à Sartrouville, où il travaille à

Une Vie

et à

La

Maison Tellier

 ; nombreuses anecdotes, notamment d’un déjeuner chez

Z

ola

à Médan... « Puis vinrent les années laborieuses » :

le travail, l’écriture, puis enfin le soleil de la Côte d’Azur, Cannes, les sorties et croisières sur son bateau le

Bel Ami

... Fontaine

explique aussi comment l’état psychologique de son ami s’est peu à peu altéré, avec « le surmenage de son existence, les névralgies

qui le faisaient tant souffrir, les remèdes de toute sorte qu’il prenait pour les calmer, l’excès de travail »… Il raconte sa tentative de

suicide, le transport à Paris à la clinique du Dr

B

lanche

« où il végéta dix-huit mois avant de s’éteindre le 6 juillet 1893 »... Puis

il consacre un chapitre aux « femmes de Maupassant », faisant remarquer que chez lui « c’est le plus souvent la femme qui est la

sacrifiée, la victime de l’amour » : il étudie ainsi les héroïnes de ses ouvrages, et conclut : « Maupassant n’était pas un sentimental

non plus qu’un passionné [...] C’était un gourmand d’amour, avec beaucoup d’appétit et un tempérament robuste »...

Le second manuscrit, de 22 pages, est une analyse des nouvelles fantastiques de Maupassant, mises en perspective avec ses

problèmes mentaux et sa fin tragique : « Bien que son œuvre témoigne de tant de santé, d’équilibre et de lucidité, Maupassant

a toujours été attiré par l’étrange, le mystérieux, les sujets de folie, de peur, de cauchemar. Il n’y a pour ainsi dire pas un de

ses volumes de contes, pourtant si gais, qui n’en renferment d’écrits sous cette inspiration ; et l’on pourrait, en les réunissant,

composer un recueil de contes fantastiques ». Il évoque plusieurs nouvelles et contes, dont

La Main

,

Sur l’eau

,

Fou

,

La Peur

,

Le

Horla

, etc. Maupassant écrit ces contes par goût du bizarre et de l’étrange, en y mêlant de plus en plus un frisson d’angoisse

personnelle : « On sait qu’il a eu souvent des hallucinations », mais il en parlait avec tant de lucidité qu’on ne pouvait penser

qu’elles aboutiraient au naufrage de sa raison. À quel moment les premiers symptômes ont-ils apparu ? Il est difficile de préciser,

son entourage intime ne s’en aperçut que quelques mois avant sa tentative de suicide. Mais quelles affres, dont par fierté il ne

faisait confidence à personne, a dû ressentir le pauvre grand écrivain, quand il put appréhender le dénouement fatal ! »...

136.

Frédéric MISTRAL

(1830-1914). 2 L.A.S., Maillane 1901-1906, au Dr Henri

C

azalis

(Jean

L

ahor

) ; 3 pages in-8

chaque.

250/300

24 avril 1901.

« Vous avez bien fait de penser à moi pour le patronage de la

Société protectrice des paysages français

. Je suis de

ceux qui volontiers signeraient des deux mains une loi draconienne contre les nouveaux barbares en train de tout détruire et de

déshonorer les Gaules. [...] L’égalité dans la laideur, voilà où nous courons, mon cher ami, à toute vapeur, essayons de sauver

quelques îlots, comme ces moines primitifs qui sauvèrent du vandalisme les manuscrits de l’Antiquité »...

24 mai 1906

. « Tu es

admirable par ta foi au mieux – quand même et malgré tout. Et cependant, à la fin d’une longue vie consacrée à la poursuite d’un

idéal, devant la vanité de l’effort, comment échapper au doute ? Est-ce le beau ou la laideur qui profitera de l’évolution appelée

progrès 

? Oui, vraiment

héroïque

est le pessimisme de ton

Bréviaire

, et c’est pourquoi très saine et très fortifiante en est la lecture »...

Il développe ensuite la métaphore d’une fourmi, recommençant indéfiniment son œuvre : « N’est-ce pas la destinée de notre pauvre

humanité ? Civilisations submergées par les barbaries – et toujours à recommencer ? »...