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L’auteur y évoque d’abord son premier roman,

Le Drageoir à épices

(1874), et

FOuRNIT DES RENSEIGNEMENTS FORT

INTÉRESSANTS CONCERNANT LA GENèSE DE CETTE ŒuVRE

: [...]

vous voudriez bien voir transformer votre prose en jolis

caractères elzéviriens et vous me demandez si dans la capitale, un éditeur ferait les frais ! hélas ! ce rare oiseau ne me semble

pas encore éclos. Vous me parlez de l’éditeur de Drageoir – je vais alors vous raconter la lamentable histoire de ce volume.

Je me présentai, le manuscrit en poche, chez Lemerre qui me ferma la porte au nez, chez Lachaud qui eut un regard féroce

et ne me répondit point, chez Hetzel qui poussa les hauts cris et enfin chez Dentu qui me déclara qu’il ne ferait jamais les

frais d’un volume écrit dans une langue si drôle (sic). À bout de courses, je me décidai à en faire les frais moi-même, et Dentu

y mit son nom. Bien – mais comme il n’avait jamais cru à un succès, il le laissa en boutique et en une année sur les 500 tirés,

en vendit 80 !! malgré la belle presse qui m’avait agoni déjà d’injures ! Je lui retirai alors le reste de l’édition, fis tirer de

nouvelles couvertures et le plaçai chez Maillet qui les vendit mieux mais me vola abominablement

[...].

– Il poursuit, à propos de la réception littéraire de son roman

Marthe

(1876), puis celle de

L’Assommoir

:

Lisez-vous le Gaulois

et l’Evénement, ça va bien pour l’instant, l’Assommoir et Marthe sont traînés dans la boue, et quelle boue de phrases

incolores et veules ! Nous sommes en pleine lutte, les journaux attaquent mais constatent notre existence, c’est beaucoup

.

– Huysmans continue longuement sur

L’Assommoir

et

DRESSE CET ÉTONNANT PORTRAIT DE

Z

OLA

:

Vous me demandez si je

puis vous donner un article sur ce livre

[

L’Assommoir

]

et sur Zola. Je ne demande pas mieux d’autant qu’en dehors de

l’admiration que j’ai pour l’artiste, j’aime beaucoup l’homme qui est bon et exquis. Si vous le voulez, je vous fais un Zola

en pantoufles, le Zola inconnu, le buveur de sang, qui vit tranquille dans un coin, avec sa femme.

Camille Lemonnier avait sollicité Huysmans pour écrire une série d’articles sur

L’Assommoir

dans sa revue

L’Actualité

.

Huysmans avait accepté l’offre, à la seule condition que son confrère en fasse imprimer quelques tirés à part et en

transmette un exemplaire à Zola (cf. Michel Biron, « Écrire à trois : Huysmans, Bloy et Villiers de l’Isle-Adam » in

Penser

par lettre

, actes du colloque d’Azay-le-Ferron, mai 1997, p. 102 :

À ce jeu, Huysmans gagne doublement : il assume à

Paris son rôle de disciple dévoué de Zola et devient le maître bienveillant des écrivains naturalistes en Belgique

).

Zola fit allusion à cette brochure dans une lettre écrite à Huysmans le 4 avril 1877 :

J’ai lu hier votre brochure avant de

souffler ma bougie, et j’ai été bien touché de votre étude si sympathique. Oui, me voilà tel que je voudrais être ; mais suis-

je réellement tel que vous me montrez ? Vous avez forcé l’éloge, et je n’accepte votre enthousiasme que pour la stupeur

qu’il a dû produire chez certaines gens. Puis, n’est-ce pas ? c’est un drapeau que vous levez. Entre nous, nous nous dirons

nos vérités ; mais devant le monde nous serons très insolents

.

Petit manque en queue.

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