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Un monument de la typographie et de l'illustration génoises au XVI

e

siècle.

Cette édition célèbre est d'abord le fruit de l'admiration de Bernardo Castello pour le Tasse et

pour son poème. Dès 1584, le peintre génois avait soumis au poète des dessins illustrant plusieurs

épisodes de

La Gerusalemme liberata

. Le Tasse avait accueilli avec faveur cette tentative de "donner corps

à sa poésie", pour reprendre les termes de la lettre d'intercession adressée à l'auteur par le père

Angelo Grillo, membre de l'élite intellectuelle génoise et responsable du rapprochement entre le

poète et l'artiste.

Soucieux de contrer l'influence culturelle de Venise, l'éditeur Girolamo Bartoli décida de s'inspirer

de l'un des plus grands chefs-d'œuvre de l'édition illustrée vénitienne, l'

Orlando furioso

publié par

Valgrisi en 1556. Afin de concurrencer cet illustre et intimidant modèle, Bernardo Castello choisit

d'adopter, au lieu de l'interprétation monothématique – incarnée par les dessins de Domenico

Mona réalisés pour un manuscrit demeuré inédit – la vision synthétique et plurielle qui caractérisait

les gravures de l'édition Valgrisi. Ce dispositif lui permit d'aborder dans une seule planche plusieurs

sujets disposés sur des plans différents.

Ce choix artistique, qui annonçait la grande saison du baroque génois, fit le succès de l'ouvrage

et influença pendant près de deux siècles l'iconographie de

La Gerusalemme liberata

. Les images de

Bernardo Castello, reprises avec des modifications dans deux autres éditions du poème (1604

et 1617), se retrouvent dans plusieurs tableaux et fresques exécutés à Gênes, une migration

iconographique analysée par Elisa Martini dans son article de 2013.

Exceptionnel exemplaire dont le titre, les planches et les ornements ont été richement

coloriés à la gouache et finement rehaussés d'or à l'époque de l'édition

.

Ce grand coloris, remarquablement exécuté et riche en contrastes chromatiques, renforce en les

magnifiant les audaces graphiques et perspectives de Bernardo Castello.

Intéressante reliure de la fin du XVIII

e

siècle, probablement italienne. Les pièces de maroquin aux

initiales "P.P." ont été ajoutées sur les plats au XIX

e

siècle.

Rousseurs ; auréoles prononcées au milieu du volume (cahiers F-O), sans conséquences pour les

planches coloriées ; infimes manques de papier affectant les bords et les coins des dix premiers

feuillets ; abrasion et petit trou à la première planche ; réfection dans la marge inférieure du feuillet

)(

2

effleurant quelques lettres (un timbre ou cachet anciennement supprimé).

Provenance : "P.P." (initiales sur les plats, non identifiées). – George W. Pratt, acheté en 1988

chez Marlborough Rare Books (cité dans le catalogue Vershbow). –

The Collection of Arthur & Charlotte

Vershbow

, Christie's New York, 9-10 avril 2013, n° 709.

Brunet, V, 665. – Adams, T-243. – R. Mortimer,

Italian 16

th

century books

, n° 494 : signale deux exemplaires Hofer (sur trois) en coloris de

l'époque, dont un semble très proche de celui-ci. – E. Martini, "Il Tasso istoriato. La

Gerusalemme

tra edizioni e affreschi a Genova tra

XVI e XVII secolo", in

Le Sorti d'Orlando

, 2013, pp. 213-231.

30 000 / 40 000 €