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“
Le régime d’oppression établi dans mon pays d’origine est universellement connu
”
137
CURIE (Marie).
Lettre adressée à Anatole France.
Paris, le 10 octobre 1910.
Lettre autographe signée “M. Curie” ; 4 pages in-12.
Contre l’exécution d’un jeune homme “notoirement fou” : émouvant appel à l’aide de Marie Curie
en faveur de compatriotes polonais condamnés à mort par l’occupant russe.
Prix Nobel de physique en 1903 avec Henri Becquerel et son mari Pierre, Marie Curie née Slodowska à Varsovie
en 1867 s’adresse à celui qui incarnait alors l’engagement des intellectuels en faveur de la justice et de la paix.
Elle lui demande de recevoir “
une compatriote très distinguée, Mme Molz, dont le mari, ancien chef de laboratoire
de la Faculté de Médecine, dirige actuellement une clinique à l’ hôpital général de chirurgie.
[…]
Mme Molz désire
vous entretenir d’une affaire de très haute importance à laquelle vous avez déjà bien voulu vous intéresser il y a un
an. Il s’agit d’une condamnation à mort prononcée en Russie d’une manière complètement inique contre deux jeunes
gens accusés d’avoir participé à un attentat politique. L’un de ces jeunes gens est atteint d’une maladie mentale
depuis plusieurs années et a été soigné en France par le professeur Brissaud ; ce jeune homme est un parent de Mme
Molz. Voici un an que les deux condamnés attendent la décision finale relative à leur exécution, et il a été possible
jusqu’ à présent d’empêcher celle-ci, grâce aux efforts de Mme Molz et à l’appui qu’elle a pu trouver en France,
en particulier auprès de quelques artistes, camarades d’atelier du jeune homme malade, qui ont été profondément
indignés d’apprendre qu’une condamnation ait pu être prononcée contre un homme notoirement fou.
”
Elle s’adresse donc à Anatole France, car “
il est bien connu qu’aucune iniquité vous laisse indifférent et que toute
intiative généreuse vous paraît naturelle, même quand il s’agit de questions intéressant un pays qui n’est pas le vôtre.
Le régime d’oppression établi dans mon pays d’origine est universellement connu, et personne n’y est sûr de sa vie et
de sa liberté. Tout en étant impuissant pour changer cet état de choses, on peut essayer d’empêcher certains des crimes
qui s’y commettent
[…].”
Depuis le Congrès de Vienne, la Pologne, pays martyr morcelé en plusieurs territoires, avait été en grande partie
annexée par la Russie tsariste qui y pratiquait une politique de russification forcée. L’agitation nationaliste
n’avait jamais désarmé et, depuis le début du XX
e
siècle, elle avait été fédérée par Pilsudski : après l’échec de
l’insurrection de Varsovie en 1905, ce dernier organisa une armée qui devait combattre sous le nom de Légion
polonaise aux côtés des Austro-Hongrois contre les Russes en 1914.
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