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AURY (Dominique).

42 lettres autographes signées à Castor Seibel

(1989-1990).

Joint : une lettre de Marcel Jouhandeau à Dominique Aury, deux ouvrages traduits par

Dominique Aury avec envois à Castor Seibel (Thomas Browne et Yukio Mishima), un jeu

d’épreuves corrigées de la préface de D. Aury au

Labyrinthe du monde

de Marguerire Yourcenar.

Ecrivain, critique, expert et collectionneur allemand, Castor Seibel est considéré comme l’un

des meilleurs connaisseurs de l’œuvre de Braque et Fautrier, à qui il a consacré plusieurs essais.

Il rencontra Dominique Aury par l’intermédiaire de la société des amis de Jean Paulhan, avec

lequel il avait été en relations dans les années soixante.

A travers ces lettres, se dévoile une part de l’intimité de Dominique Aury (1909-1998), figure

majeure mais à bien des égards secrète de l’édition française de la seconde moitié du vingtième

siècle. Secrétaire de rédaction de la

NRF

, essayiste, traductrice, auteur de poèmes, elle est

devenue mondialement célèbre depuis qu’elle a avoué publiquement (en 1994 seulement),

la paternité d’

Histoire d’O

, publié sous le nom de Pauline Réage en 1954, et qu’elle évoque ici

à mots couverts, parlant de ses œuvres littéraires :

« Il y a eu, comme cela, quelques brèves années,

entre 50 et 60, une sorte de petit incendie »

.

Dans ces lettres qui datent de 1989 et 1990, elle effectue un perpétuel va et vient entre le présent

et le passé. L’activité au sein du jury du prix Femina et des éditions Gallimard, les traductions,

les préfaces qui l’occupent durant cette période, se mêlent à des souvenirs d’enfance, d’anciens

voyages et évocations des figures disparues, au premier rang desquelles celle de Jean Paulhan.

D’une continuelle distinction, pratiquant l’humour et l’autodérision avec constance,

Dominique Aury se révèle ici comme une grande épistolière, capable en quelques lignes de

faire revivre une scène ou d’évoquer un souvenir de la façon la plus vivante.

Remarquables lettres d’une personnalité remarquable.

Sur Yukio Mishima

 :

« Merci de votre lettre et de lire avec sympathie cette traduction pour

laquelle j’ai tant de doutes – car après tout c’est la traduction d’une traduction. Quelle vraie fidélité

avec le japonais ? Je ne saurai jamais. Mishima savait assez bien l’anglais, et approuvait entièrement

les textes qu’il m’avait lui-même expressément envoyés en me demandant de les traduire en français.

Bon. Mais par le plus grand des hasards un garçon qui envoyait des poèmes à la

NRF (...)

m’a dit

que le titre original de Patriotisme, qui est la clé même de Mishima – était Le Pays de la douleur.

J’ai d’autre part une lettre de Mishima, huit jours avant sa mort, où il me dit que le Japon est un

désert de glace et de poussière... Or il avait accepté apparemment le banal Patriotisme. Je regretterai

toujours ce splendide Pays de la douleur, que nous avons tous connu, lui, et vous, et nous, à travers

nos affreuses guerres. »

(7.8.89)

Sur Lafcadio Hearn

 :

« Cela donne un tableau d’un Japon disparu sans doute complètement,

mais aussi le portrait du peintre, de ces Anglais cosmopolites du XIX

e

siècle d’autant plus anglais

qu’ils le sont à peine (Irlandais par son père, grec par sa mère, mais puritain et pudibond comme ne

sont jamais les Irlandais ni les Grecs) : mais il avait le génie de l’admiration et ce respect de l’autre

qui est si rare et si beau. »

(5.6.89)

Son travail chez Gallimard

 :

« Corrections d’épreuves, lectures, traductions, c’est ce que j’aurai fait les trois quarts de ma vie,

toute contente de pouvoir un peu continuer »

(22.8.89)

« Tout à l’ heure, le comité de lecture (mensuel, jadis hebdomadaire) – est-ce un geste, ou

vraiment un travail utile ? Je pense aux immenses discussions de jadis, où chacun avait à défendre,

ou condamner, une pile de ms posés à ses pieds... »

(11.10.90)

Sa traduction des

Urnes funéraires

de Thomas Brown et les derniers jours de Jean

Paulhan

 :

« Et je me demande bien qui en a jamais acheté un exemplaire, vous devez être

le premier. A la vérité, c’est une traduction que j’ai faite pendant que J.P. se mourait à la clinique

– quatre mois durant, à côté de lui qui ne me reconnaissait pas toujours – sauf le dernier jour....

Les éditions je crois bien l’ont publié par simple gentillesse, je leur en ai toujours de la gratitude. »

(7.9.89)