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JOUHANDEAU (Marcel).
2688 lettres autographes signées environ à Castor Seibel
(1964-1978)
. Nombreuses photos, souvent dédicacées et divers documents joints. 1 Lettre de
Castor Seibel à Marcel Jouhandeau.
Exceptionnel ensemble de près de 2700 lettres, les plus intimes et les plus libres
qu’ait écrites Marcel Jouhandeau.
En janvier 1972, neuf ans après leur premier contact épistolaire, Marcel Jouhandeau écrit à
Castor Seibel :
« Hier soir, j’ai parlé de notre histoire devant Arlette, le baron Selière et un très
grand couturier. Tout le monde était dans l’émerveillement. “Voilà qui est unique, disait-on, dans
les annales de l’amitié et de l’amour. Quelle fidélité ! quelle discrétion !” Je crois en effet que nous
pouvons être fiers de notre réussite. »
Uniques, cette histoire et ces près de 2 700 lettres qui la retracent le sont assurément. C’est en
octobre 1963 que Marcel Jouhandeau reçoit la première lettre d’un jeune Allemand, qui désire
écrire une thèse sur lui. Très vite va naître en lui une passion hors du commun, entièrement
cérébrale et qui déclenchera paradoxalement un déchaînement de sensualité. En effet, par un
accord commun, les deux hommes feront le vœu de ne jamais se rencontrer physiquement,
pour que la réalité ne puisse décevoir en rien cet amour :
« Tu plonges tes racines dans mon âme
et dans mon corps. Depuis deux ans à peu près nous nous enracinons l’un dans l’autre, mieux que si
nous nous étions possédés, justement parce que nous persévérons à nous tenir enlacés sans nous voir.
Il y a là un mystère profond, une gageure que peu d’amants sont à même de soutenir. (...) Le désir
entre nous supplée au plaisir et le passe en volupté. »
(28.8.65)
C’est un torrent épistolaire que déchaîne cette rencontre chez Marcel Jouhandeau : en 1964,
première année de leur relation, il adresse plus d'une lettre par jour à celui qu’il appelle « mon
roi », « Trésor des trésors », « mon salaud adoré », « ma vie », « ma Terre de feu ».
Déclarations enflammées, confidences libertines, tendresse, adoration, reproches, toute la
gamme des sentiments se déploie à travers ces lettres. Marcel Jouhandeau s’est beaucoup
dévoilé dans ses
Journaliers
, mais jamais comme ici il ne le fait avec une telle liberté.
Au-delà de la relation exceptionnelle entre les deux hommes, ces lettres se lisent évidemment
comme un journal intime, dans lequel Marcel Jouhandeau raconte ses amours, ses scènes de
ménage avec sa femme, ses démêlés avec les éditions Gallimard, ses sorties, ses rencontres, ses
humeurs, ses joies, ses moments de dépression, le passage du temps.
La correspondance est pleine de réflexions morales ou littéraires, mais aussi d’instantanés
poétiques, brève description d’un paysage, saisie d’un instant de grâce ou de portraits, parfois
féroces.
On assiste à l’écriture et à la parution de ses ouvrages : les différents tomes des
Journaliers
,
Pur Amour
, la réédition de ses premiers textes chez Jean-Jacques Pauvert.
Ce sont des dizaines de petits romans que l’on suit à travers ces lettres : l’éducation de son
petit-fils Marc, ses démêlés avec ses domestiques, la mort d’Elise...
On découvre un homme qui ne cesse de s’observer et de se peindre, de scruter les moindres
variations de son état d’esprit, passant des pages les plus exaltées aux réflexions les plus
désenchantées.
Une correspondance-fleuve comme il en existe peu d’autres, qui plonge son lecteur au plus
intime de ce grand écrivain.
Florilège :
Amour de l’homme :
« J’aime mieux te dire qu’ à mon âge, à part l’adoration que m’inspire
la beauté masculine, rien ne m’attache tellement à la Terre. Je suis mort à toutes choses, excepté
à cette passion que j’ai voué à l’Homme »
(28.12.65)