Background Image
Previous Page  210 / 476 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 210 / 476 Next Page
Page Background

82

HUGO, Victor.

[

Ruines gothiques

]

.

Vers 1855.

Dessin sur papier, 180 x 220 mm, non signé ; plume, lavis, à l'encre noire et à l'aquarelle,

avec rehauts d’or et de gouache ; encadré sous verre.

Superbe dessin original de Victor Hugo : il représente une tour gothique en ruine

entourée de restes de mur et d'arbres noirs, à la tombée de la nuit.

Quelques parties du monument – muraille lézardée, vitrail, volée de marches, toit pentu, lucarne –

émergent à la lumière d’un soleil exténué. Le reste – arches, ruines indistinctes, dépendances – est

comme menacé par les ténèbres tombant d’un ciel nuageux, qui ne conserve du jour qu’un halo

entourant le bâtiment.

Seul le mur en ruine situé au premier plan, à gauche, recueille pleinement le jour mourant et

en restitue généreusement l’éclat : une véritable explosion de lumière dorée qui éclaire de façon

surprenante cette mystérieuse composition gothique.

“Alors, surgissent les images. Nombreuses, vastes, extraordinaires de beauté, de densité. Villes

mortes, fantômes d’architectures, espaces vacants, ce sont elles qui disent cette

indicible

profondeur,

ce désarroi, cette angoisse, cette obsession de la mort, devant lesquels le langage ordinaire se tait,

dérisoire. Elles disent cela parce qu’il faut que cela soit dit ; elles le disent obscurément parce qu’il

n’est pas dans leur nature d’analyser et d’éclairer, mais de montrer ce qui, ne s’expliquant pas,

s’impose” (Pierre Georgel).

La remarquable composition semble faire écho à l'un des poèmes d'

Odes et Ballades

, “Aux ruines de

Montfort-L'Amaury” :

Je vous aime, ô débris ! et surtout quand l'automne

Prolonge en vos échos sa plainte monotone.

Sous vos abris croulants je voudrais habiter,

Vieilles tours, que le temps l'une vers l'autre incline,

Et qui semblez de loin sur la haute colline,

Deux noirs géants prêts à lutter.

Lorsque, d'un pas rêveur foulant les grandes herbes,

Je monte jusqu'à vous, restes forts et superbes !

Je contemple longtemps vos créneaux meurtriers,

Et la tour octogone et ses briques rougies ;

Et mon œil, à travers vos brèches élargies,

Voit jouer des enfants où mouraient des guerriers.

Par l’invention graphique, la maîtrise des techniques employées, le sens des nuances et du mystère,

la densité de la matière picturale, ce dessin très achevé peut être considéré comme un des chefs-

d’œuvre du poète qui fut aussi un des grands dessinateurs du XIX

e

siècle.

Non reproduit par Massin & Grynberg in Victor Hugo,

Œuvre graphique

, II, Paris, 1969.- Le dessin a été vu et authentifié par Pierre

Georgel, le spécialiste de l'œuvre graphique de Victor Hugo, qui l'incluera dans le catalogue raisonné. Qu'il trouve ici l'expression de

notre reconnaissance.

50 000 / 80 000 €